Par : James Crisp
Traduit par: Marion Candau
27 avr. 2016
Carbon accounting rules for forests need strengthening, campaigner say. Jose
Exclusif. Les failles dans la surveillance du secteur forestier permettent aux gouvernements européens de se soustraire à leurs engagements pour le climat et d’amasser des millions d’euros de crédits carbone.
Grâce à un système d’octroi de crédit de CO2 inadapté à la gestion des ressources forestières, les gouvernements européens peuvent amasser des millions d’euros de crédits carbone simplement en exagérant leur exploitation forestière puis en ne respectant pas leurs objectifs d’abattage des arbres .
Le système actuel octroie ou retire des crédits carbone sur la base de données de référence inchangées soumises par les États membres à la Commission européenne.
Résultat, au moins sept pays de l’UE – Royaume-Uni, Allemagne, Danemark, Finlande, Lituanie, Portugal et Slovaquie – ont soumis des données de référence élevées en 2013-2014, ce qui a produit une manne de 100 millions de tonnes de crédits carbone.
La Commission européenne a déclaré à EurActiv qu’elle était « consciente du risque potentiel » et que les règles de comptabilisation et leur interaction avec les lois sur le climat étaient prises en compte dans le travail préparatoire de la loi qui sera proposée avant l’été.
>> Lire : L’UE fait l’impasse sur la forêt dans sa politique climatique
Si ce vide juridique n’est pas comblé dans la prochaine loi européenne sur le climat, l’UE ne réduira ses gaz à effet de serre (GES) que de 33 % par rapport au niveau de 1990, au lieu des « 40 % au minimum » promis par les dirigeants européens, expliquent des responsables d’ONG.
Spécificité forestière
Aucun autre secteur ne base son niveau de référence sur le statu quo pour ce qui est des émissions de gaz à effet de serre. La plupart utilisent les références d’une année donnée, généralement 1990 ou 2005. Certains considèrent qu’étant donné que les forêts européennes ont gardé la même taille depuis des années, ce système permettrait de mesurer plus précisément la contribution réelle du secteur.
Les crédit carbone peuvent être utilisées par les gouvernements pour compenser les coûts des émissions de carbone d’autres secteurs polluants, ce qui serait « un désastre », selon Hannah Mowat, responsable climat et forêt chez FERN.
« S’il s’agit de choisir entre prendre des décisions difficiles dans les secteurs du transport ou de l’agriculture, ou ne faire pratiquement rien dans le secteur forestier et être récompensé, que feront les gouvernements d’après vous ? Les pays luttent avec acharnement pour avoir le plus de crédits possible. Si nous voulons que ce secteur devienne sérieux, il doit évoluer et se soumettre à des règles sérieuses et non pas à des règles préhistoriques », a ajouté Hannah Mowat.
Tout arbre laissé intact sera probablement abattu une fois que le gouvernement aura récupéré son trésor de crédits carbone, ce qui signifie que le système ne serait même pas capable de prévenir le réchauffement climatique, a-t-elle expliqué.
Loi imminente
La Commission pourrait inclure l’affectation des sols et l’exploitation forestière dans la décision relative au partage de l’effort, qui est l’un des deux instruments de l’UE pour atteindre les objectifs 2030 de réduction des émissions d’au moins 40 %. Le projet de loi devrait être présenté le 10 juillet.
Le terme « utilisation des terres, changement d’affectation des terres et foresterie » (UTCATF) est utilisé pour décrire l’impact de l’affectation des sols et de l’exploitation forestière sur les émissions de GES.
L’ONG FERN soutient que si les crédits UTCATF étaient calculés en utilisant les règles actuelles et étaient inclus dans la décision relative au partage de l’effort, cela réduirait l’objectif de 40 % de 3 à 7 %.
Le projet de loi s’appuie sur l’accord historique conclu à Paris en décembre dernier pour limiter le réchauffement climatique.
Lors de la conférence de l’ONU, les gouvernements du monde entier se sont accordés à limiter le réchauffement de la planète à deux degrés au-dessus du niveau préindustriel, et à faire un compte rendu de leurs avancées tous les cinq ans. Un objectif « ambitieux » de 1,5 degré a également été fixé.
>> Lire : Les forêts européennes peu efficaces contre le réchauffement climatique
Le lien avec l’ONU est particulièrement pertinent puisque l’UTCATF est utilisée dans la comptabilisation des émissions de CO2 pour la deuxième période d’engagement du protocole de Kyoto, le prédécesseur de l’accord de Paris.
Alors qu’il ne faisait pas partie des objectifs 2020 de l’UE pour le climat et l’énergie, les responsables de campagne craignent que l’UTCATF soit intégré aux objectifs 2030.
« Avant l’été, la Commission présentera des propositions sur la décision de répartition de l’effort, et notamment sur l’UTCATF qui s’inscrit dans la mise en place du cadre 2030 pour le climat et l’énergie », a déclaré un porte-parole de l’exécutif.
« Les règles de comptabilisation de l’UTCATF et leur interaction avec la décision de répartition de l’effort sont des éléments importants qui doivent être pris en compte dans le travail préparatoire en cours », a précisé le porte-parole.
Toute loi devra avoir « un véritable pare-feu » entre les secteurs, a estimé Hannah Mowat, « pour éviter de donner une trop grande souplesse » qui permettrait de déjouer le système.
CONTEXTE
La Commission définit l'UTCATF comme suit :
L'UTCATF (utilisation des terres, changement d’affectation des terres et foresterie) couvre les émissions de gaz à effet de serre dans l'atmosphère et le captage du carbone de l'atmosphère par les sols, les arbres, les plantes, la biomasse et le bois.
Les forêts et terres agricoles couvrent actuellement plus des trois quarts du territoire européen et retiennent naturellement de grandes quantités de carbone, qui ne s'échappe donc pas dans l'atmosphère. L'assèchement des tourbières, l'abattage des forêts et la laboure des prairies génères des émissions. À l'inverse, la réhumidification des sols, le reboisement et la conversion de terres agricoles en pâturages peuvent entrainer un meilleur captage du carbone.
Les efforts et meilleures pratiques de captage de carbone dans les forêts et les sols des agriculteurs et des propriétaires de zones forestières n'ont été que partiellement inclus dans les accords internationaux, principalement à cause de la difficulté de générer des données précises sur ce captage et le manque de règle commune sur la mesure des émissions et leur élimination.
PROCHAINES ÉTAPES
10 juillet 2012: Date prévue pour la présentation du projet de loi sur l'UTCATF et la décision de répartition de l'effort.
27 avr. 2016
Carbon accounting rules for forests need strengthening, campaigner say. Jose
Exclusif. Les failles dans la surveillance du secteur forestier permettent aux gouvernements européens de se soustraire à leurs engagements pour le climat et d’amasser des millions d’euros de crédits carbone.
Grâce à un système d’octroi de crédit de CO2 inadapté à la gestion des ressources forestières, les gouvernements européens peuvent amasser des millions d’euros de crédits carbone simplement en exagérant leur exploitation forestière puis en ne respectant pas leurs objectifs d’abattage des arbres .
Le système actuel octroie ou retire des crédits carbone sur la base de données de référence inchangées soumises par les États membres à la Commission européenne.
Résultat, au moins sept pays de l’UE – Royaume-Uni, Allemagne, Danemark, Finlande, Lituanie, Portugal et Slovaquie – ont soumis des données de référence élevées en 2013-2014, ce qui a produit une manne de 100 millions de tonnes de crédits carbone.
La Commission européenne a déclaré à EurActiv qu’elle était « consciente du risque potentiel » et que les règles de comptabilisation et leur interaction avec les lois sur le climat étaient prises en compte dans le travail préparatoire de la loi qui sera proposée avant l’été.
>> Lire : L’UE fait l’impasse sur la forêt dans sa politique climatique
Si ce vide juridique n’est pas comblé dans la prochaine loi européenne sur le climat, l’UE ne réduira ses gaz à effet de serre (GES) que de 33 % par rapport au niveau de 1990, au lieu des « 40 % au minimum » promis par les dirigeants européens, expliquent des responsables d’ONG.
Spécificité forestière
Aucun autre secteur ne base son niveau de référence sur le statu quo pour ce qui est des émissions de gaz à effet de serre. La plupart utilisent les références d’une année donnée, généralement 1990 ou 2005. Certains considèrent qu’étant donné que les forêts européennes ont gardé la même taille depuis des années, ce système permettrait de mesurer plus précisément la contribution réelle du secteur.
Les crédit carbone peuvent être utilisées par les gouvernements pour compenser les coûts des émissions de carbone d’autres secteurs polluants, ce qui serait « un désastre », selon Hannah Mowat, responsable climat et forêt chez FERN.
« S’il s’agit de choisir entre prendre des décisions difficiles dans les secteurs du transport ou de l’agriculture, ou ne faire pratiquement rien dans le secteur forestier et être récompensé, que feront les gouvernements d’après vous ? Les pays luttent avec acharnement pour avoir le plus de crédits possible. Si nous voulons que ce secteur devienne sérieux, il doit évoluer et se soumettre à des règles sérieuses et non pas à des règles préhistoriques », a ajouté Hannah Mowat.
Tout arbre laissé intact sera probablement abattu une fois que le gouvernement aura récupéré son trésor de crédits carbone, ce qui signifie que le système ne serait même pas capable de prévenir le réchauffement climatique, a-t-elle expliqué.
Loi imminente
La Commission pourrait inclure l’affectation des sols et l’exploitation forestière dans la décision relative au partage de l’effort, qui est l’un des deux instruments de l’UE pour atteindre les objectifs 2030 de réduction des émissions d’au moins 40 %. Le projet de loi devrait être présenté le 10 juillet.
Le terme « utilisation des terres, changement d’affectation des terres et foresterie » (UTCATF) est utilisé pour décrire l’impact de l’affectation des sols et de l’exploitation forestière sur les émissions de GES.
L’ONG FERN soutient que si les crédits UTCATF étaient calculés en utilisant les règles actuelles et étaient inclus dans la décision relative au partage de l’effort, cela réduirait l’objectif de 40 % de 3 à 7 %.
Le projet de loi s’appuie sur l’accord historique conclu à Paris en décembre dernier pour limiter le réchauffement climatique.
Lors de la conférence de l’ONU, les gouvernements du monde entier se sont accordés à limiter le réchauffement de la planète à deux degrés au-dessus du niveau préindustriel, et à faire un compte rendu de leurs avancées tous les cinq ans. Un objectif « ambitieux » de 1,5 degré a également été fixé.
>> Lire : Les forêts européennes peu efficaces contre le réchauffement climatique
Le lien avec l’ONU est particulièrement pertinent puisque l’UTCATF est utilisée dans la comptabilisation des émissions de CO2 pour la deuxième période d’engagement du protocole de Kyoto, le prédécesseur de l’accord de Paris.
Alors qu’il ne faisait pas partie des objectifs 2020 de l’UE pour le climat et l’énergie, les responsables de campagne craignent que l’UTCATF soit intégré aux objectifs 2030.
« Avant l’été, la Commission présentera des propositions sur la décision de répartition de l’effort, et notamment sur l’UTCATF qui s’inscrit dans la mise en place du cadre 2030 pour le climat et l’énergie », a déclaré un porte-parole de l’exécutif.
« Les règles de comptabilisation de l’UTCATF et leur interaction avec la décision de répartition de l’effort sont des éléments importants qui doivent être pris en compte dans le travail préparatoire en cours », a précisé le porte-parole.
Toute loi devra avoir « un véritable pare-feu » entre les secteurs, a estimé Hannah Mowat, « pour éviter de donner une trop grande souplesse » qui permettrait de déjouer le système.
CONTEXTE
La Commission définit l'UTCATF comme suit :
L'UTCATF (utilisation des terres, changement d’affectation des terres et foresterie) couvre les émissions de gaz à effet de serre dans l'atmosphère et le captage du carbone de l'atmosphère par les sols, les arbres, les plantes, la biomasse et le bois.
Les forêts et terres agricoles couvrent actuellement plus des trois quarts du territoire européen et retiennent naturellement de grandes quantités de carbone, qui ne s'échappe donc pas dans l'atmosphère. L'assèchement des tourbières, l'abattage des forêts et la laboure des prairies génères des émissions. À l'inverse, la réhumidification des sols, le reboisement et la conversion de terres agricoles en pâturages peuvent entrainer un meilleur captage du carbone.
Les efforts et meilleures pratiques de captage de carbone dans les forêts et les sols des agriculteurs et des propriétaires de zones forestières n'ont été que partiellement inclus dans les accords internationaux, principalement à cause de la difficulté de générer des données précises sur ce captage et le manque de règle commune sur la mesure des émissions et leur élimination.
PROCHAINES ÉTAPES
10 juillet 2012: Date prévue pour la présentation du projet de loi sur l'UTCATF et la décision de répartition de l'effort.
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