"Exiger que la justice soit juste est une idée d'anarchiste."
Anatole France, 1844-1924
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Éolien en forêt de Taillard, PNR du Pilat : l’intimidation inédite d’un industriel du vent
sppef
2020 11 12
Une première en France : le promoteur éolien Total-Quadran réclame 893 000 euros aux défenseurs de l’environnement !
La « SAS Les Ailes de Taillard » souhaite implanter 10 éoliennes de 125 mètres de hauteur, photo 1, dans le périmètre du parc naturel régional du Pilat. Elles seraient placées, en ligne, sur une crête forestière à une altitude de 1300 mètres, donc en position dominante, photo 4. Un contentieux a naturellement été formé afin de préserver ces paysages exceptionnels.
Le promoteur éolien, détenu par Total-Quadran, photo 2, a alors assigné le 18 juin 2020 trois associations et 29 particuliers requérants, par l’entremise d’huissiers de justice, devant le Tribunal Judiciaire de Saint-Etienne. Il s’agit d’une procédure en dommages et intérêts fondée sur l’article 1240 du code civil : « Tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer », voir ici… C’est pas moins de 893 034 euros (!) qui sont demandés « in solidum », le promoteur pouvant réclamer l’intégralité de la somme à l’une des 32 personnes poursuivies, à charge pour elle de se retourner contre les autres. Ce montant serait justifié, selon la SAS Les Ailes de Taillard, par des pertes d’exploitation sur 18 mois, à hauteur de 49 613 euros de bénéfice net mensuel, durée de la procédure judiciaire en première instance.
Il est évidemment piquant de constater que ce bénéfice exorbitant, dont la société Total réclame le remboursement à des familles défendant leur cadre de vie, découle d’un tarif de rachat de l’électricité très largement subventionné par l’État, tarif 2,5 fois supérieur au prix de revente de son énergie par EDF aux autres distributeurs !
La demande est en outre assortie d’une menace de majoration « dans l’hypothèse où les défendeurs entendraient poursuivre leur action en cause d’appel », photo 2 et 3[1]. Majoration se voulant naturellement dissuasive…
Consulter l’assignation en dommages et intérêts de Total-Quadran
Les étapes d’un contentieux naissant
Plusieurs associations s’étaient en effet opposées à ce projet éolien avec des particuliers lésés dans la jouissance de leurs biens immobiliers ou agricoles. Les autorisations préfectorales ont ainsi été attaquées, en première instance, devant le tribunal administratif de Lyon, comme cela se produit pour 70% des projets éoliens en France.
Cette contestation devant la justice administrative n’est donc nullement inattendue et totalement justifiée au vu des différents avis négatifs émis, notamment celui de l’ ABF, de la CDNPS et du bureau du PNR du Pilat, gardiens des atteintes aux paysages, cadre de vie des requérants.
Cependant, le Tribunal administratif de Lyon a rejeté, par deux jugements du 27 mars 2020, les requêtes déposées contre les permis de construire et l’autorisation d’exploiter les éoliennes, voir annexes en fin d’article. Des carences dans l’analyse des documents fournis ont conduit les requérants à déposer, le 23 août 2020 – et malgré l’assignation délivrée le 18 juin – des recours devant la Cour administrative d’appel de Lyon.
Un projet « participatif » en réalité à la main de Total
La « SAS Les Ailes de Taillard » est une entreprise éolienne filiale majoritaire du pétrolier Total, via sa filiale Total-Quadran, avec des participations in fine très minoritaires d’associations telles que des « Cigales » ou de particuliers, 120 personnes détenant entre 1 et 4 actions à 100 euros. Les panneaux du permis de construire installés en lisière de la forêt de Taillard comportent ainsi le logo de Total-Quadran, photo 6. Les communes propriétaires des bois où seront implantées les machines bénéficieront de loyers et la communauté de commune principalement de taxes…
La « SAS Les Ailes de Taillard », aux termes de ses statuts déposés le 5 mars 2014, a une « gouvernance » particulière. L’assignation n’a ainsi pas pu être délivrée sans l’avis du « Comité Stratégique » constitué, outre de 4 représentants de « Total-Quadran », de deux représentants de la collectivité territoriale partenaire et de deux représentants des autres actionnaires. Parmi ces responsables figurent le Président de la Communauté de Communes des Monts du Pilat qui, espérant profiter de la manne éolienne, justifie l’injustifiable, photo 7. Triste procédé que cette assignation alors que nous avons toujours accepté le débat, contrairement à nos adversaires
Mais le projet – présenté comme étant « participatif » et paritaire, photo 8, - est avant tout celui de Total, photo 9. Ainsi, la répartition du capital sera modifiée au stade de la mise en service des machines : « le capital social actuel de 150 000 € est partagé entre Quadran, la Sem Soleil [société d'économie mixte] et le collège citoyen, respectivement à 50%/25%/25%. [Mais,] Dans l’hypothèse d’un capital social porté à 5 millions d’euros en phase de fonctionnement du parc éolien, la répartition des actions passerait à 80%/15%/5% toujours entre les mêmes acteurs, ce qui garantit un retour financier local provenant de l’exploitation du parc éolien, soit la vente de l’électricité produite »[2]. La « SAS Les Ailes de Taillard » sera donc contrôlée à 80% par la société Total-Quadran, elle-même filiale à 100% de Total.
Ce projet est en outre à resituer dans les ambitions industrielles de Total-Quadran, laissant peu de place à une participation réelle qui consisterait, au demeurant, à rémunérer certains citoyens – et pas d’autres - pour la dégradation de leur cadre de vie. Le site internet de la SAS précise ainsi que, « fin mars 2020, Total Quadran exploite 63 parcs éoliens totalisant 524 MW, dont 8 pour le compte de tiers. Le portefeuille de projets éoliens en instruction ou en développement s’élève à près de 2 000 MW », voir ici.
De nombreux avis négatifs rendus sur le projet
En 2018, après un avis préfectoral négatif lié à un avis du ministère de la Défense, le projet a en définitive reçu des autorisations favorables : permis de construire et autorisation d’exploiter. Les procédures administratives habituelles ont été suivies. L’enquête publique, organisée en avril et mai 2017, a reçu une majorité d’observations défavorables de citoyens, à 51,51%, et de différentes administrations et commissions concernées ; parmi ces dernières, il est bon de relever les « avis défavorables » de l’Architecte des Bâtiments de France (ABF) de la Loire, du Bureau du Parc Naturel Régional (PNR) du Pilat, de la Commission départementale de la nature des paysages et des sites (CDNPS) de la Loire, de l’association France Nature Environnement de la Loire, FNE Loire, autrefois FRAPNA 42, et un avis plus que réservé de la Ligue de protection de oiseaux (LPO) de la Loire, voir annexes en fin d’article…
Sur son site Internet destiné à l’information du public, la SAS Les Ailes de Taillard se garde bien de rapporter ces avis institutionnels défavorables, se contentant de reproduire certains avis individuels favorables, voir ici…
Les atteintes au patrimoine paysager
Les éoliennes seraient implantées aux confins des départements de la Loire de l’Ardèche et de la Haute-Loire, dans la forêt publique de Taillard, photo 1 et 10, d’une superficie d’environ 4 000 hectares peuplée de nombreuses espèces remarquables, plantes, oiseaux, chiroptères, etc. Elle est parcourue d’importants sentiers de randonnée permettant de profiter de ces richesses.
La zone d’implantation du parc éolien appartient au Parc Naturel Régional du Pilat. Elle est ainsi notamment régie par l’article L. 333-1 I du code de l’environnement. Celui-ci prévoit qu’« un parc naturel régional peut être créé sur un territoire dont le patrimoine naturel et culturel ainsi que les paysages présentent un intérêt particulier » ou que « les parcs naturels régionaux constituent un cadre privilégié des actions menées par les collectivités publiques en faveur de la préservation des paysages et du patrimoine naturel et culturel ». Plus loin, l’article L. 333-2 ajoute que « les parcs naturels régionaux situés dans les massifs de montagnes constituent un instrument exemplaire au service de la protection de l’équilibre biologique et de la préservation des sites et paysages », voir ici. L’implantation d’éoliennes dans une zone dédiée à la protection des paysages est donc paradoxale. D’autant que le site éolien prévu se trouve à une altitude comprise entre 1240 mètres et 1380 mètres. Il s’agit par conséquent d’une des zones les plus élevées et, partant, les plus visibles du Parc Naturel Régional du Pilat, qui culmine à 1432 mètres.
La charte du parc régional du Pilat décrit en outre le Massif de Taillard comme lieu destiné à la production de bois de qualité, comme « château d’eau », comme réservoir de biodiversité et un espace de ressourcement et de loisirs en pleine nature.
L’implantation en ligne de 10 éoliennes de 125 mètres de haut sur des crêtes boisées à 1300 mètres d’altitude aura, outre le mitage du couvert forestier, un impact majeur sur ce relief structurant des paysages locaux. Une photo, prise par un drone, montre l’aspect découvert des crêtes forestières avec, au premier plan, le mât de mesure du vent de 95 mètres de haut, photo 11.
Le parc éolien formera ainsi un barrage de 3 kilomètres de long sur plus de 100 mètres de haut, sorte de haie mécanique, interrompant la trame verte et bleue du massif. L’avis de l’ ABF, versé à l’enquête publique, a bien démontré les atteintes à des paysages qui « tirent leur valeur, leur notoriété et leur attractivité de leur ampleur et de leur échelle, la construction des aérogénérateurs de 125 mètres de hauteur, attirant le regard par leur hauteur, leur mouvement, leur teinte claire remet fondamentalement en cause la qualité même de ces paysages »[3].
Les photomontages, présentés par le promoteur lors de l’enquête publique, font apparaître l’aspect de barrière de l’alignement éolien en crête, photos 12 et 13. L’ ABF a soigneusement motivé son avis défavorable : « ce projet me parait en contradiction avec les dispositions de la Loi du 9 janvier 1985 dite Loi Montagne qui compte des dispositions propres à préserver les espaces paysages et milieux caractéristiques du patrimoine naturel, culturel montagnard. »
Le Bureau du Parc naturel régional du Pilat considère également, dans son avis défavorable, que « le projet aura un impact sur un relief structurant majeur »[4].
Enfin, la Commission Départementale de la nature des paysages et des sites (CDNPS) de la Loire, réunie le 9 novembre 2017 en formation spécialisée, dite « sites et paysages », a rendu un avis défavorable au projet éolien[5].
La délégation de la Loire de la Société Pour la Protection des Paysages et de l’Esthétique de la France (SPPEF – Sites & Monuments), dans son avis lors de l’enquête publique du 26 avril 2017, a dénoncé « une effraction de la méga-industrie dans des paysages jusqu’ici préservés ». En effet, pour l’association, « ce paysage se signale par des lignes de crêtes arrondies caractéristiques du paysage montagnard. Sur ces points hauts, les motifs formels des éoliennes – verticalité, linéarité mathématique et mouvement – seront en contradiction totale avec ce qui fait l’esthétique propre, la singularité de ces paysages », tandis que « le projet présenté a le défaut majeur de sa massivité, puisqu’il situe les éoliennes sur une ligne de crêtes et donc en tête des bassins de versant de la Déome et de la Cance. Ce parc éolien de 10 machines, constituera en effet un alignement nord-est, sud-ouest sur plusieurs kilomètres de long ». La SPPEF indique, en outre, s’être interrogée « sur la pérennité du paysage de crêtes forestières en cas d’incendie de forêt et sur la majoration de ce risque occasionnée par la présence de 10 éoliennes dont chacune contient entre 500 à 600 litres d’huiles de refroidissement, le fonctionnement des aérogénérateurs [ayant en outre] un effet desséchant sur les végétaux »[6].
En effet, deux épisodes d’incendies de forêt ont détruit, cet été 2020, des dizaines d’hectares à quelques kilomètres du massif de Taillard. Et ce risque s’aggravera, dans les prochaines années, avec le réchauffement climatique. D’ailleurs, par un arrêté du 18 août 2011[7], le Préfet de la Loire a classé les communes de Saint-Sauveur-en-Rue et de Burdignes, site d’implantation du parc éolien, comme « zone particulièrement exposée aux incendies de forêt », photo 14.
Les atteintes au patrimoine bâti
L’architecte de bâtiments de France de la Loire a également pointé dans son avis la présence, à un kilomètre du site éolien, de l’église de l’ancienne abbaye cistercienne de femmes de Clavas, inscrite au titre des monuments historiques depuis 2003, voir ici, photos 15 et 16.
Au pied du Mont Felletin, à l’écart du monde et du bruit, l’église de l’abbaye a conservé l’isolement caractéristique des sites de cet ordre austère. Elle est à ce titre répertoriée par la Charte européenne des abbayes et sites cisterciens, voir ici, et suscite une vocation touristique locale, voir ici.
Les villages alentours possèdent, en outre, un intéressant patrimoine. On visitera ainsi, à Riotord, situé à 6 km du projet, la belle et haute église romane, XIIe siècle, voir ici ; à Burdignes, également situé à 6 km, les ruines du château de Montchal, voir ici, et le site mégalithique de la Baignoire des Gaulois, voir ici ; à Saint-Sauveur en Rue, à 2 km, l’église Saint-Sauveur, remontant elle aussi au XIIe siècle, voir ici, et deux châteaux ; à Bourg-Argental, à 8 km, l’église classée depuis 1840 de Saint-André, voir ici, un château en ruines et la maison du Châtelet, voir ici. Les trois premières de ces communes hébergent d’ailleurs huit gîtes ruraux et deux maisons pourvues de chambres d’hôtes. La survenance de dix éoliennes de 125 mètres de haut, en un lieu visible de loin, ne pourrait que réduire la fréquentation, et porter atteinte au potentiel.
La forêt de Taillard, espace de loisirs en pleine nature
La forêt de Taillard, pour la majorité de sa superficie, est une forêt publique : forêt communale ou forêt de section de commune dont les missions d’accueil du public sont incontournables.
Ce massif forestier est parcouru par de nombreux sentiers de randonnée, dont le mythique Chemin européen de Compostelle (GR 65) de Genève via le Puy-en-Velay, photos 17 et 18. L’implantation d’une ligne de 10 éoliennes sur une longueur de 3 kilomètres, en dénaturant les paysages, aura un impact dissuasif sur la fréquentation de ce chemin qui tangente sur plusieurs kilomètres les lisières de la forêt. Le photomontage réalisé par nos soins depuis le GR 65, photo 19, est à cet égard éloquent.
Le romancier Jean-Christophe Ruffin a bien décrit le caractère répulsif des éoliennes sur les marcheurs dans son roman Immortelle randonnée : « Leur présence au milieu des champs ou sur les sommets produit un étrange sentiment d’effraction, de menace comme si ces créatures échappées du monde industriel étaient venues envahir la nature encore libre et lui imposer leur loi »[8].
La forêt de Taillard, conservatoire d’une riche biodiversité
Le promoteur tente de justifier l’implantation de ses machines par la survenue de la tempête de 1999, alors même qu’une replantation est intervenue grâce à des financements publics et que les conifères présents ont maintenant quinze mètres de haut (photo 8) et abritent une riche biodiversité.
FNE Loire a ce propos mis en évidence, dans son avis sur l’enquête publique, « la faiblesse des inventaires de terrain » et de nombreuses omissions qui « minimisent les enjeux liés à l’avifaune », citant en particulier « la présence de la Chevêchette d’ Europe [...] établie à moins d’un kilomètre du site », et « la présence de la Chouette de Tengmalm, espèce relique de la dernière époque glaciaire ». Elle s’inquiète enfin des « chiroptères, pour lesquels les impacts sont minimisés » et souligne la faiblesse des mesures d’évitement, de réduction et de compensation, en remarquant que « le fait de suivre la mortalité d’espèces ne peut pas se substituer à la mise en œuvre de mesures d’évitement, de réduction et encore moins de compensation »[9].
La LPO Loire constatait, pour sa part, « des biais et des manques [dans l'étude d'impact qui] induisant de fait une sous-estimation des impacts potentiels sur la biodiversité ». Celle-ci est constituée de « 26 espèces protégées sur le périmètre du projet », Milan royal, Circaète Jean-le-Blanc, Busards cendré et St Martin, Autour, Chouette Chevêchette, Engoulevent d’Europe, Bécasse des Bois, vipère péliade, lézard vivipare, etc.. La LPO explique finalement ne pas comprendre « que l’autorité environnementale n’ait pas exigé qu’une procédure de dérogation pour destruction d’espèces protégées. » L’association concluait, «au regard de ces éléments, ne pouvoir que rendre un avis réservé à ce stade de l’instruction du projet. »
La cabane d’ Aiguebelle, au cœur de la forêt de Taillard, sur le passage du GR 65, présente d’ailleurs, sur des panneaux pédagogiques, les richesses paysagères, floristiques et faunistiques locales, photo 20.
La forêt de Taillard, un « château d’eau » naturel
Les travaux de génie civil nécessaires à l’implantation de 10 éoliennes sont considérables. Pour chaque pied éolien, un volume de terrassement de 600 mètres cubes est nécessaire pour installer 1000 tonnes de béton et de ferrailles. Ces travaux pourraient compromettre les captages et les sources qui alimentent en eau les quatre villages du piémont du massif forestier.
Malgré la communication lénifiante du promoteur, voir ici, ces risques sont évoqués dans ses échanges avec l’Agence Régionale de la Santé, qui formule des critiques précises sur l’étude hydrogéologique effectuée. De nombreuses insuffisances ont également été relevées par le Commissaire-enquêteur lors de l’enquête publique d’avril-mai 2017. Ces points ont aussi particulièrement attiré l’attention des membres du Bureau du PNR du Pilat[10].
Les conséquences de l’assignation pour les requérants
Il convient tout d’abord de remarquer qu’il existe très peu de jurisprudences sur l’utilisation de ce type de procédure en « dommages et intérêts » dans le domaine éolien. Par contre, de telles démarches ont pu être tentées dans des affaires de construction immobilière. D’ailleurs, toutes les jurisprudences citées par l’avocat de la SAS Les Ailes de Taillard se réfèrent à de tels cas. Il est cependant exceptionnel que des tribunaux judiciaires fassent droit à de telles demandes, ce qui reviendrait pour ces derniers à se substituer à la juridiction administrative compétente pour apprécier un tel litige.
Cette assignation apparaît d’abord comme un acte de dissuasion à l’encontre du dépôt d’un appel contre le jugement de première instance. La menace qu’elle constitue porte atteinte au droit d’agir en justice des requérants, garanti par la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen, par le droit européen et la Convention d’Aarhus en matière environnementale.
Il convient de mesurer le « choc psychologique », le stress, voire les incidences de santé subis par les requérants destinataires d’une assignation brutale, délivrée par voie d’huissiers de justice, et contenant des menaces disproportionnées. Certains sont, qui plus est, âgés ou ont des problèmes de santé et le contexte est celui de la sortie du confinement sanitaire, dû au Covid-19, crise qui se poursuit avec de nombreuses craintes pour l’avenir. Cela est d’autant plus choquant que les requérants ont été respectueux du droit en formant leur appel.
Deux métiers complémentaires : exploitant éolien et gazier
La société Total est, à l’origine, et encore très largement, liée au pétrole et au gaz. Elle est régulièrement montrée du doigt par les écologistes en raison de ses activités responsables d’émissions de CO² et autres gaz à effet de serre (GES). C’est donc au terme de ces pressions que Total a entrepris une apparente conversion « verte », pour son image, mais également parce que les énergies renouvelables intermittentes (EnRi) sont très rentable. D’où de nombreux rachats d’entreprises éoliennes et des investissements directs dans de nouveaux projets, en mer ou sur terre.
Mais cette stratégie « verte » ne cache-t-elle pas autre chose ? Nous savons que le grand défaut de l’électricité éolienne est son intermittence, alors que celle-ci est marginalement stockable. Dès lors, il faut, en complément des EnRi, des moyens de substitution conformes aux besoins des consommateurs. Le rapport de la Commission de l’Assemblée Nationale Aubert – Meynier-Millefert, rendu le 26 octobre 2019, a ainsi établi que le développement des Energie renouvelables intermittentes, EnRi, ne pouvait en rien diminuer les émissions de Gaz à effet de serre (GES) responsables du réchauffement climatique[11]. C’est une réalité que Total-Quadran a parfaitement intégrée, poursuivant simultanément un développement accéléré en matière d’ EnRi, photo 21, et d’activités gazières, photo 22, qui remédient à l’intermittence éolienne en dégageant du CO2 ! Le groupe TOTAL possède ainsi de nombreuses centrales au gaz, dont celle de Landivisiau, en cours de construction, voir ici. Dès 2013, Jean-Marc Jancovici, ingénieur conseil, mettait d’ailleurs en lumière devant le Sénat l’union objective de l’industrie gazière et éolienne, voir ici.
Conclusion
L’assignation judiciaire dont nous faisons l’objet démontre que toute opposition, même par des voies strictement légales, est insupportable aux promoteurs et à leurs alliés. Dès lors, l’emploi inédit de ce moyen d’intimidation constitue-t-il un test pour l’ensemble des défenseurs des paysages et de la biodiversité ?
Malgré l’offre d’une renonciation aux dommages et intérêts contre une absence d’appel, et les menaces de majoration des sommes demandées, nous avons décidé d’exercer notre droit à un recours effectif devant la Cour administrative d’appel de Lyon. Nous remercions à ce propos vivement la SPPEF – Sites & Monuments d’avoir choisi de nous épauler par une intervention en appel, dans la continuité de son action au stade de l’enquête publique.
Henri Delolme, président, Michel Desplanches, agrégé en géographie, pour l’Association Protégeons Taillard, adhérente de Sites & Monuments
Avec Sites & Monuments
Consulter l’assignation en dommages et intérêts de Total-Quadran
Consulter la synthèse des observations de l’enquête publique
Consulter les conclusions du commissaire enquêteur
Consulter l’avis « réservé » de la LPO
Consulter l’avis défavorable de l’ ABF
Consulter d’avis défavorable de la CDNPS
Consulter l’avis défavorable du bureau du PNR du Pilat
Consulter le jugement du 27 mars 2020, permis de construire
Consulter le jugement du 27 mars 2020, autorisation d’exploiter
Notes
1. Assignation devant le Tribunal
judiciaire de Saint Etienne l’an deux mille vingt et le 18 juin à la
demande de la SAS Les ailes de Taillard, représentée par son Président,
la société Total-Quadran elle-même représentée par Monsieur Laurent
Vergnet ;
2. Bureau du Syndicat Mixte de Gestion du PNR du Pilat, procès-verbal de la séance du 10 mai 2017, p. 6 ;
3. Avis défavorable de l’Architecte des Bâtiments de France de la Loire (42), le 10 juin 2016 ;
4. Avis défavorable majoritaire, 18 voix
contre 12 et 2 abstentions, le 10 mai 2017 du Bureau du Comité Syndical
du Parc Naturel régional du Pilat ;
5. Avis défavorable majoritaire, 8 voix
contre 7 et 3 abstentions, le 9 novembre 2017, de la Commission
Départementale de la Nature, des Paysages et des Sites ;
6. Avis défavorable de la SPPEF délégation
de la Loire du 26 avril 2017à l’enquête publique d’autorisation
d’exploiter les 10 éoliennes industrielles sur les communes de Saint
Sauveur en rue Burdignes sur le territoire du Parc naturel régional du
Pilat ;
7. Arrêté préfectoral DT 11-538, du 18
août 2011 portant classement en massif forestier à risque d’incendie les
forêts situées sur 22 communes du département de la Loire au titre de
l’article L. 321-1 du code forestier ;
8. Jean-Christophe Ruffin, Immortelle randonnée, Editions Guérin Chamonix, 2013, 259 p. ;
9. Avis défavorable de la FNE 42, anciennement FRAPNA Loire, du 5 mai 2017 dans l’enquête publique ;
10. Rapport d’enquête publique du projet
de parc éolien de la SAS les Ailes de Taillard concernant les communes
de Burdignes et de Saint Sauveur en Rue du 2 juin 2017, en particulier
tome 2, p. 98 ;
11. Rapport de la Commission d’enquête
parlementaire rendu le 26 octobre 2019 sur l’impact économique
industriel et environnemental des énergies renouvelables et sur
l’acceptabilité sociale des politiques de transition énergétique.
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