« Ça ne sert à rien pour le CO2, la France en produit très peu, ça ne sert à rien pour le portefeuille, ça ne sert à rien pour l’électricité, la Grande Région en produit déjà trop. Alors pourquoi le fait-on ? Ça me dépasse »
Géochimiste à la retraite et habitant d’Arvert, Bernard Durand remet en cause les affirmations mises en avant par les élus locaux et le promoteur en charge des mesures de vent à l’île d’Oléron.
C’est avec un œil de scientifique que Bernard Durand approche le projet d’éolien offshore sur l’île d’Oléron. Et le moins qu’on puisse dire, c’est que cet « expert en toutes formes d’énergies », comme il se décrit lui-même, n’est pas très optimiste.
Le projet actuel est soutenu par les élus de l’île d’Oléron, les professionnels de la pêche et c’est une entreprise allemande WPD, qui est chargée depuis 2 ans des mesures de vents à la pointe de Chassiron. « Ce sont 3 milliards qui vont partir en Allemagne, puisque l’entreprise est allemande, pour un projet qui durera 15 ans au mieux(Ndlr, durée de vie d’une éolienne), soit 10 milliards sur 60 ans », attaque Bernard Durand qui avance un autre argument financier : « EDF rachète l’électricité offshore en Bretagne et en Normandie 220 euros/MWh. Ce sera environ 250 € à Oléron car il y a moins de vent, c’est 10 fois le prix actuel de l’électricité sur le marché de gros ! C’est le consommateur qui devra payer par la CSPE (contribution au service public de l’électricité), ce qui fait 13,5 milliards sur 60 ans ». Des arguments qui font dire au géochimiste : « Vous supprimez la CSPE et les projets éoliens disparaissent dans les 3 jours ! »
WPD a annoncé que les éoliennes tourneraient 95 % du temps dont 60 à 70 % à plein régime : « C’est techniquement impossible, lance Bernard Durand. Le vent change sans arrêt et rapidement ce qui rend la puissance électrique fluctuante. Entre la puissance installée, celle de l’éolienne, et la puissance réelle vous ne récupérez que 27 à 28 % de la puissance installée sur terre. On appelle ça le facteur de charge. Et la fluctuation est plus brutale en mer. ». Pour l’Arverton il n’y a pas d’équivoque : « Ce projet est scandaleusement coûteux et inutile ».
Risques sismiques et pour l’intégrité de l’île
Il parle aussi de gros risques sismiques, carte des tremblements de terre ayant eu lieu en France issue du CNRS à l’appui : « En 1972 et 2005, il y a eu des tremblements de terre ici. Et sur la côte ouest de l’île d’Oléron il existe un des risques le plus important de France ». Le géologue s’interroge : « Les éoliennes seront-elles conçues pour résister aux tremblements de terre ? ». Ce qui l’inquiète encore plus, ce sont les « ébranlements du sous-sol » qui seront nécessaires pour installer les 60 à 80 éoliennes : « Je n’ai jamais mis de pieux dans la terre mais je connais les explosions qu’on pratique pour chercher du pétrole et qui seront nécessaires. Ça pénètre à 10, 20 voire 30 km de profondeur. Ils vont mettre un surcroit d’énergie dans une zone instable, et ce n’est pas une petite énergie. » Bernard Durand ne dit pas détenir la réponse à ce risque, mais il recommande que cette question soit posée « publiquement à des spécialistes » : « Je reproche à ce projet d’être terriblement opaque », confie-t-il.
Bernard Durand craint également pour l’intégrité de l’île d’Oléron elle-même. Les éoliennes pourraient, selon lui, modifier le transit du sable qui est acheminé par les courants marins vers l’île : « Ces sables sont nécessaires à l’île. Ils viennent de très loin par la dérive Nord-Atlantique. Les éoliennes seront en plein dedans », le géologue redoutant ainsi un effet « ganivelle » qui serait désastreux : « La pointe sud de l’île, pourrait disparaître puis la houle du large pourrait compromettre l’estuaire de la Seudre et tous les parcs à huître. » Puis, rapport de présentation de la cartographie du risque de submersion marine sur le littoral charentais-maritime à la main datant de 2014, le géologue lit concernant les risques d’inondation : « Les marais constituent de vastes zones inondables et la rupture de cordons dunaires, sous l’effet de sollicitations extérieures importantes (houle, vent, courants) pourrait être la cause d’inondations des zones basses arrière-littorales et notamment de villages balnéaires de la côte sud-ouest ».
L’autre aberration pour Bernard Durand, est que l’île d’Oléron fasse partie du Parc Naturel Marin de l’estuaire de la Gironde et de la mer des Pertuis : « Les éoliennes seront sur le couloir de migration des oiseaux. Sans parler de la faune et de la flore marine avec les travaux qui dureront 3 ans où on tapera dans le sol pour les installer. Et des métaux libérés par l’usure et la corrosion, ou les huiles de graissage... »
Le géologue doute aussi de l’emplacement annoncé pour l’implantation des éoliennes, penchant pour un projet plus proche des côtes : (Ndlr, 15 km de la Cotinière et 22 km de Chassiron) : « D’après la profondeur de l’eau, les fonds atteignent déjà de 20 m à 5 km de la côte », affirme-t-il.
Bernard Durand conclut ainsi : « Ça ne sert à rien pour le CO2, la France en produit très peu, ça ne sert à rien pour le portefeuille, ça ne sert à rien pour l’électricité, la Grande Région en produit déjà trop. Alors pourquoi le fait-on ? Ça me dépasse ».
C. F.
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