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André Larané
André Larané
06/11/2016
Une représentation très actuelle de la fin de vie
3 novembre 2016 : le cinéaste catalan Albert Serra a paraît-il ébloui le public de Cannes avec La mort de Louis XIV. Le souverain à l'agonie est incarné par Jean-Pierre Léaud, qui fut en d'autres temps l'acteur fétiche de François Truffaut...
Applaudi au festival de Cannes et encensé par les critiques, La mort de Louis XIV ne laisse pas indifférent (à condition de résister à l'endormissement pendant les deux heures de la projection !).Le film est un huis clos dans la chambre du Roi-Soleil, une chambre aux teintures cramoisi, plutôt petite et encombrée, seulement éclairée par des bougies. Jean-Pierre Léaud, dans le rôle de l'agonisant, est tout à fait remarquable de vérité et d'émotion, à la fois digne dans la souffrance et résigné.
Autour de son lit tournent trois ou quatre médecins, dont son médecin personnel Fagon et son chirurgien Maréchal. Un charlatan de Marseille fait une apparition avec une potion prétendûment miraculeuse. Les uns et les autres s'en tiennent à de discrets conciliabules.
Hormis ces personnages et un ou deux valets, nous entrepercevons quelques courtisans et l'épouse du roi, Mme de Maintenon.
Un acharnement thérapeutique anachronique
Disons-le tout net : le réalisateur s'est inspiré des Mémoires de Saint-Simon (tome 12, chapitre 15) mais il n'a retenu que des aspects mineurs de l'agonie royale (le remède du charlatan, le biscuit trempé dans le vin d'Alicante, l'autopsie post-mortem...). Il s'est écarté du texte quant à l'essentiel : la vie de cour et le sens de la mort au XVIIe siècle.Plus important que tout, le roi était pieux, dans une époque très imprégnée de religiosité. Et à tout moment, la religion et la foi sont présentes autour du roi.
Voilà deux scènes significatives que nous livre Saint-Simon, où le roi dit à Mme de Maintenon qu'elle le rejoindra bien assez vite et à deux valets qu'ils ont tort de pleurer car il est en âge de mourir : Le mercredi 28 août, il fit le matin une amitié à Mme de Maintenon qui ne lui plut guère, et à laquelle elle ne répondit pas un mot. Il lui dit que ce qui le consolait de la quitter était l'espérance, à l'âge où elle était, qu'ils se rejoindraient bientôt. Sur les sept heures du matin, il fit appeler le P. Tellier, et comme il lui parlait de Dieu, il vit dans le miroir de sa cheminée deux garçons de sa chambre assis au pied de son lit qui pleuraient. Il leur dit: « Pourquoi pleurez-vous? est-ce que vous m'avez cru immortel? Pour moi, je n'ai point cru l'être, et vous avez dû, à l'âge où je suis, vous préparer à me perdre. » (Saint-Simon).
Dans ses dernières journées, le roi attend avec résignation le moment où il partira vers son Créateur : Un jour qu'il revenait d'une perte de connaissance, il demanda l'absolution générale de ses péchés au P. Tellier, qui lui demanda s'il souffrait beaucoup. « Eh! non, répondit le roi, c'est ce qui me fâche, je voudrais souffrir davantage pour l'expiation de mes péchés. » (Saint-Simon).
Rien de tout cela n'apparaît dans le film d'Albert Serra.
On dit ce cinéaste prompt à braver les codes et les conventions. Mais il se montre ici incapable de s'évader des schémas de pensée actuels qui font de la mort, même à un âge avancé, un scandale contre lequel on se doit de lutter de toutes les façons possibles.
Son malade, silencieux, solitaire et soumis à ses médecins, ressemble lui-même davantage aux patients en fin de vie de nos hôpitaux qu'au monarque encore plein de lucidité décrit par Saint-Simon.
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