La sûreté nucléaire, mais qu'est-ce que c'est?

  Si "le mensonge a toujours été considéré comme un moyen parfaitement justifié dans les affaires politiques", comme l'écrivait Hannah Arendt, il y a un secteur qui fait, et fort heureusement, exception à la "règle" : le nucléaire! Plus transparent sur l'information en matière de sécurité, vis-à-vis des Français, tu meurs! Pour le coup, on serait plutôt du côté de Jean Jaurès qui définissait le courage politique : "Le courage, c'est de chercher la vérité et de la dire."
Affirmatif.

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Kako Nait Ali

  En préambule, pour se mettre "dans l' ambiance", une vidéo
  La Sûreté est définie dans le Code de l’Environnement, article L. 591-1, ex loi relative à la transparence et à la sécurité en matière nucléaire (loi « TSN »), tout comme le rôle et les pouvoirs de l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN),  l’organisation de la transparence en matière de sécurité nucléaire et les obligations des exploitants d’installations nucléaires de base (INB).

 
INB
  Voici la définition règlementaire de la Sûreté 


 

Concrètement qu’est-ce que cela signifie ?
  Des dispositions, à la fois techniques et organisationnelles doivent permette de prévenir les accidents ou d’en limiter les effets, qu’ils soient radiologiques ou non. Elles concernent tout le cycle de vie d’une INB et même le transport de substances radioactives. L’industrie nucléaire est particulière parce qu’elle utilise des substances radioactives. Il faut donc mettre en place des dispositions spécifiques à ce risque pour mieux le maitriser. D’où la nécessité de définir une gestion de risque spécifique. Les dispositions prises doivent couvrir à la fois le fonctionnement normal d’une installation, pour protéger les travailleurs des expositions aux rayonnements ionisants par ex, prévenir les incidents et les accidents, mais également limiter des effets sur les populations et l’environnement en cas d’incident ou d’accident. Je vais donc vous présenter les principales mesures mises en place.

1/ Dispositions organisationnelles
  Les exploitants des sites sont responsables de la sureté de leurs installations. Ils doivent justifier de la mise en place de ces dispositions auprès des pouvoirs publics. L' ASN a la charge du contrôle de la sureté nucléaire au nom du parlement. Elle a pour rôles de prendre des décisions règlementaires complémentaires, contrôler et participer à l’information du public. Elle dispose également de Groupes Permanents d’Experts qui peuvent être consultés par domaine de compétence.
   Sur les questions d'ordre technique, l' ASN est appuyée par l'Institut de Radioprotection et de Sûreté Nucléaire (IRSN). Celle-ci participe à la mise à disposition d’infos techniques accessibles au grand public
   Le nucléaire doit être "transparent". Cette transparence est assurée par trois acteurs : l’exploitant, l’ ASN et l’ IRSN. À eux, s’ajoutent les Commission Locales d’Informations (CLI). Elles relaient l’information auprès du grand public et organisent des débats où les trois responsables sont sollicités.
  Ainsi, ils peuvent faire réaliser des contre-expertises, surveiller l’environnement et participer à des
inspections.
  Autre acteur important : le Haut comité pour la transparence et l’information sur la sécurité nucléaire (HCTISN). C’est une instance d’information, de concertation et de débat sur les risques liés aux activités du nucléaire. Il peut être saisi pour toute question relative à l’accessibilité de l’information en matière de sûreté nucléaire. C’est le garant de la transparence et de l’information.D'ailleurs le Code de l’environnement définit la transparence nucléaire dans plusieurs articles, notamment via la définition du rôle de chaque acteur de cette transparence
  Il est souvent question dans les textes de loi de «protection des intérêts». Cela signifie de prévenir et limiter les risques, accidents radiologiques ou non, et les inconvénients, rejets, bruits, vibrations, d’une INB par rapport au public et à l’environnement. Les incidents ou accidents nucléaires sont classés selon l’échelle International Nuclear Event Scale (INES), créée après l’accident de Tchernobyl en 1986 et qui a pour premier objectif de mieux communiquer auprès de la population des médias sur la gravité d’un incident ou d’un accident.


  Elle s’applique aux installations nucléaires de base (INB) civiles ou militaires. Mais également pendant le transport de matières radioactives. Elle est construite sur la base de 3 critères :
- Les conséquences à l’extérieur du site, rejets radioactifs pouvant toucher les populations ou l’environnement ;
- Les conséquences à l’intérieur du site c’est-à-dire qui touchent les travailleurs et l’installation ;
- L’impact sur les installations, notamment sur les dispositions permettant la défense en profondeur.
Source : https://www.iaea.org/sites/default/files/ines_fr.pdf

  Il existe un niveau 0 qui n’ont pas d’impact sureté. Les niveaux 1 à 3 correspondent à des incidents, qui sont des évènements sans conséquence significative sur les populations et l’environnement. Les niveaux 4 à 7 correspondent eux à des accidents, avec des conséquences plus ou moins importantes.
  L’accident de plus haut niveau ayant eu lieu en France est celui de l’endommagement du cœur du réacteur A1 (UNGG) de Saint-Laurent en 1980  qui était de niveau 4. En France, les événements significatifs pour la sureté (ESS), qui peuvent conduire à des conséquences sur la sureté d’une installation sont déclarées à l’ ASN et étudiées par l’ IRSN selon le process suivant

 



  Concernant les facteurs humains et organisationnels, on peut aussi évoquer les exemples suivants : la préparation aux situations d’urgence, la prise en compte du retour d’expérience de manière  systématique et bien sur la culture sûreté évoquée en vidéo Par ailleurs pour justifier que les accidents sont physiquement impossibles ou extrêmement improbables, l’exploitant doit réaliser une démonstration de sureté, présenté dans le Rapport de sûreté : " Document établi par un exploitant, qui présente l'analyse de sûreté de son installation et justifie l'adéquation des dispositions retenues à l'objectif de sûreté." (ASN). Ce rapport est basé sur le principe de «défense en profondeur» présentée ci-dessous.

2/ Dispositions techniques
  La démonstration de sureté réalisée par l’exploitant doit s’appuyer sur la prise en compte de fonctions de sureté appliquées au réacteur nucléaire avec la mise en place de moyens associés :
- Maitrise de la réactivité, c’est-à-dire de la réaction en chaine via la position des grappes de commande et la concentration du bore dans le circuit primaire ;
- Le refroidissement, soit la maitrise de la puissance thermique, par les générateurs de vapeur en fonctionnement normal,ou par le circuit de refroidissement du réacteur à l’arrêt (RRA) qui permet
d’évacuer la puissance résiduelle dégagée par le combustible pendant les périodes d’arrêt ;
- Le confinement des substances radioactives via les 3 barrières de sureté dont on va parler un peu plus tard.
  Des lignes de défense successives sont mises en place pour prévenir et limiter les effets d’un incident ou accident nucléaire. C’est la défense en profondeur, constituée de 5 niveaux, mises en œuvre pour compenser les défaillances humaines et techniques éventuelles :



- 1ère ligne de défense
   La Prévention : éviter les incidents et accidents, cela passe par l’intégration dès la conception des risques et des marges de dimensionnement. Le dimensionnement prend en compte les agressions internes à l’installation comme les incendies, inondations, etc., et les agressions externes comme les séismes, les conditions météorologiques, les inondations externes, les chutes d’aéronefs, les explosions, etc.. Le cumul de ces agressions doit également faire partie de la démonstration de sureté.
  La mise en place des barrières physiques comme les 3 barrières de sureté fait également partie de la défense en profondeur : les gaines de protection, le circuit primaire, l’enceinte de confinement. Elles doivent être préservées au maximum qu’elle que soit la situation.



  La redondance des systèmes qui assurent la sûreté de l’installation et leurs systèmes support est mise en place. Elle permet de doubler, tripler voire quadrupler certains circuits, matériels ou capteurs afin que leur fonction soit assurée même en cas de défaillance de l’un d’eux. La diversification et les séparations physiques et géographiques permettent de réduire ce que l’on appelle la défaillance de mode commun, c’est-à-dire la défaillance simultanée de systèmes redondants.On peut évoquer le classement de sureté des matériels qui permet de les hiérarchiser en fonction de leur importance vis-à-vis de la sûreté, ainsi que la qualification des matériels aux conditions accidentelles, irradiation, pression, température, séisme.., prévu dès la conception. Tout ce qui est prévu dès la conception peut être utilisé dans le cadre de la défense en profondeur, en fonction du type d’incident ou d’accident.
- 2e ligne de défense
  La détection/maitrise des incidents : elle inclut la maintenance et la surveillance des installations, réalisée par l’exploitant mais aussi par l’ ASN avec l’appui de l’ IRSN. On y retrouve certains certaines procédures comme l’arrêt automatique réacteur (AAR) qui permet d’interrompre la réaction en chaîne en quelques secondes et qui se déclenche automatiquement en cas de dépassement des limites de fonctionnement.
- 3e ligne de défense
  La maitrise des accidents : limiter l’aggravation ou la portée des accidents n’ayant pu être évités afin de ramener l’installation dans un état sûr : on parle de mitigation des conséquences de l’accident. On y retrouve la mise en place de circuits de de secours et de sauvegarde connectés au circuit primaire et les procédures de conduite accidentelles par exemple.



- 4e ligne de défense
  La gestion des accidents graves : l’objectif ici est de réduire le nombre d' accidents dans les limites fixées à la base. Tous les dispositifs mis en place dès la conception ont leur rôle à jouer en fonction des situations.
- 5e ligne de défense
   Protéger les populations. C’est là qu’intervient le Plan Particulier d’Intervention (PPI)  comprenant toutes les instructions données à la population, évacuations, prise de pastilles d’iodes, etc.. Ce niveau est du ressort des pouvoirs publics.
   Voilà pour la présentation du principe de sûreté et ce que cela implique d’un point de vue organisationnelle et technique. Je pense que cela donne une vision globale du sujet. Quelle que soit l’activité industrielle, la gestion du risque est réalisée en fonction de la gravité. Plus les conséquences d’un accident sont graves, plus sa probabilité doit être rendue faible. La prévention permet de réduire la fréquence d’un évènement tandis que la mitigation permet de diminuer sa gravité. Tout en gardant en tête que réduire la probabilité d’un accident à zéro n’est pas possible. Mais on peut le rendre extrêmement faible en occurrence ou conséquence. Il n’est pas rare de lire ou d'entendre, par-ci, par-là, que le nucléaire est une industrie dangereuse. C’est mal connaitre les dispositions mises en place et, confondre risque et danger.  L' essentiel étant d'être conscient de ce qui est mis en place, des enjeux et toujours rester vigilant.

Source :
- L'Autorité de sûreté nucléaire (ASN), https://www.asn.fr/ pour les définitions
- L'Institut de Radioprotection et de Sûreté Nucléaire (IRSN) https://www.irsn.fr/ pour la présentation technique de chaque grand principe
- Légifrance, Code de l’environnement  https://www.legifrance.gouv.fr/affichCode.do?cidTexte=LEGITEXT000006074220
- L'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA) — anglais International Atomic Energy Agency (IAEA) :https://www.iaea.org/fr/ressources/echelle-internationale-des-evenements-nucleaires-et-radiologiques-ines
- https://www.gouvernement.fr/risques/accident-nucleaire


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