Tribune parue dans Les Echos du 20 novembre 2018
Le 8 octobre dernier, William Nordhaus et Paul Rommer ont reçu le prix de la Banque de Suède en la mémoire d’Alfred Nobel pour avoir intégré le changement climatique dans la macroéconomie. Il était temps, se diront peut-être certains.
Las ! Nordhaus a certes affirmé que l’économie peut pâtir du changement climatique, mais la théorisation étonnante qu’il en propose conduit hélas à rendre le problème marginal aux yeux de ses collègues.
Que verrait une personne qui regarderait simplement autour d’elle ? Que nous prélevons dans la nature des ressources qui ont le bon gout d’y exister sans que nous n’ayons rien payé pour cela, puis nous les transformons, un peu avec nos muscles, mais surtout avec des machines (c’est là que va la « consommation d’énergie »), et nous convenons que la ressource extraite ou transformée « a un prix », qui est en fait uniquement le revenu donné aux êtres humains qui sont intervenus le long de la chaine de transformation.
Le PIB, qui est la somme de tous les prix de tous les objets ou services produits, est donc conditionnel des ressources disponibles, et de la taille de la population… qui est elle-même limitée par les ressources. Notre système climatique est une ressource : il est donc gratuit par convention, mais s’il est « abîmé », la production sera menacée, et le nombre d’hommes aussi.
De combien ? Sachant que seuls 5°C de réchauffement en 5000 ans ont séparé la dernière glaciaire du climat pré-industriel, la personne « normale » se dira que quelques degrés en un siècle vont représenter une telle déstabilisation que cela pourrait fortement contracter la taille de la population et sa capacité productive unitaire, avec beaucoup moins de PIB à la clé.
Mais dans le modèle de Nordhaus, comme dans ceux qui ont suivi, le PIB ne dépend pas des ressources, dont le climat, mais devient une donnée d’entrée, considéré par hypothèse (en fait par souhait) comme croissant sans limite. Il est ensuite « corrigé » par une fonction de dommage paramétrée de façon arbitraire, car comment calculer le prix de quelque chose qui, par définition… n’a pas de prix ! (un climat stable). Et Nordhaus de conclure qu’il y a un réchauffement optimal, quand le cout d’évitement des dommages (déjà difficile à calculer) équilibre le cout de dommage (impossible à calculer). Ca ne valait pas un prix Nobel, mais une bonne grosse rigolade.
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