La grande peste de Langres au XVIIe siècle, fin

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les frictions avec de l'eau-de-vie, avec ce vinaigre appelé cent ans plus tard "des quatre voleurs" et qui n' était qu'un vinaigre aromatisé.


  Dans les cas les plus heureux - 35 pour cent seulement - quand les malades entraient en convalescence, on les gorgeait de bouillon, de vins cordiaux et de généreux élixirs.
  En somme, l'idée directrice qui servait de base au traitement de la Peste reposait sur trois principes des plus logiques et des plus dignes de notre approbation :

  1. Nécessité d'élimer le poison, d'où l'usage des sudorifiques, des vomitifs, des purgatifs et de la saignée ;
  2. Nécessité de soutenir l'organisme par des toniques ;
  3. Nécessité de purifier les humeurs, d'où l’absorption de substances balsamiques pour faire de la stimulation et, sans le savoir, de l' antisepsie.

  J'en ai fini avec la thérapeutique de la Peste au cours du XVIIe siècle. Je ne vous en ai dit que l'essentiel, car il faudrait un autre volume, ce qui serait bien long et dépasserait les limites de votre patience, si grande qu'elle ait été jusqu'ici!
  Aujourd'hui, en conséquence des merveilleuses applications des théories pastoriennes, les savants Yersin, Calmette, Borel et Haffkin ont pu préparer un sérum anti-pesteux, à la fois curatif et préventif. Non seulement (60), injecté à temps, il guérit le pestiféré rapidement, mais injecté préventivement à l'entourage, il l'immunise complètement, c'est-à-dire qu'il le rend insensible et réfractaire à l'infection. Grâce à ce sérum, par qui, encore, la Mort recule, la Peste ne se présente plus avec son masque d’horreur et nous pouvons dorénavant "l'appeler par son nom."
  Mais s'ensuit-il, Langrois du XXe siècle, tout en rendant à la Science contemporaine l'hommage solennel et légitime qu'elle mérite, s'ensuit-il que nous devions tourner en dérision facile ces méthodes de traitement désuètes, un peu pittoresques tout de même, employées par les docteurs du XVIIe?
  Je sais bien, à vrai dire, que seuls le hasard et l'empirisme présidaient le plus souvent au choix de ces singulières panacées ; mais la Science, notre Science, après tout, n'est-elle pas l'humble servante de cet empirisme père de l' expérience, et ne devons-nous pas multiplier les observations avant d'être autorisés à établir des lois? Chaque jour la Science fait amende honorable à ce qui fut taxé d'ignorance. Elle ne raille plus, par exemple, la thérapeutique analogique par les organes, depuis qu'elle l'a remise à la mode sous le nom d'opothérapie [traitement par des extraits de tissus, d'organes et surtout de glandes hormonales], par toute cette série de substances extraites des glandes diverses de nos animaux familiers, fraîches ou desséchées, lesquelles s'étagent, incluses en des boîtes multicolores, sur les rayons de nos pharmacies.
  Aujourd'hui, pour rejeter hors du corps les principes morbides, tout à tour dénommés humeurs peccantes, vapeurs, atrabile, termes que nous avons remplacés par celui de toxines, nous faisons de la révulsion et de la dérivation. C'est exactement ce que faisaient nos pères, à cette différence près que, là où nous cherchons une explication souvent embarrassée, ils s'en tiraient le plus aisément du monde en faisant intervenir les bons et les mauvais esprits, les astres et les Saints. (61)
  Ne soyons donc pas présomptueux, et loin de refuser de parti pris ce que nous devons à nos naïfs devanciers, méditons modestement ce mot profond et souvent répété de Pascal [ XVIIe siècle, mathématicien, physicien, inventeur, philosophe, moraliste et théologien] : "L'Humanité est un même homme qui subsiste toujours et apprend continuellement."

 

Blaise Pascal


FIN.


Docteur Michel Brocard, La grande peste de Langres au XVIIe siècle, conférence prononcée le 20 avril 1926, pp.32-34. Langres. AU MUSÉE, 1926.

60. Dr Apert : La Mort recule, In Revue Des Deux Mondes, 1925, n° du 1 mai, p.121 et seq.

61. Dr Cabanès : Remèdes d’autrefois, Paris, Maloine, 1905, p.IX.

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