12/09/2017
Sortir du nucléaire pourrait coûter 217 milliards d'euros à la France
Après une première déclaration polémique au début de l'été dans laquelle il affirmait vouloir fermer près de 17 réacteurs nucléaires, le ministre de la Transition écologique et solidaire semble avoir quelque peu adouci son discours. S'il a bien confirmé son ambition de fermer plusieurs réacteurs d'ici 2025, Nicolas Hulot a surtout rappelé la complexité de ce dossier et les implications financières, économiques et sociales à prendre en compte ici. Fermer plusieurs centrales en si peu de temps n'est pas une mince affaire et aura nécessairement de lourdes conséquences sur tous les pans de la société. Explications.
Nicolas Hulot réaffirme son ambition de fermer plusieurs réacteurs
Invité à s'exprimer sur France info mercredi 30 août 2017, le ministre de la Transition écologique, Nicolas Hulot, a confirmé la fermeture prochaine de la centrale alsacienne de Fessenheim ainsi que celle d'autres réacteurs, sans toutefois en préciser le nombre. Le ministre qui avait annoncé au début de l'été l'arrêt de 17 réacteurs dans les prochaines années, s'est voulu cette fois plus mesuré, évoquant notamment la nécessité de faire les choses dans le respect des entreprises et des salariés dépendants de l'activité des centrales dans leur région. « Ce qui m'intéresse c'est qu'on identifie quels réacteurs on va fermer sur des critères sociaux, économiques, et surtout sur des critères de sécurité. Cela ne se fait pas sur un coin de table en huit jours », a souligné Nicolas Hulot. « Nous-mêmes nous travaillons sur des scénarios », a-t-il indiqué. Le scénario retenu devra être « humainement et socialement acceptable, notamment pour ces gens qui seront touchés par ces conversions et par ces changements ».
Il faut dire que les conséquences d'un tel bouleversement de notre système d'approvisionnement électrique ne sont pas seulement énergétiques. Elles impliquent également des retombées financières considérables mais aussi sociales et politiques qu'il sera très difficile, voire impossible de digérer dans un délai si court.
Fermer des réacteurs : oui, mais à quel prix ?
Sur le plan financier tout d'abord, un retrait aussi rapide et prononcé de la France sur le dossier du nucléaire se traduirait par un coût exorbitant pour l’État que l'on imagine mal épargner les contribuables. L'Institut d'étude libéral Montaigne qui s'est intéressé au coût réel d'une telle mesure dans un rapport publié en pleine campagne présidentielle, évalue le montant de la facture d'une sortie accélérée de l'énergie nucléaire à près de 217 milliards d'euros pour l'ensemble des réacteurs du parc français.
Si l'Institut reconnaît que ce chiffrage reste une entreprise difficile et incertaine, il établit néanmoins une série de coûts incompressibles dans les prochaines décennies. On y retrouve le coût d'adaptation du réseau à la distribution des énergies renouvelables (évalué entre 13 et 18 milliards entre 2018 et 2035), le coût d'indemnisation de l'exploitant EDF (évalué à 25 milliards), le manque à gagner pour la balance commerciale française (estimé à 25 milliards par an), et surtout, l'investissement colossal nécessaire dans les énergies de substitution renouvelables ou fossiles évalué ici à plus de 179 milliards d'euros. Au total et à raison de 10,1 milliards d'euros par an à financer sur la durée du prochain quinquennat, il restera encore à payer près de 170 milliards jusqu'en 2035, sachant que la dépense annuelle atteindra 13,6 milliards à compter de 2026.
De lourdes conséquences pour l'économie locale
Que l'on soit pro-nucléaire ou écologiste détracteur de l'atome, il est un autre point que l'on ne peut contester. La fermeture de réacteurs nucléaires ne se limite pas malheureusement comme le sous-entend le projet de loi de transition énergétique, à une simple soustraction de quelques mégawatts de puissance électrique. L'arrêt éventuel de plusieurs usines de production aura des conséquences considérables sur les économies locales concernées et entraînera fatalement le licenciement ou le déplacement de plusieurs milliers d'employés.
Véritables viviers économiques pour des milliers d'employés et de sous-traitants, les centrales nucléaires jouent en effet un rôle déterminant dans le développement économique local des régions qui les accueillent. A Fessenheim par exemple, où syndicats et associations protestent depuis plusieurs années maintenant contre le projet de fermeture, la transition énergétique est vécue comme un gâchis économique, social et écologique. Les populations et les élus locaux craignent que la fermeture du site industriel affaiblisse rapidement et profondément la vitalité du bassin de vie et de la région via la perte de nombreux emplois directs et indirects, la baisse significative des ressources économiques du territoire et des collectivités locales, et le départ inéluctable de nombreux habitants (avec les conséquences sur les biens immobiliers et l'animation du territoire que cela implique).
Les énergies renouvelables peuvent-elles prendre le relais ?
Outre ces conséquences directes sur les finances publiques et l'emploi en France, la fermeture d'un certain nombre de réacteurs d'ici 2025 (entre 15 et 20 si l'on veut atteindre l'objectif de 50% du nucléaire dans le mix énergétique français), déstabiliserait complément notre système d'approvisionnement et nécessiterait logiquement une énergie de substitution à la fois stable et bon marché. Et c'est là que le bât blesse. Souvent évoquées comme la solution pour subvenir à nos besoins d'électricité dans l'avenir, les énergies renouvelables sont pourtant loin d'être arrivées à maturation technologique et ne peuvent à l'heure actuelle garantir une alimentation électrique sécurisée. Sans techniques de stockage plus efficientes permettant de lisser leur production, les énergies éolienne et solaire notamment restent intermittentes et dépendantes des aléas climatiques. Cette incapacité à prendre le relais imposerait donc rapidement le recours à d'autres moyens de production thermiques plus fiables mais aussi beaucoup plus polluants en termes d'émissions de gaz à effet de serre, au risque de voir la France renier ses engagements environnementaux pris dans le cadre des Accords de Paris.
Compte tenu du parc de production renouvelable actuel et de son rythme de progression ces dernières années, il semble de plus très peu probable que l'on puisse atteindre dans les délais, les capacités installées nécessaires pour combler le vide laissé par la production électronucléaire. L'installation de nouvelles centrales électriques renouvelables demande du temps bien sûr, mais également des investissements colossaux et remplacer 17 réacteurs (soit une capacité total de 15 GW) semble bien peu réaliste sur une période si courte. Le Parisien comparait par exemple, dans un article du 10 juillet 2017, la production de 17 réacteurs nucléaires, à celle de 1400 centrales hydroélectriques, de 6600 éoliennes terrestres ou de 3 730 000 installations solaires. Nicolas Hulot le reconnaît d'ailleurs lui-même : "aujourd'hui, quand vous faites un appel d'offres pour mettre en place des éoliennes, notamment offshore, entre le moment où vous faites l'appel d'offre et le moment ou vous implantez la première, il se passe entre 10 et 15 ans. Tant qu'on sera dans cette situation la transition énergétique ne pourra pas se faire".
De manière plus générale, l'hypothèse même d'un mix électrique 100% renouvelable dans les prochaines décennies (comme il a pu être évoqué dans certains rapports) reste de l'ordre de l'imaginaire et du fantasme. Selon une étude récente de l'Université de Stanford aux États-Unis, cet objectif demanderait un investissement moyen par pays de 900 milliards de dollars et impliquerait de dédier en moyenne 1% de chaque territoire à l'implantation de 1,8 milliard de panneaux solaires et 2,4 millions d'éoliennes supplémentaires. Des chiffres qui donnent le tournis et semblent encore une fois bien peu réalistes.
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