Si on a bien compris :
- L’agriculture industrielle, première cause de perte de biodiversité, (WWF)
- Les Etats et autres ONG constatent le drame et tirent le signal d'alarme,
- Proposition : rémunérer les... responsables de cette destruction pour qu'ils cessent.
On a tout bon? Tout va bien!
"Le cadre de développement rural comprend également des engagements en matière de gestion de l’environnement et du climat,
qui visent à indemniser les agriculteurs et autres bénéficiaires pour
s’être engagés volontairement à mettre en œuvre des pratiques durables."
Est-ce que le fait d'implanter des ZI d'éoliennes, photovoltaïques, des méthaniseurs, etc. entre dans cette définition ?
Fais dodo, la population...
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Rémunérer les agriculteurs pour mieux sauver la biodiversité ?
Lucie Duboua-Lorsch2020/09/30
Sur tous les continents, c'est la faune des zones humides, lacs et rivières qui est la plus en péril. Le rapport de WWF établit son déclin moyen à 84 %. [EPA-EFE/HARISH TYAGI]
Alors que le sommet mondial sur la biodiversité s’ouvre mercredi 30 septembre, de nouvelles mesures pour enrayer son déclin sont à l’étude. C’est le cas des paiements pour services environnementaux qui font l’objet de nombreux débats en France et en Europe.
Le constat est amer. Selon l’indicateur Living Planet Index, les populations de vertébrés auraient baissé de deux tiers entre 1970 et 2016. Une hécatombe qui sera analysée ce mercredi au Sommet des Nations unies sur la biodiversité. L’ambiance y sera d’autant plus lourde qu’aucun des vingt objectifs adoptés lors de la dernière Convention de la diversité biologique pour la période 2011-2020 ne sera atteint. À la fin de l’année, seuls six le seront partiellement.
Face à un tel bilan, il faudra plus que des discours emphatiques pour que les parties aient l’air crédibles. Dans son rapport Planète Vivante 2020, le Fonds mondial pour la nature (WWF) exhorte les États à renforcer leurs efforts de conservation, à réduire de 50% la consommation de protéines animales, à lutter contre le gaspillage alimentaire et, surtout, à transformer leur modèle agricole. « La production agricole représente 80% de la déforestation mondiale, 70% de l’utilisation d’eau douce et 70% de la perte de biodiversité terrestre », rappelle l’ONG qui classe l’agriculture industrielle comme « la première cause de perte de biodiversité ».
De nombreuses propositions pour la réformer sont à l’étude. L’une d’entre elles fait particulièrement parler d’elle en Europe : les paiements pour services environnementaux (PSE). Derrière ce jargon administratif se cache une mesure très concrète : rémunérer les usagers du sol – agriculteurs, propriétaires ou gestionnaires forestiers – pour le service qu’ils rendent à l’environnement. Ces derniers mois, cette proposition a été reprise par différents rapports. France Stratégie l’a mentionnée par exemple dans son dossier « Les performances économiques et environnementales de l’agroécologie ». Même le très sérieux Conseil d’analyse économique, affilié à Bercy, en a fait la présentation dans sa note de septembre. Preuve que l’idée fait son chemin jusque dans les arcanes du pouvoir.
Un dispositif qui se développe en Europe
Pourtant, les paiements pour services environnementaux ne sont pas nouveaux. Yann Laurans, directeur du programme Biodiversité et écosystème à l’Institut du développement durable et des relations internationales (Iddri), rappelle que « le premier exemple daté de PSE remonte à 1930. Un programme de l’état fédéral américain prévoyait alors de rémunérer les agriculteurs dans certains types d’exploitations pour préserver les paysages ».
Très développés en Amérique du Sud pour préserver les forêts tropicales, les paiements pour service environnementaux prennent surtout la forme d’aides aux agriculteurs en Europe. C’est notamment le cas en Suisse, où depuis 2014, la politique agricole helvétique rémunère les éleveurs pastoraux pour leur entretien des prairies naturelles permanentes. « En France aussi, de telles mesures existent », fait valoir Yann Laurens. « Dès 1990, des industriels, qui exploitent des sources d’eaux potables, ont établi des contrats avec les agriculteurs des bassins versants des sources afin de réduire le taux de nitrates des eaux. »
S’il s’agissait alors surtout de contrats privés, l’idée de développer des contrats publics de type PSE est redevenue d’actualité lors des dernières présidentielles : « C’était un engagement de campagne du candidat Macron, visant notamment à rémunérer les agriculteurs en zone de montagne. L’idée s’est finalement transformée en une demande d’affectation des fonds des agences de l’eau. » En effet, depuis février 2020, 150 millions d’euros sont mobilisés par les agences de l’eau française pour la rémunération des services environnementaux rendus par les agriculteurs. Une mesure novatrice, certes, mais encore trop restreinte pour avoir un réel impact sur la biodiversité.
La future PAC se penche sur la question
Au niveau européen aussi on s’intéresse à ces PSE. La future politique agricole commune (PAC) devraient introduire de nouveaux « éco-régimes », « eco-scheme » en anglais. À l’instar des PSE, ces éco-régimes visent à rémunérer les agriculteurs engagés dans des pratiques durables. « Ces pratiques pourraient inclure la mise en œuvre de systèmes de production respectueux de l’environnement, tels que l’agroécologie, l’agroforesterie et l’agriculture biologique », indique la Commission européenne dans un rapport. « Le cadre de développement rural comprend également des engagements en matière de gestion de l’environnement et du climat, qui visent à indemniser les agriculteurs et autres bénéficiaires pour s’être engagés volontairement à mettre en œuvre des pratiques durables. »
Cette mesure pourrait-elle endiguer le déclin de la biodiversité à l’échelle européenne ? Rien de moins certain, car la mise en place de PSE demeure complexe. « Si ces dispositifs ne se développent pas plus, c’est parce qu’ils réclament beaucoup de travail. Les contrats type PSE sont établis au cas par cas et doivent être parfaitement adaptés aux circonstances locales », souligne Yann Laurans. « Le faire de manière à la fois efficace et à grande échelle est très difficile. Si on paye à tout le monde une somme forfaitaire pour quelque chose qu’on n’a pas le pouvoir de contrôler, ça ne fonctionnera pas. »
Autre difficulté que posent les paiements pour services environnementaux : la temporalité. Pour avoir un réel impact, ces aides doivent s’étaler sur de longues périodes. Cependant, comme le souligne dans un article Aurélie Trouvé, économiste à AgroParisTech, « l’ eco-scheme devra suivre des règles strictes. L’aide devra rester annuelle, découplée de la production, versée à l’hectare. Or, la Cour des comptes européenne souligne dans son rapport qu’“il est nécessaire de s’engager pendant plusieurs années pour produire certains bénéfices environnementaux et climatiques” ».
20 milliards par an pour la biodiversité
S’il demande encore à être étoffé, le dispositif « eco-scheme » a le mérite d’ouvrir le débat sur les conditions d’obtention des aides de la PAC. Par ailleurs, la Commission européenne a présenté en mai dernier une stratégie ambitieuse en faveur de la biodiversité, qui prévoit à l’horizon 2030 de réduire de 50 % l’utilisation des pesticides, de planter trois milliards d’arbres, de créer des zones protégées représentant au moins 30% des terres et 30% des mers en Europe, et tout cela, avec des objectifs juridiquement contraignants en matière de restauration de la nature. « Les PSE ne sont pas une panacée », conclut le directeur du programme Biodiversité de l’ Iddri. « C’est un outil intéressant, qui doit s’accompagner d’autres mesures. »
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