12 sept. 2018
La Cour des comptes européenne estime qu’en dix ans,
Commission comme États membres n’ont pas réussi à protéger les Européens
contre le principal facteur environnemental de risque pour la santé. Un article de notre partenaire, le Journal de l’environnement.
Réviser la directive sur la qualité de l’air ambiant. Intégrer la
qualité de l’air comme aspect prioritaire dans les autres politiques de
l’Union. Améliorer la sensibilisation et l’information du public. Voilà
les préconisations d’un sévère rapport que vient de publier la Cour des
comptes européenne (CCE) sur l’échec commun des États et de la
Commission européenne en matière de lutte contre la pollution de l’air
extérieur.
Car cette pollution provoque, en moyenne, plus de 1 000 décès
prématurés par jour, soit 10 fois plus que les morts par accident de la
route et près de 400 000 morts prématurés par an. Et certains Etats
membres –comme la Bulgarie, la République Tchèque ou la Lettonie- n’ont
rien à envier, en termes de perte d’années de vie en bonne santé, à la
Chine ou l’Inde.
Des normes de 20 ans
Les auditeurs de la Cour sont allés vérifier sur le terrain, à
Bruxelles, Stuttgart, Milan, Cracovie, Sofia et Ostrava (République
tchèque)… et n’ont pas été déçus du voyage. Car il est probable que le
bain de Nox, de particules fines, de dioxydes de soufre et autre ozone
troposphérique auxquels sont surexposés un quart des Européens soit
sous-évalué, «faute d’être mesuré là où il le faudrait».
Et si le thermomètre est mal positionné, que dire de l’appréciation
qui en est faite? «Les normes de qualité de l’air de l’Union ont été
fixées il y a près de 20 ans, et certaines sont à la fois nettement
moins strictes que les lignes directrices de l’OMS et trop peu
contraignantes au regard des dernières données scientifiques concernant
les effets de la pollution atmosphérique sur la santé humaine», estime
la CCE.
PM2,5 sur l’année
Au risque du dévoiement des normes… L’exemple des PM2,5 est frappant:
alors que l’OMS prévoit une valeur à court terme pour ces particules
qui font leur chemin jusqu’au plus profond des bronches, la directive
européenne n’en comporte pas. Ce qui permet, en se basant uniquement sur
une moyenne annuelle, de lisser la pollution en compensant «les
quantités considérables et toxiques de PM2,5 émises par le chauffage
domestique en hiver» par la baisse des niveaux d’émissions pendant les
mois d’été.
Et en dépit des alertes de l’OMS sur l’adoption souhaitable d’une norme sur 24h, la Commission n’en a pas tenu compte en 2013. «Le
caractère très peu contraignant des normes adoptées a des conséquences
majeures sur la communication d’informations et sur les mesures
coercitives, notamment en ce qui concerne le SO2 et les PM2,5», estime la Cour.
Maigres améliorations
Certes, il existe quelques raisons de se satisfaire. Des directives
et règlements européens ont contribué à faire diminuer les émissions de
polluants atmosphériques: entre 1990 et 2015, les émissions de SOX dans
l’UE ont ainsi baissé de 89% et les émissions de NOX de 56%. Depuis
2000, les émissions de PM2,5 ont reculé de 26%.
Mais la réduction des sources d’émissions ne fait pas tout: elle doit
aller de concert avec une réduction réelle des concentrations de
polluants. Et des voitures moins émissives, mais plus nombreuses,
peuvent aboutir à une augmentation des concentrations. Certes, la
Commission a réagi en 2013, avec le programme «Air pur pour l’Europe»; en
2017, elle reconnaît son échec et lance un bilan de qualité afin
d’évaluer la performance de la directive sur la qualité de l’air.
Stations mal placées
Les Etats n’ont guère été plus diligents que la Commission. Excepté
l’Estonie, l’Irlande, Chypre, la Lettonie, la Lituanie et Malte, les 28
États membres de l’Union étaient en infraction à une ou plusieurs des
valeurs limites des polluants réglementés. Et ce alors même que la
diligence nécessaire à des mesures de qualité n’a parfois pas été
respectée.
Comme par exemple à Bruxelles, où il n’existe que deux stations de
surveillance de la pollution liée à la circulation (contre 8 à Stuttgart
et de 11 à Milan), quand Cracovie ne possède qu’une station de type
industriel pour six stations de surveillance au total.
Des plans à revoir
Et quand les États proposent des solutions, ça ne va toujours pas, a
constaté la Cour aux vues de six plans relatifs à la qualité de l’air
qu’elle a examinés. Et ce pour 3 raisons. D’abord parce que les mesures y
figurant n’ont pas été centrées sur les zones où les plus fortes
concentrations de polluants avaient été relevées, et ne pouvaient pas
être rapidement mises en œuvre dans ces zones.
Ensuite parce que les mesures ne pouvaient pas donner de résultats
significatifs à brève échéance parce qu’elles étaient conçues pour le
long terme ou parce que les autorités locales chargées de les appliquer
n’avaient pas compétence pour le faire. Enfin parce que les mesures
n’étaient pas accompagnées d’estimations des coûts ou n’étaient pas
financées.
Poursuites à minima
Dans cet à peu près, où les villes expédient de volumineux dossiers
rarement mis au goût du jour, la Commission se contente de déterminer
quelles sont «les non-conformités les plus graves» qui pourront, le cas
échéant, donner lieu à contentieux.
Ainsi, en janvier 2018, la Commission était engagée dans 16
procédures d’infraction liées à la pollution particulaire, 13 procédures
d’infraction relatives au NO2, une procédure d’infraction liée au SO2
et deux procédures d’infraction concernant la surveillance de la
pollution atmosphérique.
Chaudières meurtrières
Enfin, la Cour liste tout un tas de politiques sectorielles qui ont
joué sur les concentrations en polluants. Comme l’utilisation de
chaudières ou de poêles à combustible solide à faible rendement, qui a
aggravé le problème de pollution atmosphérique due au chauffage local.
Ou l’agriculture, responsable de 94 % des émissions d’ammoniac (NH3)
–qui remontent depuis 2012-, alors qu’il existe «des mesures
techniquement et économiquement viables (telles que des mesures en
matière d’agronomie, de bétail et d’énergie) [qui] n’ont pas encore été
adoptées à l’échelle et avec la rigueur nécessaires pour entraîner des
réductions importantes des émissions».
La Cour conclut que l’action de l’Union européenne visant à protéger la santé humaine contre la pollution atmosphérique «n’a pas produit les effets escomptés. Le lourd coût humain et économique de la pollution n’a pas encore suscité d’action appropriée à l’échelle de l’UE».
La Cour conclut que l’action de l’Union européenne visant à protéger la santé humaine contre la pollution atmosphérique «n’a pas produit les effets escomptés. Le lourd coût humain et économique de la pollution n’a pas encore suscité d’action appropriée à l’échelle de l’UE».
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