Tous les matins du monde

Tristan Kamin

Commentaire : pour que notre petit déjeuner soit bon pour le Climat, financièrement économique et toujours savoureux. Passionnant.
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Vous l'avez remarqué, ça caille. Il y aurait comme qui dirait une vague de froid. Or, vous le savez probablement, la thermosensibilité du système électrique français est élevée. Notre consommation électrique dépend beaucoup de la température. Résultat, depuis deux semaines, la consommation a une petite tendance à la hausse. Soyez observateurs, c'est pas très visible.



@eCO2mixRTE

Oh, parenthèse mesquine. Vous vous souvenez que, le week-end dernier, je saluais les records de l'éolien ? Bah, c'était en plein creux de consommation. Et pendant cette semaine, face à l'envolée de la consommation ? Dans le jargon, on dit « bah ». Fin de parenthèse mesquine. Parlons surtout d'aujourd'hui,.


@eCO2mixRTE 


L'intervalle 4h-8h du matin sera notre référence

Avec cette fichue thermosensibilité, la consommation a suivi une pente particulièrement raide. La consommation était de +18 600 MW avec un BIM* indiquant une augmentation de 30% en 4h. Comment on a géré ça ?
*
Building Information Modeling (BIM) :  échanger des données sur une plateforme et de les réutiliser sur différents progiciels applicatifs.



@eCO2mixRTE



Les bad news 
1. Le parc nucléaire envoyait déjà tout ce qu'il pouvait avant même le pic. Il a pu gratter quelques 800 MW quand même, mais c'est pas grand chose.


@eCO2mixRTE

Ce n'est pas dû à un manque de souplesse du nucléaire parce que pouvoir varier entre 50 et 100% en 10 secondes ne servirait à rien si l'on est déjà à 100% au départ. Alors, je dirais juste que c'est un manque de nucléaire, tout court...
Cette haute production nucléaire pendant la nuit a permis de remplir les réservoirs de nos STEP, et d'exporter : à 4h du matin on consommait 2300 MW pour pomper l'eau dans les barrages, et on exportait 2400 MW.



@eCO2mixRTE

Et on était pas les seuls à remplir nos barrages : on exportait notamment 2900 MW vers le nord de l'Italie et 2200 MW vers la Suisse.

@eCO2mixRTE

2. Le parc de centrales à charbon est... HS. Ok, c'est une bonne nouvelle pour le climat, pour l'environnement et tout ça. Mais du point de vue de l'équilibre du réseau, dans ces conditions, c'est pas cool. La raison : grève.
Alors, comment on a pu gérer ce pic de consommation ? Pour commencer, on a arrêté de pomper de l'eau. 2300 MW de consommation qui s'efface, en seulement 3 heures.



@eCO2mixRTE

Et on tire un peu sur le gaz. La cogénération monte de rien du tout (100 MW), mais les centrales à cycle combiné se rendent un peu plus utiles : +700 MW. Au final, tout gaz réuni, ça fait le même "petit coup" que le nucléaire. 



@eCO2mixRTE

Bon, à noter, on ne démarre pas les turbines à combustion. Ça consomme un max ces trucs là, c'est vraiment du dernier recours. Donc, on les garde en chauffe, d'où les 19 MW je suppose, prêtes à monter en régime si besoin, mais, visiblement... Pas eu besoin. Mais c'est un peu grâce aux turbines à combustion au fioul, en fait : de 0 MW jusqu'à 7h, on les a fait monter jusqu'à 1300 MW à 8h45, avant de redescendre progressivement au cours de la matinée.


@eCO2mixRTE

Un peu de positif dans tout ça quand même : c'est le matin, donc le soleil se lève, et passe de 0 à... 100 MW à 8h. Mais en réalité, c'est ...négligeable.


@eCO2mixRTE


Et c'est là qu'on rigole : qu'en est-il de l'éolien ? Bah... Il se fait la malle, avec une production qui a baissé toute la nuit, passant notamment de 2800 à 2400 MW sur le délai qui nous intéresse ici.



@eCO2mixRTE

Ah, oui, je ne vous parle pas des bioénergies parce qu'elles sont restées très stables à 800 MW. C'est vraiment de la production en base.
Du coup, il nous fallait dégager 18 600 MW en 4h (20 900 MW en fait, mais on avait 2 300 MW de pompage qu'il "suffisait" d'arrêter). À l'arrivée avec le nucléaire, le charbon, les gaz, la biomasse, le fioul, l' éolien, le solaire et les bioénergies, on a réussi à trouver... 1900 MW. On a fait un dixième du taf! Alors, est venu le temps de vous montrer la folle puissance de l'hydroélectricité. Et de vous faire comprendre que c'est insultant de mettre ce truc merveilleux et les boulets éolien et solaire dans le même sac « ENR » .

 
RTE divise  l'hydroélectricité en  3 catégories

1. Fil de l'eau/écluses 
On les considère en général comme non pilotables : elles produisent en base, au fur et à mesure que l'eau passe et que les écluses sont activées. Mais je devine qu'elles ont une certaine souplesse, puisqu'on peut délibérément choisir de faire passer plus ou moins d'eau dans les turbines. Mais l'eau qu'on ne fait pas passer n'est pas retenue, elle est perdue (comme si on freinait une éolienne par temps venteux).

 

Centrale de Toulouse

2. Les lacs de barrage

Je n'ai pas besoin de vous expliquer j'espère?


Sainte-Croix, sur le Verdon, Provence

3. Les STEP 

Un lac en surplomb, un cours d'eau ou un bassin/lac en contrebas, et la possibilité de pomper dans un sens ou turbiner dans l'autre. 



Grand'Maison, plus grande STEP de France



Et du coup, qu'est-ce que cela a donné ce matin ? Oh, rien de fou.


Les centrales fil de l'eau et écluses, qu'on dit non pilotables, ont réussi à fournir une montée en puissance de 1900 MW rien qu'à elles !


@eCO2mixRTE

Les lacs, quant à eux, ont dégagé 4500 MW supplémentaires en multipliant par plus de 4 leur production dans ce délai de 4h ! Et admirez moi cette magnifique rampe parfaitement régulière !



@eCO2mixRTE



Quant aux STEP, outre les 2300 MW qu'elles ont cessé de consommer en passant du pompage au turbinage, c'est une production de 3400 MW supplémentaires qu'elles ont réussi à apporter.


@eCO2mixRTE


Bilan   

Ce sont 9700 MW qui ont été apportés par la seule EnR électrique vraiment pilotable, et celle qui, depuis 40 ans, est véritablement complémentaire au nucléaire pour un Mix Électrique bas-carbone.


@eCO2mixRTE


Évidemment, le stock dans les barrages est limité, et trop le solliciter pourrait nous conduire à un manque d'eau au plus froid de l'hiver, quand on en aura le plus besoin, comme ça a bien failli être le cas l'hiver dernier : les riverains de lacs de barrage ont pu les voir presque vides... Mais bon, cette année, on commence l'hiver avec un stock hydraulique plutôt correct, et un parc nucléaire qui s'annonce assez disponible, donc ça devrait mieux se passer.




@eCO2mixRTE


C'est bien beau ça, mais 9700 MW d'hydraulique plus 1900 MW de tout le reste, ça fait pas 18600 MW encore ! Le reste, c'est en passant d'exportateurs nets à importateurs nets qu'on l'a comblé. 5100 MW de flux qui se sont inversés.


@eCO2mixRTE


Mais la somme n'y est toujours pas, il manque presque 2 GW... Et je ne sais pas pourquoi... J'ai fait l'hypothèse que le pompage des STEP était inclus dans la consommation, mais peut-être pas en fait, et ça expliquerait l'erreur. C'est pas bien grave, l'idée était davantage de sensibiliser aux différents moyens de production et leur pilotabilité dans les circonstances de ce matin. Et partager avec vous mon émerveillement devant la perfection de l'hydroélectricité dans ces conditions. Et voilà ce que donne la superposition des filières, hors nucléaire que j'ai masqué parce qu'il écrase trop l'échelle sinon et il ne varie quasiment pas : 800 MW sur 52500, soit 1,5%.



@eCO2mixRTE

 

Conclusion
S' il y avait un message à faire passer celui pourrait être qu'il nous faut plus de nucléaire.Mais je vais aller vers le plus politiquement correct... Et potentiellement plus utile.
Ce matin, on a été sauvé par le fioul (ça aurait pu être le gaz ou le charbon) et les imports (donc, entre autres, du charbon, du gaz, du fioul). Évidemment, on a aussi et surtout été sauvés par l'hydroélectricité, certes propre. Sauf qu'une partie du stock hydraulique qu'on a turbiné aujourd'hui ne pourra pas servir demain. Aussi, elle ne permettra pas d'éviter des MW de gaz, de charbon, de fioul et des imports. Donc l'hydroélectricité consommée aujourd'hui est une sorte de crédit sur des émissions futures de CO2.

Je dis souvent que le mix électrique est déjà décarboné et donc que si on veut faire un geste pour le climat, c'est pas vraiment l'électricité le sujet. Néanmoins, vous pouvez agir pour le climat via votre consommation électrique. N'en déplaise aux ONG style onestpret ou Greenpeace, ce n'est pas en changeant de fournisseur. N'en déplaise à Negawatt association, ce n'est pas vraiment en consommant moins. Pas dans l'absolu, en tout cas. C'est surtout en consommant mieux et au meilleur moment. Et surtout pas au pire. Donc, si vous voulez réduire l'empreinte carbone de votre électricité, commencez par moins contribuer à ce pic de consommation du matin. Ainsi, dès l'automne évitez le sèche-cheveux (2Kw), la bouilloire, le toaster ( 2-3 kW chacun), les plaques électriques ou induction, etc. Et plus généralement, préférez les heures creuses pour programmer vos appareils ménagers type lave-vaisselle ou linge, etc. Et en plus, c'est très économique.
Pour détecter les gros pics et faire en sorte d'y contribuer le moins possible regardez les courbes de consommation sur l'appli CO2mixRTE. Pour les habitants des régions Paca ou de Bretagne renseignez-vous sur EcoWattPACA et EcoWattBretagne.



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