magistrat honoraire
29/11/2018
Consultation publique — Décret relatif à l’expérimentation prévue à l’article 56 de la loi n°2018-727 du 10 août 2018 pour un État au service d’une société de confiance et à diverses dispositions relatives à la participation du public.
Le projet de décret d’expérimentation soumis à consultation emporte une régression du droit de l’environnement dont les principes d’information et de participation du public font partie. Il révèle la volonté de réduire les exigences de ces principes en vue de favoriser une plus grande rapidité des procédures d’instruction des projets industriels ou agricoles assujettis à une évaluation environnementale, dont les Installations Classées pour la Protection de l’Environnement.
Il n’est pas démontré que cet intérêt de rapidité des procédures d’instruction soit supérieur aux intérêts liés à la protection de l’environnement.
I - Le respect des obligations procédurales de l’État français en matière d’environnement doit s’apprécier au regard, notamment, de :
- l’article 10 de la Déclaration de Rio du 24 juin 1992 qui énonce le principe de la participation citoyenne et ses trois composantes : l’accès aux informations relatives à l’environnement ; la possibilité de participer au processus décisionnel ; l’accès effectif au juge en matière d’environnement ;
- la convention d’Aarhus du 25 juin 1998 sur l’accès à l’information, la participation au processus décisionnel et l’accès à la justice en matière d’environnement, dont la communauté européenne fut signataire et qui lie ce jour les Etats membres de l’Union ; cette convention impose que les résultats de la participation soient « dûment pris en compte » ;
- les directives européennes renforçant les obligations des Etats membres de l’Union : en l’état, sur le principe d’information du public, la directive n°2003/4 du 28 janvier 2003 ; sur la participation du public, la directive n°2003/35 du 26 mai 2003 prévoyant la participation du public lors de l’élaboration de certains plans et programmes relatifs à l’environnement avec en annexe six directives sectorielles ;
- l’article 7 de la Charte de l’environnement française entrée en vigueur le 1er mars 2005, à valeur constitutionnelle.
II - En effet, le projet supprime l’enquête publique pour les projets soumis à autorisation environnementale, en cantonnant l’information et la participation du public à la seule voie électronique : Le principe d’information et la participation du public sont en conséquence mis en œuvre en deux phases par voie électronique exclusivement :
- la concertation préalable sur une période de 15 jours à trois mois, qui peut donc dans les faits ne durer que quinze jours, avec recours à un garant dont ne sont pas précisées les conditions de nomination, les garanties d’impartialité exigées ;
- la « participation » par voie électronique, objet de l’expérimentation.
Ainsi, la médiation d’un commissaire enquêteur désigné par le président du tribunal administratif, tenant des permanences locales, consignant dans un registre mis à disposition du public les observations notamment des riverains devant être impactés par la réalisation du projet, ayant le pouvoir de demander des informations complémentaires et de prolonger la durée de l’enquête, rédigeant une synthèse et émettant un avis motivé sur les observations faites au titre du respect des intérêts environnementaux protégés, est supprimée.
Le projet de décret ne reprend pas les dispositions du 2° de l’article 56 de la loi un État pour une société de confiance, selon lesquelles l’affichage des avis d’ouverture de la consultation électronique est effectué dans les mêmes communes que celles dans lesquelles les avis d’enquête publique auraient été affichés.
Le projet de décret au plus fort n’indique pas en violation de l’article 57 de cette loi que l’avis de mise en ligne de la consultation mentionne l’adresse où les observations du public peuvent être présentées par voie postale.
La dématérialisation envisagée porte atteinte ainsi aux droits de ceux qui n’ont pas encore accès à internet comme encore en certaines zones du territoire ou ont une maîtrise insuffisante de cet outil de communication.
III - Dans ces conditions, ce projet de décret n’apporte aucune garantie sur l’effectivité des droits à information et participation du public en matière environnementale.
Ce défaut d’effectivité qui ne pourra qu’en résulter constitue une régression du droit de l’environnement. Ce défaut d’effectivité doit en effet être rapproché des conditions d’élaboration de l’évaluation environnementale des projets. Celle-ci se fait par le biais d’une étude d’impact à l’initiative des porteurs de projets, lesquels saisissent un cabinet d’études de leur choix et le rémunèrent. La sincérité d’une telle évaluation environnementale ne peut donc être garantie.
Il résultera de ce déséquilibre des droits entre les porteurs de projets et le public privé du droit à véritable participation :
- pour les riverains, l’impossibilité d’exercer leur droit d’alerte et plus tard, du fait de ne pas avoir été informés valablement du fait de l’insuffisante publicité de la procédure de consultation, d’exercer leur droit de recours à temps ;
- pour l’autorité environnementale, un manque d’information sur la réalité dans les faits, au cas par cas, du respect des intérêts environnementaux protégés : santé, commodité du voisinage, nature environnement, agriculture, paysage, monuments historiques, etc...
- pour le préfet devant accorder ou non l’autorisation environnementale, l’impossibilité de contrôler le respect du principe de proportionnalité, notamment au regard des nuisances et pollutions, entre atteintes à ces intérêts protégés et les intérêts poursuivis par les porteurs de projets.
- pour le juge, du fait du tarissement des observations du public pris de court, de contrôler ce pouvoir d’appréciation du préfet.
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