Droit d’auteur: L’Assemblée adopte la controversée liberté de panorama

Le Monde.fr  
22.01.2016 
Par Gabriel Coutagne et Florian Reynaud


Des touristes devant le viaduc de Millau, célèbre ouvrage de l'Aveyron conçu par Lord Norman Foster. HENRI TABARANT / ONLY FRANCE / AFP


Chaque année, de nombreux vacanciers de passage par le viaduc de Millau, dans l’Aveyron, s’arrêtent pour prendre en photo la célèbre construction, œuvre du cabinet britannique d’architecture Foster and Partners. Jusque-là, rien d’illégal. Qu’ils ne s’avisent pas, en revanche, de publier leurs clichés.
C’est une règle peu connue. Aujourd’hui, sauf exceptions complexes, il est interdit de diffuser publiquement une photo dont le sujet principal est une œuvre protégée par le droit d’auteur, sans l’autorisation des ayants droit de ladite œuvre. Il est également interdit de faire une exploitation commerciale d’une telle image. Par exemple, un photographe peut prendre un cliché de la pyramide du Louvre, réalisée par l’architecte Ieoh Ming Pei. Mais il ne peut pas le revendre à un éditeur qui souhaiterait le publier dans un livre sans l’accord de l’architecte ou du musée.

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L’image d’une œuvre architecturale protégée par le droit d’auteur ne peut actuellement être utilisée qu’à des fins privées, et la diffusion publique de cette reproduction – dans un journal, par exemple – peut-être sanctionnée. Sont protégés les sculptures et les bâtiments – dont les « créations architecturales » correspondent à des critères particuliers.

« En France, ce genre de conflit entre architectes et diffuseurs reste rare », remarque Véronique Descharrière, architecte indépendante à Paris « Les diffuseurs sont bien au courant de ces questions, et généralement, cela se passe plutôt bien ».

Mais associations, élus et artistes militent depuis des années afin de pouvoir diffuser ces prises de vue, sous certaines conditions. Ils demandent une exception au droit d’auteur que l’on appelle « liberté de panorama », et qui existe sous différentes formes, dans plusieurs pays, comme l’Allemagne.


Première victoire

Jeudi 21 janvier, l’Assemblée nationale a adopté, en première lecture du projet de loi sur le numérique, un amendement du rapporteur des lois Luc Bélot, qui introduit cette liberté de panorama. Une première victoire dans cette bataille autour du droit d’auteur.

Le 13 janvier, le principe de la « liberté de panorama » avait été sèchement critiqué par la Société des auteurs dans les arts graphiques et plastiques (ADAGP), qui dénonçait une dépossession des droits d’auteurs des architectes et sculpteurs. Se plaignant de n’avoir pas été entendue, la société avait appelé les députés à voter contre une telle mesure: « On ne peut sérieusement prétendre que le droit d’auteur est un obstacle au rayonnement culturel et faire croire que la gratuité forcée serait une source de promotion pour les artistes ».

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Le texte voté jeudi va cependant beaucoup moins loin que les amendements précédemment déposés par des députés socialistes et écologistes. La « liberté de panorama » y est circonscrite à un usage à but « non lucratif », ce qui exclut l’utilisation commerciale de ces images par des entreprises, des associations ou par des photographes professionnels.

Pour la directrice exécutive de Wikimédia France, Nathalie Martin, fervente défenseure d’une liberté étendue et déçue par ce texte, l’amendement est « inopérant ». Il ne couvre pas les photos mises en ligne sur Wikimédia puisque, « sur nos projets, la licence permet une réutilisation commerciale ».

De son côté, l’ADAGP salue dans un communiqué une « solution équilibrée » tout en prévenant que « la question de la circulation des œuvres protégées ne se résoudra que par une responsabilisation des prestataires de l’Internet ».

Le texte pourrait même ne pas convenir aux réseaux sociaux, où une photographie, publiée par exemple sur Instagram, pourrait être considérée comme ayant un but lucratif, en raison des conditions d’utilisation de ce service et de son usage de la publicité « Sur Internet, il est compliqué de dire ce qui est lucratif et non lucratif », constate Nathalie Martin.


Une jurisprudence en faveur des internautes

Dans la pratique, la jurisprudence s’est déjà rangée en faveur des photographes, en distinguant le fait de photographier une œuvre « comme sujet principal », ou comme « élément d’un ensemble paysager ».

Deux amendements déposés par des députés socialistes et écologistes ne limitant pas la « liberté de panorama » à un usage particulier et non lucratif ont, eux, été rejetés lors du vote à l’Assemblée.

Initialement, cette disposition avait même été annoncée dans le projet de loi par la secrétaire d’État au numérique, Axelle Lemaire, avant d’être abandonnée. La proposition a ensuite été remise en avant par Wikimédia France, lors de la consultation publique sur le projet de loi en septembre et octobre, demandant l’intégration de la « liberté de panorama » dans le code de la propriété intellectuelle.


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