Les pales seraient-elles construites sur du vent ?

Benoît Rittaud
30 novembre 2018 

par Haco

En avant-propos, je tiens à préciser que je suis juriste de formation et de profession. La France est dotée d’un système de publicité foncière, qui permet à toute personne, à partir des références cadastrales d’une parcelle, d’obtenir toutes les informations juridiques sur cette parcelle (propriétaire, prix, servitudes, hypothèques) y compris la copie des divers actes qui ont pu conférer des droits à quiconque sur cette parcelle.

Curieux de voir comment étaient réalisés les montages juridiques d’installation des éoliennes, je me suis donc procuré la copie de l’un d’entre eux. Le montage que j’ai pu observer est le suivant : 


-Le propriétaire de la parcelle confère un bail emphytéotique à l’exploitant. Il s’agit d’un bail qui donne les mêmes droits à l’exploitant que s’il était propriétaire de la parcelle (droit de construire, de donner le bien en garantie, etc…), mais pour une durée limitée (50 ans en l’occurrence),
-L’exploitant négocie ensuite avec le même propriétaire, ou avec les propriétaires voisins selon le cas, le droit de passer sur leurs parcelles les câbles permettant le raccordement au réseau d’électricité, via une servitude dite de tréfonds,
-Concernant les pales de l’éolienne et à ma grande surprise, celles-ci ne sont pas incluses dans le bail emphytéotique. Sans doute pour des raisons d’économie, les pales dépassant largement la base de l’éolienne, la surface donnée à bail ne comprend pas toute la largeur des pales.

Pour remédier à ce problème, les juristes ont créé une servitude de surplomb permettant aux pales de survoler la propriété voisine.


Pour les néophytes, une servitude au sens du droit français, est un service rendu par un fonds servant au profit d’un fonds dominant.

L’exemple type est le droit de passage d’une propriété enclavée sur une autre propriété.

Une servitude ne peut par ailleurs, selon la cour de cassation, « être constituée par un droit exclusif interdisant au propriétaire du fonds servant toute jouissance de sa propriété. »

Et c’est là que le bât blesse… Car la servitude de surplomb n’existe pas dans le Code civil. Au surplus, elle a d’ailleurs fait l’objet pendant des années d’un refus systématique par la cour de cassation, qui refusait de l’appliquer justement parce qu’elle interdisait au propriétaire toute jouissance de sa propriété.

Dans un arrêt de 2008, la cour de cassation, sans doute soucieuse d’apaiser les problèmes de voisinage, a tout de même admis que la servitude de surplomb puisse être acquise par prescription, c’est-à-dire qu’un propriétaire qui surplomberait la propriété d’un autre (typiquement un débord de toiture) puisse au bout de 30 ans réclamer l’application de cette servitude.

Mais la cour de cassation ne s’est jamais à ma connaissance prononcée sur la validité d’une servitude de surplomb conventionnelle, c’est-à-dire constituée dans un contrat.

Autrement dit, à ce stade, la servitude permettant aux pales des éoliennes de survoler la propriété voisine n’a jamais fait l’objet d’une validation quelconque ni par la loi ni par les tribunaux.

L’on ne peut évidemment exclure que ce soit le cas dans l’avenir, mais dans l’immédiat, cela signifie que les exploitants d’éoliennes, largement subventionnés, prennent le risque que leurs montages (qui plus est à long terme) soient ultérieurement remis en cause… et que les pales des éoliennes ne soient plus utilisables.

Souhaitons pour les économies du contribuable qu’il n’y ait pas de litiges dans l’avenir ou que si tel était le cas, les tribunaux valident l’existence d’une servitude de surplomb conventionnelle…


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