Parcs nationaux : le cri d'alarme


Pierre Challier


L'aigle n'est plus suivi, mais les moyens manquent aussi pour d'autres espèces./ Photo DR.

Ce 22 mai, les personnels de l'environnement sont appelés à la grève. Dans les Parcs nationaux ou à l'Agence française pour la biodiversité, le mouvement devrait être suivi. Baisse des moyens et des effectifs, missions sacrifiées : les réalités de terrain ne cadrent pas avec le discours de l'état pour «sauver la planète», dénoncent les syndicats.

L'aigle royal. Sur les photos officielles, il est l'un des grands rapaces emblématiques du Parc national des Pyrénées… «Mais nous n'en assurons plus le suivi. Faute d'effectifs suffisants, nous avons été contraints de faire des choix dans nos missions et on a dû sacrifier aussi le suivi scientifique du vautour fauve, sauf en Ossau, et du milan royal alors que ce dernier est en baisse au niveau européen», nous confiait consterné un garde du Parc, récemment…

L'accueil est fermé…
Une situation que confirment les syndicats dont le constat va même au-delà : «Aujourd'hui, nous assistons au démantèlement par l'état de tous les établissements publics de l'environnement», résument et dénoncent Virginie Perraud, du Syndicat national des personnels de l' environnement-FO (SNAPE-FO), Étienne Farand et Pierre Lapenu du Syndicat national de l'environnement (SNE-FSU), à deux pas du siège du Parc national des Pyrénées, à Tarbes, où le vaste accueil -qui se voulait aussi vitrine d'un sommet touristique d'Occitanie- est fermé, désormais, faute de personnel, (l'accueil des Maisons du Parc de vallée d'Aure et du Val d' Azun ayant pour sa part été externalisé).
Tous trois travaillent pour l'institution qui a fêté ses 50 ans, l'an dernier. «En sept ans nous avons perdu 15 postes sur 86, en 2010, essentiellement de terrain. En zone protégée, la surveillance du Parc est donc directement impactée, aussi, et ce n'est pas sans conséquences. Les interdictions de faire du feu ou de bivouaquer sont de moins en moins respectées, et chez nous comme ailleurs, dans d'autres parcs, cela pose aussi problème quant aux déchets, au braconnage et à la cueillette sauvage des plantes qui ont une valeur sur le marché. Dans le parc du Mercantour, nos collègues ont arrêté un individu avec 2 600 brins de genépi alors que la cueillette y est formellement interdite», explique Pierre Lapenu.

Le Mercantour, au passage ? Là-bas, dans les Alpes, on est passé de 92 agents en 2009 à 75 en 2018 et 10 postes en moins sont prévus d'ici 2022. Mais il n'y a pas que les Parcs nationaux… car l'Office national de la chasse et de la faune sauvage et les Agences de l'eau ont aussi cotisé aux 92 postes supprimés pour la seule année 2018.

Toujours plus avec toujours moins
«Tout le monde est touché alors que les missions s'élargissent et se multiplient», souligne alors Virginie Perraud, inspecteur de l'environnement dans la nouvelle Agence française de la biodiversité, fruit de la fusion en 2016 de l'Office national de l'eau et des milieux aquatiques (Onema), de l'Établissement public des parcs nationaux, de l'Agence des aires marines protégées et du groupement d'intérêt public ATEN. «Et tandis que notre champ d'action a été élargi, au nom de la «mutualisation», notre budget lui, a été baissé de 5 M€, notre fonds de roulement de 27 M€, et, localement, nous sommes passés de 7 à 4 agents dans mon service», note-t-elle.

Bref, il y a «un décalage total entre les ambitions environnementales affichées par la France, les grands discours sur la protection des milieux et des espèces et la réalité que vivent ceux qui doivent protéger la biodiversité et éduquer le grand public à sa préservation, sur le terrain, ce que nous faisons de moins en moins au risque de créer un déficit d'image pour le Parc», pointe Étienne Farand.

Une réalité qui se résumerait presque d'un chiffre : 828… C'est-à-dire le nombre de postes qui seront supprimés en 2018 au ministère de la Transition écologique, deuxième contributeur à la réduction des effectifs de la fonction publique derrière le ministère de l'Économie.

Tirer la sonnette d'alarme sur un environnement de plus en plus menacé -un tiers d'oiseaux disparus en 15 ans- mais de moins en moins défendu, faute de moyens humains et matériels sur le terrain : le 22 mai, à côté du rouge traditionnel, il y aura aussi du vert colère dans les défilés.
 
«Insécurité professionnelle»

Moins d'effectifs, moins d'argent, donc un travail plus tendu dans un milieu montagnard par définition hostile : «ces coupes créent de l'insécurité professionnelle», soulignent également ces représentants syndicaux. Siégeant au CHSCT du Parc national des Pyrénées, Pierre Lapenu, constate ainsi «de la tension au sein des équipes» et «une nette augmentation des arrêts de travail, de l'accidentologie du fait de la fatigue physique et nerveuse». Assurant une mission de police en tant qu'inspecteur de l'environnement, Virginie Perraud souligne aussi la solitude qu'elle et ses collègues ressentent lors des contrôles et lorsqu'il s'agit de faire face à l'agressivité de certains montagnards sur le dossier ours «où les gardes devront jouer le rôle de tampon, après les annonces de réintroduction.»

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