Energie : la magie des certificats "verts" ou comment faire de l’hydrogène “renouvelable” avec... du charbon

  Pour vraiment décarboner, le diable est dans les détails. Spéciale dédicace à la majorité de l' Agglomération de Chaumont, Haute-Marne. 😉
https://www.agglo-chaumont.fr/lagglomeration-sengage-dans-la-filiere-hydrogene/
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Les limites d’un hydrogène pas si vert que ça


Maxence Cordiez
Ingénieur

July 27, 2020

Article paru dans Le Figaro le 24 juillet 2020, sous le titre « La filière hydrogène va-t-elle vraiment verdir l’électricité européenne ? »
   La Commission européenne entend soutenir la production d’hydrogène à partir d’électricité renouvelable. Cet objectif comporte cependant une faille qui permettra d’étiqueter comme «renouvelable» de l’hydrogène produit à partir d’énergies qui ne le sont pas, explique l’ingénieur dans le secteur énergétique Maxence Cordiez.
  La Commission européenne a présenté le 8 juillet sa feuille de route stratégique pour le déploiement du dihydrogène, abrégé « hydrogène ». Cette molécule devrait être amenée à jour un rôle dans la lutte contre le changement climatique, en remplaçant les combustibles fossiles dans des applications difficilement électrifiables telles que l’industrie ou la mobilité lourde. Elle peut aussi servir de précurseur à la synthèse d’hydrocarbures, par réaction avec du CO2 d’origine non fossile.
  Cependant, pour des questions de coût, la quasi-totalité de l’hydrogène produit aujourd’hui l’est à partir de ressources fossiles, vaporeformage de méthane et gazéification de charbon, notamment. La promotion de ce vecteur énergétique doit donc s’accompagner de la décarbonation de sa synthèse, en le produisant par électrolyse de l’eau avec de l’électricité bas-carbone. La Commission européenne est encore plus restrictive puisque les seuls objectifs qu’elles définit concernent l’hydrogène produit à partir d’électricité « renouvelable ». Cependant, cet objectif comporte une faille qui permettra en pratique d’étiqueter comme « renouvelable » de l’hydrogène produit à partir de n’importe quelle électricité.

La magie des certificats garantissant l’origine de l’électricité
  Lorsque vous souscrivez un contrat d’électricité « verte », 100% renouvelable, ne vous êtes-vous jamais demandé comment vous pouviez continuer à avoir du courant par les nuits sans vent, quand les panneaux photovoltaïques et éoliennes ne produisent pas ? C’est simple : quel que soit votre contrat, l’électricité est fournie par le bouquet électrique du pays. Donc par les nuits sans vent, l’électricité sera d’origine nucléaire, hydraulique et fossile. Ce que garantissent les contrats « verts », c’est que votre fournisseur d’électricité a dans son portefeuille des certificats assurant la production d’un volume d’électricité renouvelable au moins équivalent à celle vendue via ces contrats. Ces certificats sont valables un an et échangeables sur les marchés.
  Prenons un exemple. Un client français qui souscrit un tel contrat peut voir l’électricité qu’il consomme par une nuit sans vent de décembre garantie comme renouvelable car son fournisseur a acheté un certificat d’origine attestant qu’une quantité équivalente d’électricité renouvelable a été produite par des panneaux photovoltaïques en Grèce un midi du mois d’août précédent.
   Ce mécanisme est trompeur car il donne la fausse impression que l’intermittence éolienne et solaire n’est pas un problème : le client d’un contrat « vert » peut consommer quand il veut, même en l’absence de vent et de soleil. L’électricité consommée sera alors principalement nucléaire, fossile ou hydraulique, selon les pays, mais étiquetée « renouvelable » car des capacités renouvelables auront produit au moins autant d’électricité, quelque part en Europe, au moment où elles le peuvent.

Conséquences pour la production d’hydrogène
  Grâce à cette faille volontaire du mécanisme de garanties d’origine, la Commission européenne envisage de produire de l’hydrogène « renouvelable » avec de hauts facteurs de charge, taux d’utilisation à pleine puissance des électrolyseurs, ce qui ne serait pas possible si la synthèse d’hydrogène devait suivre la production électrique solaire et éolienne. L’objectif fixé pour 2024 de produire 1 million de tonnes d’hydrogène (MtH2) avec 6 GW d’électrolyseurs supposerait ainsi un facteur de charge de près de 100% et l’objectif à 2030 de 10 MtH2 avec 40 GW d’électrolyseurs le porterait à près de 140%. Une valeur qui, soit dit en passant, est impossible à atteindre, un facteur de charge ne pouvant pas dépasser 100%...
  Du fait de cette faille, un pays comme la Pologne où le coût de l’électricité est faible grâce au charbon, 80% de son bouquet, sera avantagé. Il lui suffira d’acheter des certificats de production d’électricité renouvelable ailleurs en Europe pour bénéficier du faible coût de son électricité au charbon et produire grâce à elle de l’hydrogène estampillé « renouvelable ».
  Cette approche présente de nombreux problèmes.
- Elle ajoutera une constante à la consommation électrique actuelle, même en période de forte demande, sans promouvoir dans le même temps le déploiement des capacités électrogènes disponibles à la demande qui seraient nécessaires pour y répondre.
- Elle conduira également à surestimer dans un premier temps la compétitivité – donc le potentiel – de l’hydrogène « renouvelable ».
- En le produisant avec de hauts facteurs de charge, les coûts fixes des électrolyseurs seront répartis sur une vaste production. En fin de transition quand nous ne brûlerons plus de combustibles fossiles, les électrolyseurs devront suivre les variations du vent et du soleil, surtout dans les pays ne disposant pas ou peu de centrales nucléaires et installations hydroélectriques.  - - La diminution du facteur de charge des électrolyseurs entraînera une augmentation du prix de l’hydrogène en même temps qu’une diminution des volumes produits.
  Pour que le mécanisme des garanties d’origine de l’électricité soit sincère, l’électricité consommée à un instant donné devrait être garantie par un certificat émis au même moment, au pas de temps demi-horaire. Fondamentalement, ce mécanisme dysfonctionnel existe car le problème de la transition énergétique a été pris dans le mauvais sens. En décidant que les énergies renouvelables – plutôt que les énergies bas-carbone en général – devaient être la solution pour remplacer les combustibles fossiles, on a mis en place des mécanismes destinés à en masquer les limites. Vu que ces mécanismes ne répondent pas à ces limites, ils ne fonctionneront qu’aussi longtemps que les capacités fossiles, nucléaires et hydrauliques permettront de les cacher.


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