Quand des offres d'électricité verte bon marché sont en réalité constituées d'énergie nucléaire

Vincent Maillard, Antoine Garcier et Emmanuel Soulias 
25/09/2018


Commentaire : l'énergie nucléaire est une énergie renouvelable non intermittente donc pilotable, non?

 


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Antoine Garcier, Directeur général Energie d'ici ; Vincent Maillard, Président Plüm Energie ; et Emmanuel Soulias, Directeur général Enercoop (Crédits : DR)

D'après les baromètres du Médiateur de l'énergie (novembre 2017) et d'Opinion Way - Qualit'EnR (mars 2018), 67% des Français sont prêts à changer d'opérateur d'énergie pour bénéficier d'une énergie moins polluante. Les efforts pédagogiques des dernières années, couplés à une prise de conscience environnementale latente, ont enfin payé : les Français sont prêts à consommer de l'électricité verte et ainsi, à soutenir la transition énergétique. Mais ont-ils vraiment conscience de ce qui se cache derrière ces multiples « offres vertes » ?

Une réalité tout d'abord : il est aujourd'hui parfaitement impossible de tracer physiquement l'électricité transitant, quel que soit son point d'injection ou de consommation, sur les réseaux publics d'énergie. C'est la raison pour laquelle a été mis en place dans les années 2000 un outil de traçabilité dédié, les Garanties d'Origine (GO). L'intention est louable mais malheureusement, la valeur verte de l'électricité a pour cela été séparée de sa circulation en tant qu'électron. En conséquence, ce document électronique a exclusivement pour objectif de prouver au consommateur final qu'une « certaine quantité d'énergie » a été produite « durant l'année » à partir d'une source d'énergie renouvelable. Si l'on suit cette logique du flou, on comprend alors qu'il est aisément possible pour un fournisseur d'acheter de l'énergie quelque part, et un « certificat vert » n'importe où en Europe, pour proposer une fameuse « offre verte ». Ou, de manière plus imagée, d'acheter un électron « gris » d'origine indéterminée, puis un pot de peinture « verte » (la Garantie d'Origine), pour ripoliner l'électron ainsi devenu « vert de gris » et le rendre plus présentable... Puisqu'un producteur a aujourd'hui le choix de vendre énergie et GO à un seul acteur, ou bien d'écouler l'un et l'autre à deux acteurs différents, le système des GO maintient donc une opacité certaine sur la manière dont le fournisseur s'approvisionne en électricité. Une opacité dont les consommateurs n'ont aucunement conscience...

Si l'on va plus loin, cette énergie peut provenir de la bourse de l'électricité bien-sûr, de producteurs d'énergies renouvelables avec lesquels ils ont des contrats en direct, c'est évident, mais aussi de centrales nucléaires ! Et ce, au travers du dispositif de l'Accès Régulé à l'Électricité Nucléaire Historique (ARENH). Mis en place en 2010, l' ARENH a pour objectif de mettre à disposition des concurrents d'EDF l'énergie produite par les centrales nucléaires françaises. A l'origine de 75 % de la production française, celles-ci sont naturellement considérées comme des « infrastructures essentielles » par les autorités de la concurrence. Vous l'aurez donc compris : les fournisseurs d'électricité peuvent actuellement acheter de l'électricité clairement identifiée comme d'origine nucléaire via l' ARENH, et des Garanties d'Origine liées à des productions renouvelables ailleurs en Europe. Ils peuvent ainsi proposer in fine une « offre verte », en transformant d'un coup de baguette magique un électron nucléaire en électron renouvelable. Et bien entendu, les consommateurs d'énergie n'ont en aucun cas accès à ces informations.

Un système favorisant une dangereuse course au low-cost énergétique
Ajoutons à cela que le prix de marché est aujourd'hui supérieur au prix fixe de l' ARENH (58 euros/mégawattheure contre 42 euros/mégawattheure). Une situation qui rend de nombreux fournisseurs plus enclins à proposer une offre verte « sourcée ARENH », et à concourir ainsi davantage au maintien du nucléaire qu'au soutien à la transition énergétique !

Cette opportunité de pouvoir verdir une offre à moindre coût n'a pas échappé à de nombreux acteurs lorgnant sur le marché : ces derniers mois ont été riches en annonces de tel ou tel nouveau fournisseur promettant des offres vertes défiant toute concurrence ... C'est une dangereuse course au low-cost qui est ainsi alimentée, discriminant les véritables offres vertes, et ne contribuant pas à un financement accru des énergies renouvelables, pourtant indispensable à la réussite de la transition énergétique.

Aussi, il apparaît urgent que les pouvoirs publics (Direction Générale de l'Énergie et du Climat, Médiateur National de l'Énergie et Commission de Régulation de l'Énergie en tête) prennent enfin les mesures nécessaires pour assurer aux consommateurs une juste transparence sur la façon dont un fournisseur d'électricité verte s'approvisionne. Une première étape serait sans doute de rendre publique, accessible et compréhensible la liste des fournisseurs s'approvisionnant en énergie nucléaire auprès d'EDF via le mécanisme ARENH. Puis de garantir aux consommateurs une information précise et détaillée sur les sources de production de l'électricité qu'ils consomment. Seuls des consommateurs informés et avertis pourront, par un choix éclairé, contribuer à l'effort général d'une transition énergétique qui ne peut plus attendre.

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