Quand ils étaient seuls sur la terre, ils se nommaient eux-mêmes.
(Cheyennes) Les Hommes,
(Pawnees) Les Plus Hommes des Hommes,
(Lenapes) Les Hommes Vrais,
(Apaches) Le Peuple,
(Hopis) Le Peuple Pacifique,
(Arapahos) Notre Peuple,
(Mandans) Le Peuple sur la Rive,
(Winnebagos) Le Peuple de l'Eau Boueuse,
(Cherokees) Le Peuple des Cavernes,
(Sauks) Le Peuple de la Terre Jaune,
(Foxes Le Peuple de la Terre Rouge,
(Tetons) Ceux-qui-habitent-la-Prairie,
(Hunkpapas) Ceux-qui-campent-à-l'entrée,
(Kiowas) Ceux-qui-sortent,
(Iowas) Ceux-qui-dorment,
(Omahas) Ceux-qui-vont-contre-le-vent,
Quand ils ne furent plus seuls, les Blancs, les marchands, les trappeurs, les voyageurs, les jésuites les nommèrent.
Parfois ils les nommèrent d'un trait jugé distinctif. (...)
Parfois ils les nommèrent en déformant le nom que leur donnaient leurs ennemis. (...)
Qu'ont pensé les élégants guerriers Crows (corbeaux) de leur surnom : "Les Beaux Brummels de la Prairie" ?
https://psycheinhell.wordpress.com/
Précédents épisodes
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carte de la situation géographique des tribus (http://indianland.centerblog.net) |
Cérémonies et système de croyances
Parmi les facteurs qui contribuèrent à façonner les métaphysiques de ces
Indiens, les Grandes Plaines elles-mêmes furent l'un des plus importants, des
plus déterminants. Décor envoûtant, ces étendues herbeuses balayées par le
vent, pratiquement dépourvues d'arbres, semi-arides, chaudes en été et froides
en hiver, ondulaient à perte de vue; elles évoquaient le grand large, un
panorama de mer, de ciel et de nuages éternellement changeants. En 1850, Thomas
Tibbles, un éclaireur de l'armée américaine, écrivait : «On n'a jamais vu un
pays aussi beau». George Catlin, qui parcourut les Grandes Plaines pour
recueillir des informations sur les modes de vie et les coutumes des Indiens,
expliquait qu'il s'agissait d'un «endroit à propos duquel l'esprit peut
imaginer des volumes entiers; mais la langue qui veut en parler demeure muette,
et la main qui veut écrire à son sujet reste paralysée».
Les Indiens qui y vivaient ne considéraient pas les Grandes Plaines comme
un endroit à part. Ils n'envisageaient pas non plus cette vaste région (du
bassin de la Saskatchewan (Canada), au nord, à la vallée du Rio Grande, au sud,
aux prairies du Minnesota et de l'Iowa, à l'est, jusqu'aux contreforts des
Montagnes Rocheuses, à l'ouest) comme une entité identifiable, car leur
représentation de l'univers n'avait que faire des définitions géographiques et
des délimitations précises. Ils voyaient cette terre magnifique sous les traits
d'une femme donneuse de vie – la Terre Mère – qui leur fournissait ce qu'ils
avaient besoin, leur offrait la possibilité de bien vivre, et contribuait à
leur bonheur. «J'aime la terre et le bison» disait Ten Bears, un
leader comanche, en 1867. «J'aime parcourir la vaste prairie, et ce faisant
je me sens libre et heureux». Les Indiens des Plaines avaient inclus dans
leurs cosmologies le concept d'une harmonie existant entre les humains, les
animaux et leur environnement. Ils acceptaient l'idée d'une interconnexion de
tous les phénomènes, visibles et invisibles, et à leurs yeux, toutes les
créatures étaient fondamentalement égales. Leur conception du monde était
holiste. Ils pensaient qu'en chaque être animal, chaque être végétal, chaque
objet naturel et chaque pouvoir inconnu, il existait une vie consciente, une
âme. Leurs cosmologies excluaient toute idée d'une approbation du sol (la
Terre-Mère ne pouvait être ni partagée ni possédée) et ignorait le besoin
d'épargner pour l'avenir et ils avaient une attitude désinvolte (selon nos
critères) vis-à-vis du temps, car celui-ci les concernait peu. Le moment où le
soleil se lève, le moment où il est le plus haut, le moment où il se couche,
étaient les seules divisions du jour qu'avaient les Indiens des Plaines. En
accord avec la nature, ses cycles et ses rythmes, c'est elle qui décidait quand
il était temps de chasser, de planter, de cueillir les baies. Par exemple, chez
les Lakotas juillet était désigné par «lune des merises rouges"» et
janvier se traduisait par «lune du gel dans les tipis».
Leur intense vie spirituelle façonnait leurs esprits et influençait leurs
mode de raisonnement. En fait, la spiritualité était une composante naturelle
de l'activité économique, des activités sociales, des actions individuelles, de
l'éducation des enfants, de l'art de la guerre, des pratiques de guérison, de
l'inspiration artistique et des thèmes décoratifs, et elle fournissait une
explication aux phénomènes extraordinaires. Les Indiens des Plaines
transformaient de simples tâches quotidiennes en rites, rituels, et l'aide
d'offrandes de nourriture, de tabac, d'ornements, de petites mèches de cheveux,
voire même de lambeaux de leur propre chair. Existait-il des Indiens des
Plaines athées? La spiritualité était omniprésente. Ils l'honoraient dans son
entier, y compris la terre et les rochers, les animaux et les plantes, les
éclairs et le tonnerre, et ils croyaient que toute perturbation de cet
environnement provoquait une rupture de l'harmonie culturelle. Ainsi, Rainy
Mountain, une butte du sud des Plaines, était sacrée pour les Kiowas, et Bear
Butte, située sur la bordure nord-est des Blacks Hills, était l'objet de la
même vénération de la part des Cheyennes et des Lakotas.
La grande majorité des Indiens des Plaines croyaient en l'existence d'un
être surnaturel principal, Le-Très-Saint-Qui-Est-Là-Haut, un créateur céleste,
omniscient et tout puissant, qui insufflait un pouvoir sacré en chaque élément
de la vie. Si les Blancs l'appelaient souvent le Grand Esprit, les Indiens
donnaient des noms différents à cette force créatrice :
·
Cheyennes :
Maheo (ou Heamawihio)
·
Lakotas : Wakan Tanka, le Grand Mystère
·
Pawnees : Tirawa («cette étendue»)
Dans plusieurs communautés, par exemple, le ciel, la lune, le soleil et la
terre n'étaient qu'une partie du Très-Saint-Qui-Est-Là-haut, dans d'autres, ils
étaient eux-mêmes des esprits importants. Beaucoup de peuples des Plaines
distinguaient souvent deux sortes d'esprits, bénéfiques ou maléfiques. Chez les
Lakotas, les principales puissances étaient Wi, le soleil, et Skar, le ciel,
considérés comme des esprits masculins. Maka, un esprit féminin, était la
Terre. Au-dessous de ces esprits supérieurs, il existait une foule d'esprits
secondaires, dont les Vents des quatre directions, la Lune, l'Ours, le
Tonnerre, la Tornade, etc. Les pratiques religieuses incluaient souvent l'usage
de huttes à sudation purificatrices, d'autels spécifiques, de pipes sacrées, de
peintures corporelles et faciales symboliques, de la musique et de la danse, de
l'imitation ou de la personnification des évènements ou des esprits. Des
cérémonies associées aux mouvements du soleil et des étoiles étaient célébrées
à la saison appropriée. Pour tous les Indiens des Plaines, les points
cardinaux, le chiffre quatre et le cercle ou cerceau étaient sacrés.
·
Le cercle.
Symbolisait l'harmonie naturelle. «Le pouvoir du monde se manifeste
toujours en cercle, disait Black Elk (Élan Noir), et tout
s'efforce d'être rond (…). [Il n'y a pas de] pouvoir dans un carré».
C'est pourquoi de nombreux groupes tribaux disposaient en cercle leurs tipis à
base circulaire, et s'asseyaient en rond pour les cérémonies importantes. On
trouve dans le Nord-Ouest des Plaines des centaines de sites cérémoniels
constitués de cercles de pierres, associés parfois à des évènements
astronomiques tels que les solstice d'été, et appelés médecine wheels
(roues-médecine).
·
Le nombre quatre.
Symbolisait également l'harmonie naturelle. Il y avait les quatre saisons,
les quatre âges de la vie humaine (petite enfance, enfance, âge adulte,
vieillesse), quatre éléments au-dessus de la terre (soleil, lune, étoiles, et
ciel), etc. Ainsi, les Indiens des Plaines croyaient qu'ils devaient faire le
plus de choses possibles par quatre.
·
Le bain purificateur.
Qui était une cérémonie en lui-même, était très important. On se rendait
presque nu dans une hutte minuscule, faite d'une structure en branches de saule
recouverte de peaux. Une fois enfermé à l'intérieur, on versait doucement de
l'eau sur des pierres chauffées à blanc, on respirait la vapeur, on brûlait de
«l'herbe douce», la sweet grass, on fumait la pipe sacrée, on priait et
on espérait recevoir une vision. Avant de quitter la hutte, on se frictionnait
avec de la sauge et on s'aspergeait d'eau froide, ou on sautait dans le
ruisseau voisin. Parfois, plusieurs personnes, hommes et femmes, s'entassaient
dans la hutte à sudation.
Le tabac jouait un rôle dans les rites. Les Indiens des Plaines le
mélangeaient, par économie car rare, avec d'autres herbes. Ce mélange appelé «kinnikinnick»,
était composé de tabac, d'écorce de saule séchée, de feuilles de raisin d'ours
(herbe du Nord des Plaines, Torresia odorata, c'est la chevelure de la Terre
notre Mère), de feuilles séchées de sumac, de peuplier, de plantes aromatiques,
et probablement de marijuana. Les Pieds-Noirs, les Sarsis, et les Crows,
cultivaient le tabac. Les Cheyennes s'adonnaient encore à sa culture en 1802.
Fumer la pipe était souvent un acte sacré et cérémoniel, associé à diverses
formes de pouvoirs. Selon un négociant blanc, fumer le pipe était «L'introduction
à toute discussion importante, et l'on ne pouvait pas commencer avec les
Indiens avant que cette cérémonie de fumerie ne soit terminée». Chez les
Comanches, par cette cérémonie, le fumeur faisait soit une prière pour obtenir
un certain pouvoir, soit un serment, soit un engagement moral, ou soit une
promesse. Pour l'essentiel, fumer était une activité réservée aux hommes. En
revanche, ils ne découvrirent l'usage de chiquer le tabac que sur les réserves.
Ils utilisaient des pipes avec un fourneau creusé dans une pierre tendre
telle que la stéatite noire ou une autre variété de stéatite appelée catlinite
rouge, du nom de George Catlin qui eut l'occasion de visiter la carrière de
pierre à pipe sacrée, dans le Sud du Minnesota. Les Yanktons contrôlant le
site, ils avaient l'exclusivité du commerce de cette pierre rouge. Par la
suite, au contact des Blancs, ils se procurèrent des fourneaux en cuivre, en
fer forgé, en bruyère et en magnésite, ou «écume de mer». Les tuyaux étaient en bois de frêne, de
saule ou de peuplier.
Les calumets étaient des pipes encore plus élaborées, rarement destinées à
être utilisées pour fumer vraiment. Les Indiens des Plaines les fabriquaient
souvent par paires, et beaucoup de groupes s'en servaient quand ils négociaient
des traités de paix. Les Omahas utilisaient des calumets pour certains rites
d'adoption et certaines danses. Les Arapahos du Nord, les Pieds-Noirs, les
Lakotas et d'autres se servaient de calumets lors de cérémonies sacrées.
Habituellement, les deux parties étaient séparées et assemblées solennellement,
qu'au moment de servir.
La religion des Comanches était dépourvue de la plupart de ritualisme très
élaboré qui caractérisait celles des autres groupes tribaux. Une différence que
l'histoire peut expliquer en partie. Les Comanches venaient du Grand Bassin,
apportant avec eux les traditions religieuses de cette région, alors que la
plupart des autre peuples des Plaines étaient arrivés des forêts de l' Est avec
les traditions religieuses propres à leur région. Dans beaucoup de tribus,
chamanes et/ou prêtres dominaient l'activité religieuse; dans d'autres, ils ne
jouaient un rôle clé que lors de la célébration des rituels majeurs et des
activités de renouveau tribal. Il existait également quelques différences
significatives entre les façons dont les peuples d'horticulteurs et les peuples
de chasseurs abordaient les pratiques religieuses. Chez les peuples des
villages de l' Est, où les individus n'étaient jamais coupés longtemps de la
vie de leur communauté, les activités religieuses étaient plutôt publiques et
collectives. En général, le système spirituel des horticulteurs se
caractérisait par son ritualisme; il conférait à la tribu son identité, et
donnait à la culture tribale tout son sens; mais les différences existaient entre
les peuples parlant des langues siouennes, dont les traditions avaient des
liens anciens avec les traditions Oneotas, et les peuples parlant des langues
caddoennes, dont les religions s'inspiraient des traditions mississipiennes.
Les prêtres, à distinguer des chamanes (guides spirituels, saints hommes),
devinrent très nombreux chez ces peuples, et dans quelques villages, ils
finirent par dominer non seulement les activités spirituelles, mais aussi les
affaires temporelles. La religion Pawnee, par exemple, entretenait un clergé
considérable et souvent héréditaire.
Chez les peuples nomades, les pratiques religieuses reflétaient une
adaptation au cycle des saisons. Ayant réglé leurs rituels et cérémonies sur
les déplacements des bisons, ils célébraient des cérémonies communautaires au
début de l'été, quand l'abondance de l'herbe permettait des rassemblements
importants. Le reste de l'année, dispersés en petits campements, ils
favorisaient les pratiques individuelles. C'est pourquoi la religion des peuples
nomades était essentiellement individualiste. Chez les Comanches, par exemple,
l'accent était mis sur les pratiques permettant de s'attirer les faveurs des
puissances du monde des esprits. Les Comanches avaient des chamanes mais, au
contraire des Pawnees, ils n'avaient ni dogme, ni clergé susceptible de
formuler une liturgie systématique ou une cosmologie cohérente.
Les esprits qui venaient en aide aux quêteurs de vision prenaient divers
aspects. Le bison, le wapiti, l'ours,
l'aigle, le faucon, le chien et le lapin servaient fréquemment d'esprit
gardien. Des objets inanimés, des phénomènes naturels, des évènements et des
créatures fantastiques à l'aspect plus ou moins humain (des manitous)
apparaissaient également en tant qu'esprit gardien dans certaines visions.
Après avoir eu la révélation, le quêteur fabriquait un sac sacré (ou
sac-médecine) en peau, et plaçait dans ce sac des objets, fétiches et symboles
matériels que sa vision lui avait commandé de réunir. Un sac sacré Pawnee
pouvait contenir une pipe, du tabac, des peintures, des oiseaux et du maïs.
Dans un sac comanche, on pouvait trouver une poignée de «sweet grass»,
d'autres herbes, des serres d'un oiseau de proie, une queue de cerf, de
petites pierres, le cartilage d'un museau d'un ours et du castoréum. Les
villages, les fraternités, parfois les tribus elles-mêmes, possédaient aussi
des sacs sacrés. Chez les Mandans, tous les sacs sacrés, individuels,
fraternels ou tribaux étaient propriétés privées. Leurs propriétaires pouvaient
les vendre ou transmettre leurs
pouvoirs. Chaque sac contenait un crâne de bison en plus de divers objets, et
possédait sa tradition et son chant secrets, mais rituels. Type de grands sacs
tribaux : le sac de la Pipe Sacrée des Pieds-Noirs, le sac de
l'Étoile du Matin des Skidis Pawnees, le sac des Flèches-Médecine
et le sac de la Coiffure de Bison Sacrée des Cheyennes, le sac
de la Pipe Plate et le sac des Roues-Médecine Sacrées
des Arapahos, le sac de l' Okipa des Mandans.
Organisée tous les deux ou trois ans par les Skidis Pawnees, la cérémonie
de l' Étoile du Matin était encore célébrée dans le courant du XIXe
siècle, jusqu'à ce que les pressions exercées par les Blancs et les efforts
d'un jeune leader skidi nommé Pelatasharo [Man Chief] réussissent à obtenir
l'abandon de cette pratique qui représentait l'un des quelques exemples de
sacrifices humains accomplis au nord du Mexique (plutôt jeune captive que jeune
captif, treize ans environ), pour le renouveau de la terre et du peuple pawnee. La cérémonie durait quatre jours pendant
lesquels, la captive était traitée comme une reine. Puis, montée sur une plate
forme, regardant vers l' Est, un guerrier lui décochait une flèche en plein
cœur, puis un prêtre lui ouvrait la poitrine et se barbouillait le visage et le
corps avec son sang. Enfin, le reste de la communauté criblait le corps de
flèches. Les leaders emportaient le corps pour s'en débarrasser et les
festivités pouvaient commencer.
Parmi les multiples rituels et les nombreuses cérémonies des Indiens des
Plaines, la danse du Soleil était la plus célèbre. Élaborée après 1700 par les
Arapahos ou les Cheyennes, et probablement copiée sur l'Okipa des Mandans, elle
se répandit rapidement après 1750, devenant la «plus magnifique de toutes»
les célébrations spirituelles des Indiens des Plaines. Interdite par le
gouvernement des États-Unis en 1881, elle avait pratiquement disparu à la fin
du XIXe siècle, au moment où les Utes et les Shoshones adoptèrent
certains de ses éléments, mais en modifiant son but et sa pratique. Avant 1934,
date à laquelle le gouvernement fédéral leva son interdiction, la danse du
Soleil était devenue moitié powwow, moitié kermesse annuelle.
Ce rite spectaculaire, habituellement annuel, était une cérémonie
communautaire complexe, fortement inspirée par la mythologie, avec chanteurs,
danseurs, musiciens et spectateurs. Des membres du groupe tribal, qui
projetaient de venger un mort, de conduire une chasse fructueuse, de garantir
l'abondance des bisons, d'assurer la richesse et le bonheur de leur communauté,
décidaient de participer à la danse du Soleil. Ces hommes dansaient jour et
nuit, pendant un, deux, trois ou quatre jours, accompagnés par des batteurs de
tambours et de chanteurs. Ils subissaient en parallèle des épreuves allant du
jeûne à l'automutilation, afin de favoriser la réussite de leur quête de
pouvoir, de bonne santé, de succès ou de bien-être général. Mandans, Wichitas
et Tonkawas ne la célébraient pas, mais certains de ses éléments
apparaissaient chez les Omahas et les
Pawnees. Arikaras, Assiniboines, Pieds-Noirs, Crows, Gros-Ventres, Hidatsas,
Kiowas, Apaches Kiowas, Crees des Plaines, Poncas, Sarsis, Shoshones de l'Est,
Yanktons, Yanktonais, Santees et quelques Ojibwés des Plaines la célébraient et
les Comanches la célébrèrent au moins une fois (en 1874). Elle atteignit son
plus haut degré d'élaboration chez les Arapahos, les Cheyennes et les
Lakotas.
Finalement, la danse du Regard Fixé sur le Soleil commençait. Les aides du
guide spirituel pratiquaient des incisions dans le dos, la poitrine et les
jambes des danseurs, puis utilisaient ces incisions pour insérer des broches en
bois sous la peau. Selon le choix du danseur, des lanières de cuir cru
reliaient les deux extrémités des broches soit à des crânes de bison qu'il
devait traîner sur le sol, soit au mât cérémoniel, auquel il pouvait être
suspendu. De cette façon, quand un homme «faisait don de son corps ou de sa
chair, il offrait la seule chose qui lui appartenait vraiment» (Chased
by Bears, un Santee-Yanktonais). Durant toute la danse, les participants ne
cessaient de regarder fixement le soleil et de souffler dans leurs sifflets en
os d'aigle. Interrompue seulement par des pauses très brèves, la danse durait des heures et des heures, se
prolongent parfois tard dans la nuit. Elle atteignait son maximum quand les
danseurs, tirant de plus en plus fort sur les lanières et les broches,
finissaient par se libérer en déchirant leurs chairs. Ceux qui y parvenaient en
retiraient un grand prestige. Les autres, ayant perdu connaissance, étaient
aidés par des parentes.
Tous les peuples des Plaines qui pratiquaient la danse du Soleil croyaient
que les souffrances endurées, les sacrifices consentis et les supplications
proférées au cours de cette cérémonie étaient d'excellents investissements puisque,
grâce à eux, la communauté toute entière pouvait espérer obtenir en retour
bonne santé, fertilité et subsistance.
Portrait de « Nuage rouge », chef indien Sioux dans le Dakota du Sud, USA,
29 Décembre 1890
Commerce et diplomatie
Pendant des siècles avant l'arrivée des Européens, les tribus des Grandes
Plaines avaient échangé des marchandises avec les peuples vivant en bordure de
cette région. Des routes commerciales traversaient les Plaines suivant les
cours d'eau et allaient d'un village d'horticulteurs à l'autre. En 1523, des
tribus du Sud, nomadisaient à pied, fréquentaient les villages des Indiens
Pueblos du Sud-Ouest, et dans le Nord, les villages d'horticulteurs de la
vallée du Missouri attiraient les peuples de chasseurs. L'apparition et la
diffusion des marchandises d'origine européenne, des chevaux et des armes à
feu, et l'arrivée de nouvelles tribus sur les Plaines, surtout après 1700,
modifièrent les vieux systèmes commerciaux et altérèrent la dynamique des
relations intertribales. Les routes commerciales ne changèrent pratiquement pas
mais, grâce au cheval, les peuples des Plaines devinrent plus mobiles,
cherchèrent à agrandir leur territoire et empiétèrent de plus en plus sur celui
de leurs voisins, ce qui les conduisit à développer de nouvelles solidarités
militaires chargées d'assurer la protection et la défense de la communauté en
d'agressions préventives. A la fin du XVIIIe siècle, les Crees des
Plaines et les Assiniboines, disposant de chevaux, cessèrent de jouer les
intermédiaires dans la traite des fourrures, au Canada, pour devenir des
cavaliers nomades et des chasseurs de bisons.
Les contacts avec les Européens, qui au début, étaient surtout des Français
et des Espagnols, provoquèrent de nouvelles alliances et de nouvelles
rivalités. Les Français développèrent
leurs activités pour répondre à une demande croissante de fourrure sur
le marché européen. Principales fourrures recherchées : le castor «voyageur»
et «coureur des bois». En échange, ils offraient des pièges, des
vêtements, des perles, de l'alcool et une grande variété d'autres marchandises
d'origine européenne (armes à feu, pemmican et diverses denrées alimentaires).
Pour certains groupes tribaux du Nord, la chasse au bison, devint une activité
commerciale destinée à fournir de la viande séchée aux négociants, d'abord
français et puis anglais. Les Espagnols n'étaient pas seulement mus par des
motifs économiques, mais par la volonté de convertir les Indiens, de les
éduquer et de les intégrer au système colonial espagnol par un processus de «missionnisation».
Ils invitaient ou contraignaient les Indiens du Sud des Plaines à s'installer
autour des missions sur des terres agricoles ou dans des villages à
l'européenne. Étroitement surveillé, le système était moins lucratif pour les
Indiens. Comme l'interdiction de l'usage de l'alcool comme monnaie d'échange,
la limitation des armes à feu et des munitions. C'est pourquoi certains groupes
tribaux du Sud en vinrent à vivre des raids perpétrés contre les villages et
les ranchs des colons espagnols.
Basée sur un
besoin mutuel, la traite des fourrures régissait les rapports entre le Nord et
l' Est des Plaines. Les Indiens apportaient des peaux de castor, bien sûr, mais
aussi du maïs, du pemmican, du riz sauvage, des peaux de bison et de cerf, et
ils recevaient en retour des pièges, des armes à feu, de la poudre et des balles,
des tissus et autres marchandises. Les Français puis les employés de la
Compagnie du Nord-Ouest leur fournissaient de grandes quantités d'alcool coupé
d' eau, mélange que les traiteurs anglophones appelaient «Blackfoot rum»
[rhum pied-noir] : quatre ou cinq litres d'alcool à 180 degrés dilués avec
l'eau nécessaire pour finir de remplir un baril d'une trentaine de litres, qui
pouvait s'échanger contre trente peaux de castor. Les Indiens étaient
d'excellents négociants. Ils étaient
méfiants, refusaient les marchandises de qualité inférieure. Ils mariaient
leurs filles à des coureurs de bois, des «voyageurs», négociants,
contribuant ainsi au développement d'une importante population de métis qui
domine aujourd'hui la vie politique et économique de beaucoup de réserves.
La traite imposa des compromis culturels. Indiens et Européens avaient des
conceptions différentes du commerce et du troc. Les Indiens cherchaient un
échange équitable, et leurs valeurs, leurs idéaux, leurs principes moraux
mettaient l'accent sur la réciprocité et le partage des richesses avec parents
et amis. Le partage était une vertu et la redistribution des biens
définissaient souvent la position sociale. Les Blancs ne songeaient qu'à faire
des profits personnels. L'accumulation de biens et de richesses définissaient,
pour eux, la position sociale. Les Indiens trouvaient les Européens bizarres et
déraisonnables. Ils refusaient de distribuer ce qu'ils possédaient pourtant en
grande quantité et dont les Indiens avaient envie, et ils avaient apparemment
un besoin illimité de peaux de bisons et de castors. Pour les Européens,
c'était l'inverse. Pourquoi distribuer une grande partie de leur stock? C'était
totalement déraisonnable de la part des Indiens de demander cela. Les
négociants européens, puis plus tard américains, étaient des Béotiens grossiers
et avides pour les Indiens.
Dans les Plaines du Sud, beaucoup de villages wichitas devinrent des
centres de traite. Après 1746, quand les fonctionnaires espagnols interdirent
aux Comanches l'accès aux poste de traite de Taos et de Santa Fe, dans la haute
vallée du Rio Grande, les Comanches se hâtèrent de conclure un accord de paix
avec les Wichitas, ce qui leur permis de se procurer des marchandises
françaises dans les vallées de l'Arkansas et de la Red River. Vers 1750,
lorsque les Wichitas eurent fait la paix avec les Pawnees et contribué à la
conclusion d'un accord entre les Pawnees et les Comanches, les activités de
leurs villages se développèrent encore. De plus, avec leurs huttes agglutinées derrière
leurs palissades percées de meurtrières, ces villages étaient de véritables
forteresses. Ainsi, les Wichitas, les Comanches et les Français commercèrent en
toute harmonie : des peaux, du suif, de la graisse, des produits agricoles, des
chevaux, de la viande séchée et des esclaves captifs contre des marchandises
fabriquées en Europe. De leur coté, les Espagnols firent feu de tout bois,
s'efforçant de contrôler les Plaines du Sud, d'imposer sa domination aux Nortenos
(Nations du Nord) et de repousser les
Français, mais sans succès. Les divers groupes apaches, plus particulièrement
les Lipans, empêchaient la création d'établissements espagnols en bordure d'une
Apacheria (territoire apache) en perpétuelle expansion. Puis, sous la
pression des bandes comanches, les Lipans se déplacèrent vers les territoires
revendiqués par le roi d'Espagne, au Texas, bloquant la progression des
Espagnols dans cette région, terrorisant leurs missions, attaquant
sporadiquement leurs établissements et mobilisant leurs troupes. Enfin, les
Comanches ennemis redoutables et plus encore, arrivèrent sur les talons des
Lipans et s'avancèrent jusqu'au cœur du Texas. Quand les Espagnols jouèrent un
groupe contre un autre, ils subirent des désastres des deux côtés. En 1745, une
bande d' Apaches Lipans se rendit à San Antonio pour demander l'installation d'une mission susceptible de
leur offrir une protection contre les incursions des Comanches. Quatre ans plus
tard, le traité d' Alamo Plaza officialisa la création d'une telle mission et
les Espagnols construisirent en 1757, après quelques retards (emplacement et
financement), la mission San Saba de la Santa Cruz (ville de Menard Texas
actuellement), en plein cœur de l' Apacheria, associée à un fort (presidio) à
proximité. Les Apaches Lipans arrivèrent en grand nombre, mais ils ne restèrent
pas très longtemps car l'alliance hispano-apache avait contrarié les Comanches
et leurs alliés les Wichitas. Un seul leader lipan, El Chico, manifesta son
intention de demeurer à la mission, mais la plupart des autres, dont
Casablanca, leur chef suprême, voulaient prendre leur revanche sur les
Comanches ou, au contraire, craignaient une attaque. En effet, les Comanches
conduit par leur puisant chef Cuerno Verde, et les Wichitas, conduit par Grand
Sol, un Taovaya, soumirent les positions espagnoles à des attaques répétées,
réduisant encore la capacité de l'Espagne à contrôler le Sud des Grandes
Plaines.
A cette époque, la présence française sur les Plaines était déjà
considérablement réduite. À cause de la guerre de sept ans (1756-1763), le
dernier des grands conflits franco-anglais pour la suprématie coloniale,
beaucoup de «voyageurs» et de coureurs de bois avaient quitté les
Plaines du Nord et étaient retournés dans l'Est pour participer à la défense du
bas-Canada. Aussi, la traite française était fortement moribonde dans le Nord.
La fin de la guerre et le traité de Paris allaient lui porter le coup fatal.
Dans le Sud, les traiteurs français opérant depuis la Basse-Louisiane
poursuivirent leurs activités après 1763, mais sous le contrôle des autorités
espagnoles.
Dans les années 1770, l'Espagne s'efforça une fois encore de faire la paix
avec les Indiens du Sud des Plaines. En 1779, le gouverneur du Texas négocia un
accord avec les Tonkawas et, à leur demande, reconnut El Mocho comme chef
suprême. Il eut plus de difficultés avec des leaders lipans comme Roque, El
Jojoyoso, Josef Chiquito et Manteca Mucho, qui voulaient combattre les Tonkawas
et attaquer les Comanches et les Wichitas qui se présentaient à San Antonio.
Les Apaches Lipans chassaient le bison au nord et à l'ouest de la ville,
volaient du bétail dans les ranchs espagnols et lançaient des raids contre les
campements comanches. Quand les Comanches répliquaient, les Lipans cherchaient
à se venger, etc. Finalement, le gouverneur et les Comanches conclure une
trêve, à San Antonio en 1785, dit «Traité du Texas». En réalité, ce
traité eut peu d'effets, les jeunes guerriers continuant le combat. Le traité
du Pecos fut plus durable. En 1786, à Pecos Pueblo, une communauté d'Indiens
Pueblos de la haute vallée du Pecos, en bordure des Plaines, Juan Bautista de
Anza et Ecueracapa, un chef comanche «distingué tout autant pour son adresse
et son intelligence que pour son habilité et sa valeur au combat», négocièrent
un accord, mais le conclurent seulement après qu' Ecueracapa eut assassiné Toro Blanco, leader comanche
opposé à la paix. Alliance militaire et commerciale d'une portée considérable,
le traité de Pecos instaurait une paix entre les Comanches de l' Ouest et les
établissements du Nouveau-Mexique, appelait à une guerre commune contre les
Apaches, et autorisait les Espagnols à étudier le tracé d'une route devant
relier Santa Fe à San Antonio. Il autorisait également les «comancheros»,
principalement des Pueblos et des Hispaniques du Nouveau-Mexique, et les «ciboleros»,
des chasseurs de bison, à parcourir les Plaines avec leurs charrettes à
deux roues, tirées par des bœufs, pour commercer et chasser. Les
Comanches signèrent un accord de paix en 1790. Cette alliance se consolida
quelques années plus tard, quand Roncon,
un leader Kiowa, épousa la fille du chef des Comanches Yamparikas, et cette
alliance permit aux Comanches d'accroître leur domination sur les Plaines du
Sud.
Entre-temps, dans le Nord, des négociants britanniques avaient occupé
plusieurs postes de traite abandonnés par les Français. Les Crees des Plaines
et les Assiniboines étant devenus des chasseurs de bison, depuis l'acquisition
de chevaux, les négociants avaient été contraints de chercher de nouveaux
partenaires, comme les Pieds-Noirs et les Gros-ventres. Un peu plus au sud,
dans la moyenne vallée du Missouri, les villages des Hidatsas, des Mandans et
des Arikaras étaient devenus des centres de traite importants. Les Lakotas
attaquaient fréquemment les villages mandans, et les Cheyennes venaient de l'ouest pour faire
du troc avec les Hidatsas. Les Mandans possédaient peu de chevaux et encore
moins d'armes à feu. Le chef Big White Man, appréciait la traite, car elle
permettait à son peuple de se doter de fusils et de munitions.
Les raids ennemis n'étaient pas le seul problème auquel étaient confrontés
les Indiens des Plaines. Les maladies introduites par les Européens, surtout la
variole, la rougeole et la rubéole, causèrent dans le dernier quart du XVIIIe
siècle une diminution massive des populations autochtones. La terrible épidémie
de variole de 1780-1781 entraîna la mort d'environ deux tiers des Chipewyans,
un peuple «de l'orée des forêts» qui avait été le groupe athapascan le
plus nombreux et le plus puissant du Canada. Les Crees des Plaines et leurs
alliés les Assiniboines, qui ne cessaient de combattre les Pieds-Noirs,
profitèrent du lourd tribu payé par ces derniers à la variole pour s'implanter
de façon définitive sur les Grandes Plaines.
À la suite de la cession de la Louisiane aux États-Unis par Napoléon Ier,
en 1803, des chasseurs-négociants américains firent leurs apparitions sur les
Plaines. Dans le Sud, les Comanches et leurs alliés les Wichitas étaient
toujours en position dominante. Beaucoup de bandes comanches et wichitas
participaient régulièrement à de grands rassemblements de traite qui se
tenaient à San Antonio. Toujours en guerre contre les Apaches Lipans, les
leaders comanches, dont leur chef
Yzazet, essayaient de maintenir la paix avec les Espagnols. Pourtant, en
1807, les conditions ayant changées, une délégation de leaders wichitas et des
Comanches conduits par le chef Cordero se présentèrent à Natchitoches
(Louisiane) pour y rencontrer des agents américains et leur faire savoir qu'ils
désiraient traiter avec eux. Dans le Nord, les chasseurs-négociants américains
trouvèrent les Plaines sous domination des Lakotas et des Pieds-Noirs. Les
Lakotas contrôlaient la plus grande partie
de la vallée du Missouri et les accès aux territoires de chasse situés dans le
secteur de la haute vallée de la Platte. Les Pieds-Noirs contrôlaient l'accès
aux postes de traite britanniques installés sur les Plaines canadiennes, mais
aussi ceux de la Compagnie Américaine des Fourrures établies dans la haute
vallée du Missouri et les vallées de ses affluents (Fort Union et Fort
MacKenzie).
Ce fut le succès de l'expédition (1804-1806) conduite par
Meriwether Lewis et William Clark qui ouvrit les Grandes Plaines aux
américains. Il en résultat un vif intérêt pour l'Ouest du continent
et ses habitants, ainsi que les possibilités de développement économique qu'il
offrait.
Tipis shoshones à the Wind River Montagnes du Wyoming, photographed by W. H. Jackson, 1870 |
Pendant plus d'un demi-siècle, scientifiques, chasseurs, trappeurs,
négociants, aventuriers, explorateurs, militaires, peintres, enseignants,
missionnaires, trafiquants de whisky, etc., parcoururent les Plaines et
entretinrent avec les Indiens des relations suivies. Puis, des colons
s'établirent sur la bordure orientale des Plaines, d'autres s'avancèrent à
l'intérieur même du «Territoire Indien» (créé en 1830, à l'emplacement
actuel des États du Nebraska, du Kansas et de l'Oklahoma). Dans un premier
temps, les Indiens se montrèrent amicaux, hospitaliers et pacifiques, à
quelques exceptions près, mais les conflits et les frictions se multiplièrent
au même rythme que l'accroissement de la présence blanche. Quand des
troubles se produisaient entre Indiens et Blancs, le gouvernement des
États-Unis envoyait des troupes fédérales punir les Indiens, si nécessaire, et
impressionner les leaders par l'importance de leurs effectifs et leur puissance
de feu.
En 1823, le colonel Henry Leavenworth et 220 hommes de son sixième régiment
d'infanterie quittèrent Council Bluffs (Iowa actuel) et remontèrent le
Missouri. Des trappeurs avaient été attaqués et stoppés par les Arikaras et
avaient perdu 13 hommes. Leavenworth projetait de forcer le passage à travers
les villages arikaras situés le long du Missouri, une dizaine de kilomètres en
amont du confluent avec la Grand River (Dakota-du-Sud actuel). Négociants et
bateliers vinrent renforcer sa troupe et, espérant également porter un mauvais
coup aux Arikaras, des guerriers lakotas et yanktons se joignirent à tout ce
beau monde. Au mois d' août, 1100 hommes attaquèrent les villages, mais très
vite, Leavenworth réussit à convaincre les leaders arikaras de conclure une
trêve. Mais cette décision déclencha la colère et la haine des trappeurs,
négociants, bateliers et autres, qui incendièrent les villages arikaras, dès
que la troupe fédérale eut regagné Council Bluffs. Leavenworth croyait que la
valorisation de l'armée américaine passait par l'estime des habitants de ces
contrées et non pas par la démonstration de force. Et que, la destruction des
villages engendraient de nouveaux troubles. Ses supérieurs (également les
trappeurs) craignirent toutefois qu'en l'absence d'une puissante démonstration
de force militaire, Arikaras et Lakotas
n'attaquèrent les Blancs traversant la vallée du Missouri. En conséquence, le colonel Henry Atkinson
remonta le Missouri, en 1825, à la tête d'une «commission de paix» forte
de 476 hommes et 8 bateaux à quille. Il fit montre de sa force, fit tirer le
gros canon transporté sur l'une des embarcations.
Ensuite, il prit part en compagnie de Benjamin O' Fallon, agent des affaires
indiennes et plénipotentiaire du gouvernement fédéral, aux conseils réunis par
divers groupes tribaux du bassin du Missouri. Atkinson et O'Fallon conclurent
successivement neuf traités, autant de déclarations d'amitiés qui affirmaient
la nécessité pour les trappeurs d'obtenir une autorisation, prévoyaient la
restitution des marchandises volées et l'arrestation des négociants non américains. Child Chief,
pour les Poncas, Black Bear, pour les Yanktons, Little Moon, pour les
Cheyennes, Long Hair, pour les Crows, Bloody Hand, pour les Arikaras, Standing
Buffalo, pour les Lakotas Oglaglas, Little White Bear, pour les Lakotas
Hunkpapas, ainsi que des leaders yanktonais, mandans et hidatsas, signèrent ces
traités. Espérant négocier avec les Pieds-Noirs, Atkinson remonta le Missouri
(sur plus de 200 kilomètres en amont du confluent avec la Yellowstone) mais, ne
réussissant pas à prendre contact avec les leaders, il fît demi-tour. De retour
à Fort Atkinson, O' Fallon et lui signèrent des traités avec Only Chief et Big
Female, pour les Otos et les Missouris, Bad Chief et Sun Chief, pour les
Pawnees, et Big Elk, pour les Omahas.
Au milieu des années 1830, le gouvernement américain avait réussit à
étendre son autorité, de manière effective mais avec certaines restrictions,
sur bon nombre de peuples des Plaines, horticulteurs et chasseurs. Il y était
parvenu en traçant des pistes, en construisant des forts, en menant des
opérations militaires et en nommant des commissions de paix, mais également
grâce à l'aide de négociants expérimentés. En réponse à ces actions, plusieurs
groupes indiens avaient accepté de protéger les routes commerciales et
quelques-uns, dont les Santees, avaient même accepté des réductions de leur
territoire de chasse.
Le gouvernement américain avait beaucoup plus de mal à contrôler les
hostilités entre communautés indienne. Des partis de guerriers se
constituaient, lançaient des raids, puis se dispersaient avant même que les
agents du Bureau Indien ou les officiers de l' armée n'aient connaissance de
leurs existences. Les Comanches, par exemple, qui en signant le traité de Camp
Holmes 1835, s'étaient pourtant engagés à ne pas s'en prendre aux groupes
indiens de la bordure orientale des Grandes Plaines, lançaient des raids
jusqu'au cœur du Texas, encore province mexicaine. Les premiers raids visant
des établissements américains, alors que les texans luttaient pour leur
indépendance. Au cours de l'un de ces raids les plus destructeurs, survenu en
mai 1836, un parti de Comanches et de Kiowas attaqua Parker's Fort, situé à
l'est de la rivière Brazos, près de Groesbeck actuellement, tua la plupart des
occupants et emmena quelques captifs dont la jeune Cynthia Ann Parker, neuf
ans, qui grandit chez les Comanches Quahadas, épousa un futur chef et donna le
jour à Quanah, le plus célèbre chef des Comanches. De même, les Lakotas
Oglaglas et Brûlés dans la vallée de la
Platte chassèrent les Pawnees. Ils devinrent ainsi, la plus grande menace pour
les Américains du Nord des Grandes Plaines, surtout à l'ouest des Blacks Hills.
Mais à la fin des années 1830, l'évènement le plus
important du Nord des Grandes Plaines fut le retour des épidémies —
principalement, une fois encore, de la variole. Apportée par l'équipage d'un bateau à vapeur de la Compagnie
Américaine des Fourrures qui remontait le Missouri, la maladie
frappa en 1837, les Arikaras, les Mandans et les Hidatsas. On estime que les
Arikaras et les Hidatsas devaient être alors 4 500 au total. En quelques
semaines, plus de la moitié périrent. Quant aux Mandans, estimés à 1 600 ou 1
700, 138 seulement survécurent. Chez les Yanktonais voisins, on recensa 400
décès. Puis remontant le Missouri, l'épidémie balaya tout le Nord jusqu'au
Canada : Assiniboines, 4000 morts sur 8000, Pieds-Noirs, dans l'ouest du
Montana, 7 à 8 000 morts, Crows, 1 000 décès, la moitié de leur population,
etc. Des négociants transportèrent la maladie dans le sud, contaminant les
Kansas, les Omahas et les Osages. Enfin, au cours de l'hiver 1839-1840, Kiowas,
Apaches Kiowas, Cheyennes, Arapahos et Comanches, furent atteints à leur
tour. 1837-1840, est l'une des épidémies
la plus importante subit par les Grandes Plaines.
Ces épidémies et l'augmentation de la présence blanche altéraient les
dynamiques géopolitiques. Les troupeaux de bisons se déplaçant vers l'ouest et
la diminution des territoires de chasse modifièrent les relations. Aussi, de
nombreux groupes tribaux conclurent des alliances qui modifièrent les relations
intertribales, instaurant la paix pour certains groupes, mais en isolant d'autres
qui eurent de plus en plus recours à la protection des troupes fédérales.
Dans le Nord, la puissance grandissante des Lakotas était l'élément
déterminant d'un nouvel équilibre des forces. Ils avaient négocié des alliances
avec les Cheyennes du Sud (appelés parfois Cheyennes à moitié Sioux), les
Cheyennes du Nord et les Arapahos du Nord; puis ils signèrent avec les
Yanktonais et plus tard, certains Assiniboines. Durant les années 1840, 7 000
Oglaglas et Brûlés gagnèrent Fort Laramie et la haute vallée de la North
Platte, pour se rapprocher des troupeaux. Les Pawnees voulurent récupérer leur
territoire, mais affaiblis par les différentes épidémies, ils durent s'enfuir
pour éviter les raids de leurs ennemis. Plus tard, le gouvernement américain
les obligera à retourner dans la vallée de la rivière Loup, où de nouveau, ils
seront les victimes des raids lancés par les Lakotas et les Cheyennes. Les
Métis canadiens s'invitaient sur le territoire des Yanktonais (à l'est du
Missouri), tuant des milliers de bisons pour leurs peaux qu'ils vendaient aux
agents de la Baie d' Hudson. Grâce à l'alliance signée avec les Lakotas, qui
les libéraient, les Yanktonais purent résister dans un premier temps, puis
finirent par s'opposer aux Métis. Cheyennes et Arapahos, libérés eux aussi par l'alliance avec les Lakotas,
poursuivirent leurs objectifs : maintenir les Pawnees dans les basses vallées
de la Platte et de la Loup et se défendre efficacement contre les Crows. De
plus, vivant de part et d'autre du cours supérieur de la North Platte, une des
principales voie d'accès à l' Extrême-Ouest, Cheyennes et Arapahos avaient un
grand besoin de stabilité intertribale pour s'adapter au flux croissant
d'immigrants qui traversaient les Plaines. En 1837, 4 000 Assiniboines sur les 8
000 vivants, étaient morts de la variole et les survivants souhaitaient la
paix. Plus de guerriers en nombre suffisant pour mener à bien des raids de
vengeance ou pour se défendre, Ils finirent par se scinder en deux groupes : un
qui fit la paix avec les Yanktonais et l'autre avec les Gros-Ventres, les
ennemis héréditaires.
Dans le Sud, les problèmes étaient plus complexes, mais à partir de 1840,
les groupes nomades se décidèrent à essayer de faire la paix entre eux. Les
Cheyennes du Sud avaient pour but de se procurer davantage de chevaux,
d'accéder plus facilement aux territoires de chasse situés au de la rivière
Arkansas, de mettre un terme à la guerre qui les opposaient aux Kiowas, depuis
1837, suite à un raid meurtrier kiowa kaitsenko mené par le brillant leader
Satank. 48 Cheyennes de la Bow String Society avaient été tué, dévêtu et
scalpé. Une année plus tard, cherchant à se venger, un parti de guerriers
cheyennes comprenant le jeune Black Kettle (futur chef célèbre) attaqua un
grand campement kiowa à Wolf Creek. Les Cheyennes tuèrent une cinquantaine
d'hommes et de femmes, mais ne réussirent pas à s'emparer du campement et
perdirent deux de leurs leaders, Gray Thunder et Gray Hair, et un certain
nombre de guerriers importants. Aussi, faire la paix permettait aux Cheyennes
de se procurer des chevaux en commerçant avec les Kiowas, et de lancer des
raids contre les Pawnees, leurs ennemis jurés qui, en 1830, s'étaient emparés
du sac contenant les flèches sacrées. De leur côté, les Kiowas voulaient pouvoir
accéder plus facilement à Bent's Fort, poste de traite situé sur l'Arkansas
(Sud-Est du Colorado) en territoire cheyenne. Les Arapahos n'avaient plus très
envie de combattre les Kiowas, surtout depuis la dernière épidémie de variole
qui, avait décimée leur population. Le désir de paix des Comanches découlait de
la menace grandissante de la toute jeune république du Texas (28e État
de l'Union en 1845). Les Comanches Penatekas, maîtres des raids fructueux
contre le Texas, avaient subi un revers majeur à San Antonio en mars 1840. 12 leaders penatekas, dont le
grand Mugara (Esprit-Qui-Parle) et 53 guerriers, tous avec femmes et enfants,
s'étaient présentés dans la capitale texane pour parler de paix. Lors de la
réunion avec les autorités texanes, dans la Maison du Conseil (Council House),
une violente échauffourée avait éclaté. Les 12 leaders avaient été tués et les
Texans avaient capturé la plupart des autres Comanches. Ce fut un choc et un
outrage qui avaient causé une grande
tristesse et provoqué des raids de représailles audacieux. Si les Comanches
voulaient faire la guerre aux Texans, ils devaient faire la paix avec les
Cheyenne. Le résultat fut un grand conseil de paix tenu sur les bords de
l'Arkansas, plusieurs kilomètres en amont de Ben's Fort. 5 000 Indiens et plus
de 8 000 chevaux se trouvèrent
rassemblés là. Les leaders de chacune des tribus (Comanches, Cheyennes, Kiowas
Apaches Kiowas) conclurent un pacte d'amitié solide quoiqu'incomplet.
Quelques années plus tard, la guerre entre le Mexique et les États-Unis
(1846-1848), puis la ruée vers l'or de la Californie (1849) marquèrent pour les
Indiens des Plaines le début d'une période de bouleversements. Quand, en
1846, Stephen Watts Kearny, un officer capable et expérimenté, conduisit ses
troupes jusqu'à Santa Fe, à travers les Grandes Plaines, les leaders des peuples
du Sud furent surpris. Kearny fit halte à Bent's Fort où les Indiens présents
purent voir ses 1 700 soldats, ses 20 000 chevaux et mules, ses dizaines de
chariots bâchés qui s'étiraient sur plusieurs kilomètres le long de l'Arkansas.
Yellow Wolf, le chef cheyenne, et d'autres Indiens s'inquiétèrent en constatant
l'énormité de la présence blanche, et en réalisant qu'ils ne pourraient fournir
aucune réponse adéquate à ce problème.
Plus au nord, 45 000 émigrants en route vers la Californie empruntèrent la
vallée sablonneuse de la Platte au cours de l'été 1849. A la fin de cette
migration estivale, la vallée était dénudée et poussiéreuse. Les arbres avaient
été coupés, chevaux, mules et bœufs avaient rasé l'herbe. Les milliers de
Mormons qui avaient emprunté la rive nord pour gagner le Territoire de l'Utah,
avaient encore accru les dévastations.
Toujours plus nombreux, les Blancs faisaient fuir le gibier et détruisaient
les sols où les Indiens avaient l'habitude d'extraire des racines comestibles.
Au début des années 1850, l'utilisation intensive de la piste de Santa Fe, pour
gagner le Nouveau-Mexique, et de la piste de l'Oregon, qui remontait la vallée
de la Platte, partageait désormais les Grandes Plaines en trois, perturbant les
migrations des troupeaux de bisons, et l'existence des Indiens des Plaines.
Les États-Unis avaient besoin d'une nouvelle politique indienne. Des
prairies de l' Ouest du Minnesota aux collines du Centre du Texas, les Blancs
s'avançaient en foule vers les Plaines, laissant de moins en moins de place aux
Indiens. En outre, les vastes territoires récemment conquis sur le Mexique
devaient être colonisés, ce qui signifiaient plus de militaires, de muletiers,
de rouliers, de cultivateurs, d'éleveurs traversant les Plaines du Sud ou s'y
établissant, et qu'il fallait construire des postes militaires. Divers projets
avaient vu le jour dans les années 1840. C'est celui de Luke Lea, commissaire
aux Affaires indiennes, qui fut retenu en novembre 1850; il proposait que les
peuples nomades des Plaines, «nos tribus les plus sauvages», comme il
les appelait, soient «placées là où ils pourraient être contrôlés», sur
un territoire permanent «d'étendue limitée, aux frontières bien définies».
Le Congrès vota pour ce projet et, en février 1851, l' Indian
Appropriation Act entérinait une politique de regroupement et débloquait un
budget de 100 000 dollars pour négocier une série de traités.
Thomas Fitzpatrick fut chargé d'appliquer cette nouvelle politique. Connu
des Indiens sous le nom de «Broken Hand» (Main Cassée), il
invita un grand nombre des peuples de chasseurs de bison à un «grand conseil»
près de Fort Laramie (actuellement au Wyoming). À l'été 1851, près de 10 000
Indiens (le plus grand rassemblement connu à ce jour) appartenant à neuf
groupes tribaux différents répondirent à cette invitation. Craignant le vol de
leurs grands troupeaux de chevaux, Comanches et Kiowas avaient préféré décliner
l'invitation.
Pour les Indiens des Plaines, le conseil en lui-même -le fait de se réunir-
était l'essentiel, le traité était secondaire. Pour le gouvernement fédéral et
ses représentants, c'était au contraire le traité, signé en fin de conseil, qui
importait par-dessus tout; le conseil servant uniquement de préliminaire. Pour
les Indiens, un conseil devait inclure certains agissements ritualisés :
échanger des présents, fumer le calumet. Fumer le calumet, le rituel le plus
ordinaire, était une façon de s'engager sur l'honneur à ne dire que la vérité
pendant les discussions qui allaient suivre. L'échange de présents, quand à
lui, servait de prélude au marchandage. Les Blancs au contraire, comme à Horse
Creek, plaçaient sous bonne garde des montagnes de marchandises et s'en
servaient pour soudoyer leurs interlocuteurs et précipiter les négociations,
car tous les présents n'étaient distribués qu'après la signature du traité.
Pour les Indiens, un conseil incluait invariablement des festivités et des
danses. Même s'ils trouvaient cela idiot, ou du moins superflu, les
représentants des Indiens finissaient par signer le traité, un texte qu'ils ne
comprenaient (peut-être) pas et jugeaient (certainement) inutile, mais qu'ils
savaient être important pour les Blancs, un rite de Blancs. Plus tard, des
changements se produisirent, mais le recours au conseil demeura tout de même
une institution diplomatique tout au long de la seconde moitié du XIXe
siècle.
À Horse Creek, les participants signèrent, le 17 septembre 1851, le
traité de Fort Laramie. Cet accord reflétait parfaitement la volonté des
autorités fédérales de regrouper les Indiens à l'écart des grandes voies de
communication et d'établir la paix entre les différents groupes tribaux. Les
Indiens reçurent des présents, des primes et des promesses, dont l'engagement
de verser une rente annuelle de 50 000 dollars pendant cinquante ans (durée que
le Sénat ramena à dix ans). Les 21 leaders, représentant huit groupes tribaux,
qui avaient signé le traité, s'étaient engagés à ce que leurs guerriers
n'attaquent pas les voyageurs, les convois de chariots et les diligences
traversant leurs territoires. Mais, le plus important, était qu'ils avaient
accepté que leurs territoires respectifs soient délimités. Les Lakotas avaient
obtenu toutes les terres s'étendant au nord de la Platte et à l'ouest du
Missouri. Mandans, Gros-Ventres et Arikaras s'étaient vu attribuer des
territoires situés à l'est de la basse vallée de la Yellowstone, les
Assiniboines devaient s'installer à l'ouest de cette même vallée, et les Crows
à l'ouest de la vallée de la Powder. Cheyennes et Arapahos conservaient la
partie occidentale des Grandes Plaines s'étendant entre la les rivières North
Platte et Arkansas, et les Shoshones obtinrent par la suite des terres dans la
région de la Wind River (actuel Wyoming). Pawnees, Omahas, Poncas, Otos et
Missouris n'avaient pas été invité s par Fitzpatrick au grand conseil de Fort
Laramie. Pour obtenir une paix durable, cette stratégie s'avérait risquée. Ces
quatre peuples semi-sédentaires restaient toujours sous la menace de raids
perpétrés par les Lakotas.
De plus, les Cheyennes, sous la conduite de leur chef Rides On Clouds,
étaient toujours en colère contre les Pawnees, et plus particulièrement des
Skidis, menés par leur chef Big Fatty (vol de leurs flèches sacrées survenu en
1830).
En 1853, les Indiens des Plaines du Sud signèrent le traité de
Fort Atkinson. Fitzpatrick rencontra les Comanches et leurs alliés, Kiowas
et Apaches Kiowas, à Fort Atkinson, sur les bords de l'Arkansas (actuellement
Dodge City). L'accord fut signé le 27 juillet, dans de grandes difficultés. Il
reprenait sensiblement les mêmes promesses que le traité de Fort Laramie :
présents et primes; rente annuelle de 18 000 dollars pendant dix ans;
autorisation accordée aux Blancs à emprunter la piste de Santa Fe et
délimitation des territoires indiens. Conduits par Shaved Head, les Comanches
promirent de rester au sud de la rivière Arkansas. Les Kiowas, conduits par
Little Mountain et Satank, leur chef de guerre, et les Apaches Kiowas, conduits
par Poor Wolf, acceptèrent de rester dans la région située à proximité de la
rivière Arkansas et à l'ouest de la grande boucle, formée par ladite rivière.
Tous s'engagèrent également à ne plus effectuer des raids vers le Mexique. Deux
ans plus tard, les Pieds-Noirs signèrent avec Isaac Stevens, le gouverneur du
Washington Territory, le traité de Judith, qui prévoyait le versement d'une
rente annuelle de 20 000 dollars pendant dix ans et 15 000 dollars par an pour
instruire les jeunes Pieds-Noirs dans les écoles construites par le
gouvernement fédéral. Représentés par Lame Bull, Mountain Chief et Low Horn,
pour les Piegans, Feather et White Eagle, pour les Bloods, et Three Bulls, pour
les Siksikas, les Pieds-Noirs acceptèrent un territoire restreint autour du cours
supérieur du Missouri, dans l'ouest du Montana actuel, l'installation de postes
militaires, et le libre passage des voyageurs et des immigrants sur leurs
terres. Crows et Shoshones invités, ne s'étaient pas déplacés. Pour les
Pieds-Noirs, cette absence des Crows était importante. Seen From Afar, chef des
Bloods, craignaient que le traité n'apportent pas la paix entre les Pieds-Noirs
et leurs ennemis héréditaires. «Que les jeunes ne soient pas convaincus
qu'ils ne devaient pas continuer à guerroyer contre les Crows». Si
les leaders les plus âgés étaient désireux d'établir la paix, ils ne pourraient
pas réfréner l'esprit de compétition des jeunes guerriers qui, pour améliorer
leur position sociale, avaient besoin d'obtenir des succès à la chasse et à
l'occasion de raids.
À partir de 1853, George W. Manypenny, le commissaire aux Affaires
indiennes, avait commencé à négocier des traités restreignant la superficie des
terres allouées à certains groupes tribaux dans le Nord du Territoire Indien
(Kansas actuel) ou même prévoyant leur déplacement vers le sud (Oklahoma
actuel). Signés avec les Delawares, les Iowas, les Kaskaslias, les Kichapoos,
les Missouris, les Otos, les Shawnees, etc. Les «traités Manypenny»
les dépouillèrent de six millions d'hectares. Leurs nouvelles réserves
totalisant environ six cent mille hectares seulement. Ce fut la liquidation de
la partie nord des Territoires Indiens.
Au milieu des années 1850, l'univers des Indiens des Plaines subissaient
des changements dramatiques. Dans le Nord, les Ojibwés, chassés de la majeure
partie du Wisconsin et du Minnesota, vers les forêts canadiennes du Manitoba,
repoussaient les Crees en direction de l'ouest et harcelaient les Métis de la
Rivière Rouge. Les quatre divisions des Santees regroupées sur une réserve,
située dans la haute vallée de la rivière Minnesota (traité de Traverse des
Sioux, 1851), repoussaient les Yanktons et les Yanktonais en direction du
Missouri. Plus au sud, des évènements similaires se produisaient. Soumis à la
pression des colons blancs, des groupes tribaux semi-sédentaires de l'Est des
Plaines empiétaient sur les territoires des nomades de l' Ouest. Devenant de
plus en plus difficile de trouver des bisons, de jeunes guerriers lançaient des
raids contre leurs ennemis indiens et les Blancs. Ainsi, Pawnees et Lakotas
continuèrent de s'affronter férocement et les autorités fédérales réagirent en
ordonnant de nouvelles opérations militaires.
Au milieu des années 1850, les Indiens des Plaines se
retrouvaient le dos au mur. Affamés et voyant leurs sources de nourriture
s'épuiser, assaillis de toutes parts et confrontés à une présence blanche de
plus en plus oppressante, mourants et décimés par des maladies mystérieuses,
exaspérés, ils parcouraient leurs territoires de chasse, qui rétrécissaient
comme une peau de chagrin, sans se soucier des limites, ni des frontières.
L'U.S. Army, de plus en plus sollicitée par les colons, ripostait. Il s'en
suivit une longue décennie de guerres qui allaient transformer les nomades
chasseurs de bisons en résidents sédentaires de réserves gérées par le
gouvernement fédéral.
A suivre...
Extraits de:
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