Le réchauffement du climat doit inciter à prendre des mesures
« impopulaires et coercitives ». L’astrophysicien Aurélien Barrau
s’attaque aux libertés.
L’astrophysicien Aurélien Barrau est l’un des 200 signataires de l’appel publié en septembre 2018 dans Le Monde « Le plus grand défi de l’histoire de l’Humanité ». Il détaille également le fondement de sa démarche lors d’une intervention publique.
Nous aimerions analyser cette vidéo car elle nous semble charrier, sous
des allures bienveillantes, un discours extrêmement dangereux pour la
démocratie et plus largement pour l’Humanité elle-même.
Une nature humaine maladive
Le
concept de nature humaine n’est plus guère en odeur de sainteté. La
nature humaine est ce qui caractérise spécifiquement l’homme : par
exemple le travail, le langage, une volonté divine etc. Les découvertes
scientifiques des 19ème et 20ème siècles ont mis à mal ces
caractéristiques pour réduire l’homme à un animal évolué et adapté, sans
caractéristique propre qui ferait de lui un être sacralisable. Avec M.
Barreau on retourne à un concept d’homme séparé de la nature mais cette
fois, la nature humaine est sa prédisposition à la destruction de
l’environnement.
Pour découvrir son concept de nature humaine, suivons l’exposé de M.
Barrau. Dans les premières minutes, il évoque les dégâts générés par
l’homme. Les dégâts sur la macrofaune sont même indissociables de notre
existence. 7:02 « Quand a été commise la faute écologique ?… » l’homme occasionnerait des extinctions massives de la macrofaune depuis des temps immémoriaux : « … (ce) comportement endémique à ce que nous sommes ».
La nature (d’ailleurs maladive) de l’homme le pousse à détruire son
environnement. Et l’humanité s’en occupe à grande échelle. L’homme,
surtout en bande, est nocif pour la planète. Le seul avenir envisageable est l’avènement d’un peuple constitué de tous les vivants.
Que peut-on savoir de plus sur la nature humaine vue par M. Barrau ? L’homme est faible et incapable de raisonner (7:34) :
Oui nous sommes faibles et incapables de nous raisonner à l’échelle individuelle, mais capables de comprendre que nous devons être raisonnés à l’échelle collective.
Récapitulons : la nature humaine est un fléau pour la nature, de plus l’homme est faible et incapable de se prendre en charge, il doit être guidé par des autorités.
Ces dernières doivent répondre à des exigences naturelles qui
nécessitent de radicalement modifier l’humanité pour la transformer en
une communauté qui intègre tous les vivants. Comment traduire cette
vision autrement que par un despotisme (qui se dira éclairé) ?
Pourquoi pas un spécicide ?
Nous avons même pensé que M. Barrau en
appelait au spécicide, si nous osons ce néologisme, mais sur ce point
nous nous rétractons. En effet, même si tout son discours peut être
perçu comme une diatribe contre l’espèce humaine, M. Barrau offre tout
de même quelques mots empathiques pour les réfugiés humains et se fend
même, à 3:23, de cette remarque « la fin de l’humanité n’est heureusement pas encore actée, ce ne serait pas un détail ».
La question que j’aimerais poser à M. Barrau est la suivante : à vos
yeux, pourquoi n’est-ce pas un détail ? Ce qui peut se décliner comme
suit : la communauté des vivants que vous appelez de vos vœux ne
serait-elle pas plus bénéfique pour la planète, sans les humains ? Ou
bien encore : comment voulez-vous guérir les hommes de leur tache
originelle ? Par quel transhumanisme ?
Le code de la route : un mauvais exemple
Après avoir annoncé une catastrophe
écologique qu’il estime inéluctable, M. Barrau va énoncer la politique
qui doit s’imposer. Voici ce qu’il en dit à 7:03
Il faut des mesures politiques concrètes, coercitives, impopulaires, s’opposant à nos libertés individuelles. On ne peut plus faire autrement.
Le caractère tyrannique de ces mesures est
assez clair. Mais l’exemple qu’il prend pour les illustrer pourrait
induire en erreur. Ces mesures seraient comparables au Code la route :
devant le danger mortel des conducteurs irresponsables, il faut des
règles. Pour M. Barrau, tous les hommes pressés rouleraient à 200 km/h
si cela était autorisé, donc des limitations de vitesse sont
nécessaires. Mais, contrairement à ce que croit savoir M. Barrau, le
Code de la route ne limite pas les libertés individuelles.
La confusion vient du choix des 200 km/h.
Ou bien la voiture est techniquement capable de supporter cette vitesse
en fonction de l’environnement et la loi l’autorise (par
exemple en Allemagne) et donc le conducteur peut rouler à cette
vitesse. Ou bien les conditions de sécurité ne sont pas remplies et le
fait de rouler à 200 km/h relève soit de la criminalité, soit de
l’inconscience. C’est probablement cette alternative que M. Barrau veut
développer.
S’il s’agit de criminalité, la question est
tranchée par les règles élémentaires de la vie moderne : les hommes ont
renoncé à la liberté de tuer. Cette dernière n’est pas une liberté
individuelle et ne sera d’ailleurs pas considérée comme telle dans une
société moderne. Ne restent donc que les inconscients, ceux qui ne
perçoivent pas le danger.
Normalement le Code de la route implique l’obtention d’un permis de conduire
destiné, justement, à éviter la présence d’inconscients sur les routes.
Pour cette raison, l’obligation d’obtenir un tel permis n’est pas non
plus une restriction d’une liberté individuelle. Bien au contraire, il
rend possible le développement d’une véritable liberté individuelle,
celle de circuler. En résumé, il est incorrect de prendre le Code de la
route comme exemple d’une mesure « concrète, coercitive, impopulaire et s’opposant aux libertés individuelles ».
Pour rester dans le domaine de la
circulation routière, un exemple qui nous semble plus parlant pour
répondre aux souhaits énoncés par M. Barrau est celui des règles de
circulation en ex-URSS. Le territoire était quadrillé et des barrières
contrôlées réduisaient concrètement et de façons coercitives et
impopulaires la liberté individuelle de circuler.
Nous aurions aimé que M. Barrau mentionne
des exemples clairs de ces mesures politiques impopulaires. Ceci dit il
s’agit probablement, selon un schéma éculé, de remettre en place le contrôle des naissances, les restrictions alimentaires, la limitation des déplacements…
Un vivant sans autonomie
De plus, à 9:20 :
Tout pouvoir politique qui ne fait pas de la sauvegarde du monde sa priorité est… ubuesque… nous n’en voulons plus… il n’a plus aucune légitimité.
C’est-à-dire que la démocratie n’est plus légitime devant la sauvegarde du monde déclaré moribond par M. Barrau. Ensuite, M. Barrau nous livre sa définition très étroite de la politique : 10:14
Le politique sert à nous sortir de ce type de situation (les catastrophes). S’ils (les politiciens) ne le font pas, ils ne servent à rien.
Il y a ici une confusion entre la politique et l’état d’urgence.
L’autre exemple qu’il prend renforce notre
inquiétude quant à sa vision du pouvoir : un père qui guide son enfant
en lui interdisant de casser son jouet. La politique moderne, n’est-ce
pas l’art de se passer du roi ? C’est-à-dire parier sur l’autonomie des
hommes ?
php
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