11/07/2016
La 40e session du Patrimoine mondial de l’Unesco se réunit, du 10 au 20 juillet, à Istanbul pour voter (ou non) l’inscription de 29 nouveaux sites pour leur valeur universelle exceptionnelle, sur la liste du Patrimoine mondial de l’humanité – forte de 1031 sites dans 169 États parties. Les deux sites portés par la France, et qui ont déjà fait acte de candidature les années précédentes, mais sans succès, se représentent avec un dossier étoffé.
LAURENT VAN DER STOCKT POUR LE MONDE
La Chaîne des Puits et faille de Limagne (Puy-de-Dôme), dont la candidature a été refusée en 2014, à la 38e session du patrimoine mondial, à Doha (Qatar), a « précisé les éléments tectoniques et structuraux interagissant avec le volcanisme monogénique », représentatifs de l’histoire de la Terre, qui étaient exigés ; et donné les informations requises sur la gestion public-privé du site.
Une contribution exceptionnelle au Mouvement Moderne
De la même manière, après avoir échoué en 2009 et 2011, la candidature de l’œuvre internationale de Le Corbusier en est à son troisième essai. Le Conseil International des monuments et des sites (Icomos), chargé d’expertiser les dossiers, recommande cette fois-ci l’inscription de « L’œuvre architecturale de Le Corbusier, une contribution exceptionnelle au Mouvement Moderne », c’est-à-dire un ensemble de dix-sept bâtiments portés par sept pays :Allemagne, Argentine, Belgique, France, Inde, Japon et Suisse.
« La candidature de 2016 s’est largement appuyée sur les précédents échecs, indique Benoit Cornu, président de l’Association des sites Le Corbusier qui porte la candidature aux côtés de la Fondation Le Corbusier et du ministère de la culture. Icomos avait jugé la série trop pléthorique et éclectique, et surtout, déploré l’absence du site de Chandigarh en Inde qui révélait la dimension urbanistique de l’œuvre. »
Onze réalisations présentées par les États-Unis
La proposition française va devoir cohabiter avec d’autres candidats. « Il n’est en rien affaire de concurrence, insiste Benoit Cornu. Le choix d’un dossier ne peut être influencé, ni en influencer un autre. L’Unesco se prononce sur la valeur universelle exceptionnelle de chacun. » Au côté de Le Corbusier, donc, les Etats-Unis présentent onze réalisations de ce qu’ils nomment les « travaux majeurs de l’architecture moderne par Frank Lloyd Wright ».
Autre nominé de choix, le Brésil défend, lui, l’« ensemble moderne de Pampulha ». Ce magnifique manifeste architectonique d’Oscar Niemeyer, dans une version tropicale de l’esprit corbuséen, a été structuré, au début des années 1940, autour d’un lac artificiel à Belo Horizonte, capitale de l’Etat du Minas Gerais, dont Juscelino Kubitschek était le maire. Devenu président du Brésil, à la fin des années 1950, il fera appel à Niemeyer et à l’urbaniste Lucio Costa pour réaliser Brasilia.
Rappelons que les dossiers de candidature sont très complexes et très lourds à mettre en œuvre – un travail de plusieurs années pour chaque site concerné. Le candidat doit démontrer que tout est en place pour la sauvegarde et la conservation, avec un plan de gestion opérationnel pour l’accueil du public. Des conditions difficiles à réunir pour les pays qui n’en ont pas les moyens.
Les sites patrimoniaux des zones de conflit, en grand danger, sont particulièrement concernés par ces impératifs administratifs qui bloquent toute candidature malgré l’urgence de la protection Unesco. Le cas de l’Irak, qui porte le dossier de candidature des plus anciennes cités bâties par l’homme, proches des marais du delta du Tigre et de l’Euphrate, est édifiant.
Pour venir à bout des rebelles chiites qui y avaient pris le maquis après 1991, Saddam Hussein a asséché ces marais inaccessibles à ses chars. En 2003, la population a détruit digues et canaux. Les marais n’ont retrouvé que 40 % de leur étendue originelle.
Dans le rapport d’évaluation de la candidature irakienne, réalisé par l’Icomos, il est reproché à l’Irak un manque de précisions et d’informations sur des villes dont certaines, enfouies dans les sables près d’Uruk, n’ont pas encore été fouillées mais déjà pillées. Vers 5500 ans av.J.-C., un réseau de villes y prenait forme, avant l’Egypte, la Chine ou l’Inde. 3300 ans avant notre ère, à Uruk, est née l’écriture qui a engendré des chefs d’oeuvres comme l’Epopée de Gilgamesh (roi d’Uruk).
Le 6 juin, à la tribune de l’Unesco, Béatrice André-Salvini, directrice honoraire du département des Antiquités orientales du musée du Louvre, rappelait que « la civilisation sumérienne a crée l’Histoire ».« Il y a 5000 ans, Uruk exportait sa culture proto-urbaine bien au-delà des deux fleuves. Il y a 4000 ans, le port d’Ur importait des marchandises et des matières premières du subcontinent indien (...) Eridu était une ville sainte. Son temple était dédié au maître des eaux douces qui, selon le premier récit du Déluge, « contrôlait le verrou qui ferme la mer ».
Quel rôle joue l’Unesco ? En 1992, le site d’Angkor (Cambodge) – 400 km2 de forêt et de temples –, est classé sur la liste en péril, bien que les Khmers rouges tiennent la région (jusqu’en 1998). Il était alors urgent de protéger les vestiges khmers. Aujourd’hui, c’est toute la région de Sumer qu’il faudrait classer.
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