" Le 21 février 2005, Hunter S. Thompson se tirait une balle dans la tête. Une mort en accord avec la vie qu'il avait choisie — et un point final mis à l’œuvre la plus délirante et la plus féroce de la littérature américaine. Inventeur du journalisme "gonzo", où le reporter est à la fois l'auteur et le héros de ses articles, Thompson était alors reconnu depuis peu comme un véritable écrivain. [...] Il s'y montre à son meilleur, trublion politique et voyageur lucide, portant haut sa fascination teintée de haine pour le rêve américain - qu'il perpétue en s' acharnant à le détruire ".
RICHARD Nicolas, extrait.
Œuvres principales
RICHARD Nicolas, extrait.
Œuvres principales
- Hell's Angels, 1966.
- Las Vegas Parano, 1971.
- La Grande Chasse au requin, 1979.
- Rhum express, 1998.
Titre : And I Like It
Album: Jefferson Airplane, Takes Off Track
Written by : Marty Balin, Jorma Kaukonen
- BALIN Marty : lead vocals
- ANDERSON Signe Toly : vocals
- KAUKONEN Jorma : lead guitar
- KANTNER Paul : rhythm guitar, vocals
- CASADY Jack : bass guitar
- SPENCE Skip : drums
Plus tard, j’appellerais Ralph Gleason, du Chronicle, pour lui dire que l' Airplane méritait qu'on y prête une oreille. " Ouais, c'est ça m'a-t-il répondu. Les gens n'arrêtent pas de me parler de tous ces groupes ; j'essaie d'aller les voir - mais tu sais ce que c'est ". C'est ça, Ralph... Je me demandais s'il se rappelait qu'un an plus tôt, je lui avais découvrir un autre groupe qui avait presque immédiatement décroché un contrat sans l'aide de personne, pour subitement sombrer dans l'oubli, après que Davy, le chanteur, s'était étouffé dans son propre vomi dans une élégante demeure balnéaire, à Carmel.
Sauf qu'un an après les débuts de l' Airplane au Matrix, Gleason rédigeait les notes de pochette de leur premier album.
Jefferson Airplane est un autre son incontournable de cette période — au même titre que Dylan et Grateful Dead. Et au même titre que Grace Slick, qui sauva même les pires soirées au Matrix. À cette époque, elle se coltinait un groupe désespérant qui s'appelait The Great Society, et qui allait bientôt imploser. Mais Grace Slick a toujours été la meilleure raison pour moi de venir au Matrix. Je m'asseyais dans un coin, près de la cabine de projection, et je la regardais faire tous les trucs qu'elle ferait par la suite avec l' Airplane. Et pour le magazine LOOK, s'il vous plaît, qui paraissait tellement mieux à l'époque, parce que c'était elle, le White Rabbit [chanson composée par Grace Slick vers la fin 1965, parue en février 1967 sur leur album Surrealistic Pillow] ... J'ai été choqué d'apprendre qu'elle était mariée au batteur. Mais, à cette époque, il y en eu beaucoup de chocs... j'avais les nerfs à fleur de peau, je sursautais pour un rien. C'est dur, aujourd'hui, de comprendre pourquoi tout semblait " se goupiller à merveille ". Mais je me rappelle avoir eu la sensation que, d'une manière ou d'une autre, on tirait tous notre épingle du jeu. Et le seul d'entre nous qui avait déjà franchement réussi son coup était Ken Kesey [écrivain américain qui a écrit entres autres choses Vol au-dessus d'un nid de coucou —1962], qui avait l'air de faire des heures sup' pour trouver un moyen de se la couler douce. Ce qu'il est parvenu à faire. Et je repense à un couillon de la lune qui m'a accusé, dans L.A. Free Press, d'avoir dévoilé la planque secrète de Kesey au Paraguay [en réalité au Mexique], quand il est parti en cavale pour éviter un procès dans une affaire de marijuana. C'est à peu près l'époque où j'ai envoyé paître les hippies : encore un mode de vie qui avait échoué.
Sauf qu'un an après les débuts de l' Airplane au Matrix, Gleason rédigeait les notes de pochette de leur premier album.
Jefferson Airplane est un autre son incontournable de cette période — au même titre que Dylan et Grateful Dead. Et au même titre que Grace Slick, qui sauva même les pires soirées au Matrix. À cette époque, elle se coltinait un groupe désespérant qui s'appelait The Great Society, et qui allait bientôt imploser. Mais Grace Slick a toujours été la meilleure raison pour moi de venir au Matrix. Je m'asseyais dans un coin, près de la cabine de projection, et je la regardais faire tous les trucs qu'elle ferait par la suite avec l' Airplane. Et pour le magazine LOOK, s'il vous plaît, qui paraissait tellement mieux à l'époque, parce que c'était elle, le White Rabbit [chanson composée par Grace Slick vers la fin 1965, parue en février 1967 sur leur album Surrealistic Pillow] ... J'ai été choqué d'apprendre qu'elle était mariée au batteur. Mais, à cette époque, il y en eu beaucoup de chocs... j'avais les nerfs à fleur de peau, je sursautais pour un rien. C'est dur, aujourd'hui, de comprendre pourquoi tout semblait " se goupiller à merveille ". Mais je me rappelle avoir eu la sensation que, d'une manière ou d'une autre, on tirait tous notre épingle du jeu. Et le seul d'entre nous qui avait déjà franchement réussi son coup était Ken Kesey [écrivain américain qui a écrit entres autres choses Vol au-dessus d'un nid de coucou —1962], qui avait l'air de faire des heures sup' pour trouver un moyen de se la couler douce. Ce qu'il est parvenu à faire. Et je repense à un couillon de la lune qui m'a accusé, dans L.A. Free Press, d'avoir dévoilé la planque secrète de Kesey au Paraguay [en réalité au Mexique], quand il est parti en cavale pour éviter un procès dans une affaire de marijuana. C'est à peu près l'époque où j'ai envoyé paître les hippies : encore un mode de vie qui avait échoué.
En 1962, les temps changent comme le chante Bob Dylan. Un jeune écrivain se fait remarquer comme le digne successeur de la Beat Generation. Deux ans plus tard, il décide d’arpenter le territoire américain à la tête d’une fraternité de joyeux idéalistes. Le mythe Kesey est sur la route.
Tous les vieux défoncés professionnels me disent d'arrêter le speed par ce que c'est dangereux mais, chaque fois que j'ai un truc à leur dire tard le soir, ils ont déjà piqué du nez. Et je suis assis tout seul avec la musique, les nerfs en pelote, à écouter Balin ou Butterfield (2) qui me braillent aux quatre coins de la tronche, et je sens le son qui me remonte le long de la colonne vertébrale, comme si la peau de mon dos était montée sur une batterie, et comme si un freak à l’œil en feu, avec la Grande Boule américaine grossissant dans son ciboulot, se servait de mes omoplates en guise de cymbales. Bref, il faudrait peut-être que j'arrête le speed. Ca à tendance à me rendre impuissant, ce qui peut être une catastrophe quand ça arrive sans prévenir. Tu te dis dans un grincement de dents : la vache, pas maintenant, saloperie. Pourquoi ? Pourquoi ?
Les dingues du speed sont imprévisibles, au moment où la cocotte-minute s'affole. Et les alcoolos sont pires. Mais en mélangeant le tout avec disons soixante-six milligrammes et neuf doses de gin on the rocks et peut-être deux joints... on arrive au genre de paumés désespérés qui se trainaient chez Kesey à La Honda et se défonçaient à l'acide sans raison, dont la seule partie du corps qui fonctionnait encore était la bouche et les muscles permettant de déglutir. Et les oreilles, bon sang, les oreilles, ne cessent jamais de fonctionner... l'effroyable persistance de la musique qui se moque bien des défaillances de la chair. Le moment trop lumineux, quand tu sais que c'est l'heure du petit déjeuner , sauf que seuls ceux qui carburent à l'herbe ont faim, or tu as envie de reprendre vie, car un jour nouveau se lève, baigné de soleil, et cette vacherie de speed redouble d'effet, et tu as beau ne pas pouvoir descendre, tu ne peux pas non plus remonter, alors il te faut sortir, comme un imbécile. Une anguille électrique qui aurait pété un fusible. Nada.
Alors les défoncés ont peut-être raison. Renoncer à l'alcool et arrêter le speed...donner à fond dans la weed et sombrer avec le sourire. Puis se réveiller en banne santé et prendre la voiture pour un petit déjeuner au Knotty Pine Cafe.
Tous les vieux défoncés professionnels me disent d'arrêter le speed par ce que c'est dangereux mais, chaque fois que j'ai un truc à leur dire tard le soir, ils ont déjà piqué du nez. Et je suis assis tout seul avec la musique, les nerfs en pelote, à écouter Balin ou Butterfield (2) qui me braillent aux quatre coins de la tronche, et je sens le son qui me remonte le long de la colonne vertébrale, comme si la peau de mon dos était montée sur une batterie, et comme si un freak à l’œil en feu, avec la Grande Boule américaine grossissant dans son ciboulot, se servait de mes omoplates en guise de cymbales. Bref, il faudrait peut-être que j'arrête le speed. Ca à tendance à me rendre impuissant, ce qui peut être une catastrophe quand ça arrive sans prévenir. Tu te dis dans un grincement de dents : la vache, pas maintenant, saloperie. Pourquoi ? Pourquoi ?
Les dingues du speed sont imprévisibles, au moment où la cocotte-minute s'affole. Et les alcoolos sont pires. Mais en mélangeant le tout avec disons soixante-six milligrammes et neuf doses de gin on the rocks et peut-être deux joints... on arrive au genre de paumés désespérés qui se trainaient chez Kesey à La Honda et se défonçaient à l'acide sans raison, dont la seule partie du corps qui fonctionnait encore était la bouche et les muscles permettant de déglutir. Et les oreilles, bon sang, les oreilles, ne cessent jamais de fonctionner... l'effroyable persistance de la musique qui se moque bien des défaillances de la chair. Le moment trop lumineux, quand tu sais que c'est l'heure du petit déjeuner , sauf que seuls ceux qui carburent à l'herbe ont faim, or tu as envie de reprendre vie, car un jour nouveau se lève, baigné de soleil, et cette vacherie de speed redouble d'effet, et tu as beau ne pas pouvoir descendre, tu ne peux pas non plus remonter, alors il te faut sortir, comme un imbécile. Une anguille électrique qui aurait pété un fusible. Nada.
Alors les défoncés ont peut-être raison. Renoncer à l'alcool et arrêter le speed...donner à fond dans la weed et sombrer avec le sourire. Puis se réveiller en banne santé et prendre la voiture pour un petit déjeuner au Knotty Pine Cafe.
Knotty Pine Cafe.Bakersfield, Californie. Photo Bradley H, 2018.
Mais la perspective saine et naturelle d'une culture légale de l'herbe a beau être au coin de la rue, je crois que je vais continuer à carburer au speed... quand bien même je sais avec certitude que je me grille plus vite que si je jouais la carte de la vie saine. Les speeds freaks sont certainement les junkies de la génération marijuana ; il y a quelque chose de pervers et même de suicidaire, avec le speed. Comme " Le diable et Daniel Webster (3) ". Payer le prix fort pour un rendement douteux... en ignorant le jour inévitable où il n'y a même plus d'état euphorique, à part peur-être un coup de flip final avec la cocaïne, et ensuite c'est la descente. Il ne reste plus alors qu'un type grillé, un ivrogne au cerveau en compote, un mauvais exemple pour la jeunesse. Le moulin à paroles ambulant, déjà mort.
Et pourquoi pas. Le speed, c'est comme du papier de verre pour les nerfs. Quand toute l' énergie normale est réduite en cendres et que même l' adrénaline commence à se dissiper dans la chaleur moite de la fatigue... il subsiste un éclat rare, une sensibilité étrange, écervelée, qui enregistre chaque son, chaque sourire et chaque feu rouge, comme si chaque moment risquait d'être l'avant-dernier. Des souvenirs gravés au ciseau à bois...
C'est ce que je vois et ce que j'entends quand je repense au San Francisco de cette période préhippie. Je revois une excitation constante, car quelque chose était sur le point de se produire, mais seuls les prêtres bidon et les chiens galeux appelaient cela la vague du futur. L'excitation, en l’occurrence, a été bouffée au moment où la grande presse a mis la main sur le phénomène en laissant causer les porte-parole " hippies " et ces caricatures de gourous que furent Tim Leary et les Diggers (4) avec leur fameuse conférence de presse. À ce moment-là, Haight-Ashbury était devenu une foire commerciale aux monstres, et tout le monde dans la rue vendait des sandales, des hamburgers ou de la dope. Tout le secteur était contrôlé par les " hommes d'affaires hippies " qui arboraient perles et barbe pour travestir la triste réalité, à savoir qu'ils étaient en fait les copies carbone des marchands bourgeois qu'avaient été leurs pères, ces pères qu'ils avaient passé tant de temps à rejeter avec hargne.
Malgré tout ça, et sûrement en raison de ça — le sens de la catastrophe imminente génère une étrange et intense lumière -, toute la scène préhippie a conféré une sorte d'élan à ceux qui en ont fait partie. Et l'origine de l'excitation était la sombre certitude que cette période serait limitée dans le temps. Une sorte de fatalisme euphorique à moitié dingue annonçait que, d'un moment à l'autre, tout cela allait mal finir. Mais c’était une lumière particulière, et qui fut belle aussi longtemps qu'elle dura.
C'est ce que je vois et ce que j'entends quand je repense au San Francisco de cette période préhippie. Je revois une excitation constante, car quelque chose était sur le point de se produire, mais seuls les prêtres bidon et les chiens galeux appelaient cela la vague du futur. L'excitation, en l’occurrence, a été bouffée au moment où la grande presse a mis la main sur le phénomène en laissant causer les porte-parole " hippies " et ces caricatures de gourous que furent Tim Leary et les Diggers (4) avec leur fameuse conférence de presse. À ce moment-là, Haight-Ashbury était devenu une foire commerciale aux monstres, et tout le monde dans la rue vendait des sandales, des hamburgers ou de la dope. Tout le secteur était contrôlé par les " hommes d'affaires hippies " qui arboraient perles et barbe pour travestir la triste réalité, à savoir qu'ils étaient en fait les copies carbone des marchands bourgeois qu'avaient été leurs pères, ces pères qu'ils avaient passé tant de temps à rejeter avec hargne.
Malgré tout ça, et sûrement en raison de ça — le sens de la catastrophe imminente génère une étrange et intense lumière -, toute la scène préhippie a conféré une sorte d'élan à ceux qui en ont fait partie. Et l'origine de l'excitation était la sombre certitude que cette période serait limitée dans le temps. Une sorte de fatalisme euphorique à moitié dingue annonçait que, d'un moment à l'autre, tout cela allait mal finir. Mais c’était une lumière particulière, et qui fut belle aussi longtemps qu'elle dura.
San Francisco Diggers, Digger Dollar, 1967. Source.
Digger Feed, c. 1966. / Photo © Chuck Gould, Courtesy of FoundSF
Fin.
S. THOMPSON Hunter, Gonzo Higway, pp 345-350, Pavillons Poche, Robert Laffont, février 2020.
Pour compléter
- http://www.remonterletympan.com/pour-les-50-ans-de-woodstock-naissance-et-mort-du-mouvement-hippie-de-san-francisco-1965-1970/
- https://summerof.love/who-saw-the-summer-of-love-merchants-diggers/
- http://www.remonterletympan.com/pour-les-50-ans-de-woodstock-naissance-et-mort-du-mouvement-hippie-de-san-francisco-1965-1970/
- https://summerof.love/who-saw-the-summer-of-love-merchants-diggers/
2. Chanteur du Paul Butterfield Blues Band, basé à Chicago.
3. Une nouvelle de Stephen Vincent Benét de 1937 : un paysan du milieu du siècle, dans le New Hampshire, vend son âme pour des biens terrestres - puis se dédie en arrivant à convaincre l'avocat et fameux homme d' Etat Daniel Webster de poursuivre le Diable en justice.
4. Groupe issu de " Mine Trap "[Piège à mines] de San Francisco, adepte de l' Agit-Prop et du happening subversif, qui s'est illustré dans le quartier Haight-Ashbury en proclamant " Toward a free society ", " Vers une société libre /gratuite ".
3. Une nouvelle de Stephen Vincent Benét de 1937 : un paysan du milieu du siècle, dans le New Hampshire, vend son âme pour des biens terrestres - puis se dédie en arrivant à convaincre l'avocat et fameux homme d' Etat Daniel Webster de poursuivre le Diable en justice.
4. Groupe issu de " Mine Trap "[Piège à mines] de San Francisco, adepte de l' Agit-Prop et du happening subversif, qui s'est illustré dans le quartier Haight-Ashbury en proclamant " Toward a free society ", " Vers une société libre /gratuite ".
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