Electricité : le réseau est sans marge, faute de capacités pilotables. Damned!

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Pourquoi la France était-elle importatrice d'électricité en septembre ?


Maxence CordiezFollow
Ingénieur
November 6, 2020

  En septembre dernier, la France a été importatrice nette d’électricité. De nombreuses voix ont mis en cause la fermeture cette année des réacteurs de Fessenheim dans la survenue de cette situation. Si la décision de fermer la centrale alsacienne a certainement joué un rôle, le cœur du problème est ailleurs.

Article paru dans Le Figaro, le 4 novembre 2020

  En septembre, la France a été importatrice nette d’électricité. Selon le gestionnaire du réseau électrique RTE, elle a ainsi importé 717 GWh de plus qu’elle n’a exporté, ce qui équivaut à la consommation d’un pays comme l’Estonie. Cette situation est particulièrement atypique. En effet, la France est habituellement le premier pays exportateur d’électricité en Europe , devant l’Allemagne, grâce aux faibles coûts variables de son parc de production, nucléaire, hydraulique, éolien et solaire, qui le rendent particulièrement compétitif.
  De nombreuses voix ont expliqué cette situation par la fermeture en février et juin des deux réacteurs de la centrale de Fessenheim. Si cette décision a certainement contribué aux tensions d’approvisionnement en électricité, nous allons voir que ce qui s’est passé en septembre dépasse largement la seule absence de Fessenheim.

Le Covid a entraîné le report de certains travaux de maintenance
  Depuis le début de l’année, il n’aura échappé à personne que la France et le reste de la planète font face à une pandémie. Le premier confinement a bouleversé nombre de secteurs d’activité, dont la maintenance des centrales nucléaires. En temps normal, les centrales suivent un calendrier précis de maintenance étalé sur la fin du printemps et l’été, quand la demande est la plus faible, pour être disponibles lorsque la demande est la plus élevée en hiver. Avec le confinement, les maintenances ont pris du retard et EDF a dû revoir son calendrier.
  La période hivernale restant la plus tendue pour l’approvisionnement électrique, EDF a dû concentrer ses travaux de maintenance – donc les arrêts de réacteurs – sur la fin de l’été pour maximiser la disponibilité du parc nucléaire cet hiver. Il vaut en effet mieux importer de l’électricité en septembre que devoir couper le courant en janvier. Ainsi, la puissance nucléaire disponible pendant les trois premières semaines de septembre n’était que de 25-30 GW quand elle était de 35-40 GW en 2019, selon le site éco2mix de RTE.

Sans vent, les éoliennes fonctionnent moins bien…
  Avec la progression continue des capacités éoliennes en France, 16,7 GW installés, on aurait pu imaginer que celles-ci aident à passer cet épisode difficile. Cependant, les éoliennes ont besoin de vent pour produire de l’électricité. Or les trois premières semaines de septembre ont été particulièrement peu venteuses.
  Pendant les deux premières semaines, toujours selon le site éco2mix de RTE, la production éolienne n’a pas dépassé 3,1 GW, soit 19% du total des capacités éoliennes installées, voir la courbe de production ci-dessous. La situation s’est légèrement améliorée pendant la 3e semaine quand la puissance a atteint un maximum de 8,2 GW le jeudi, mais il a fallu attendre la fin de la 4e semaine pour que des vents plus forts permettent de dépasser 12 GW, jusqu’à une rechute en début de 5e semaine.




Figure 1 - Production éolienne française en septembre 2020 (source : RTE éco2mix)

Et Fessenheim dans tout ça ?
  La situation ayant conduit la France à importer de l’électricité en septembre dépasse largement la seule fermeture de la centrale de Fessenheim. Cependant, à chaque fois que l’approvisionnement connaîtra des tensions dans les prochaines années, on sera en droit de se demander quelle aurait pu être la situation si les 1,8 GW de Fessenheim n’avaient pas été fermés.
  Au-delà de la question de la sécurité d’approvisionnement, à chaque fois que des capacités électrogènes à combustibles fossiles, charbon ou gaz, sont appelées en France ou dans les pays frontaliers, ce qui est de fait le cas en permanence, on peut se dire que leur production aurait pu être diminuée de celle de Fessenheim. Les émissions de gaz à effet de serre qui auraient ainsi pu être évitées tous les ans si la centrale alsacienne était restée en service sont de l’ordre de 6 à 10 millions de tonnes équivalent CO2.

Enseignements à tirer de la situation de septembre
  La gestion de la pandémie de Covid nous rappelle que nous ne pouvons pas avoir un parc électrique dimensionné au plus juste, au risque que le moindre événement imprévu ne vienne le déstabiliser. Nous devons disposer de marges. Or cela n’est plus le cas actuellement. Pour reprendre les mots de RTE, le système est « équilibré mais sans marge, jusqu’en 2020, en raison de la fermeture d’une partie des moyens de production thermiques français, ces dernières années. »[5]
  Cet épisode doit également attirer notre attention sur le fait que la sécurité d’approvisionnement électrique ne peut compter que de façon marginale sur des capacités dépendantes de la météo : il n’y a pas nécessairement du vent ni du soleil quand on a besoin d’électricité. Un pays comme la France a besoin de capacités de production d’électricité disponibles à la demande et, pour le climat, elles doivent être bas carbone, donc hydroélectricité et nucléaire. Fermer Fessenheim était une décision délétère sur ces deux plans.
  Maintenant, même avec les mesures mises en place par EDF pour maximiser la disponibilité du parc électronucléaire cet hiver, les prochains mois risquent d’être tendus, surtout en cas de grand froid. Le nouveau confinement en vigueur depuis jeudi 29 octobre ne devrait rien arranger. D’où l’utilité de disposer de marges… que l’on n’a plus.



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