Révoltes paysannes: Oui, mais pour arriver à quoi ?

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Il a été sifflé, conspué, le stand du ministère saccagé. François Hollande ne s’attendait pas à être reçu au salon de l’agriculture avec les honneurs, et l’on comprend fort bien la colère, voire la détresse des agriculteurs. Sauf qu’il n’est pour rien dans la suppression des quotas laitiers, approuvée par Nicolas Sarkozy et Bruno Lemaire, ou par l’absence de régulation de la production agricole voulue par les tenants d’une Europe libérale.

L’agriculture française est au bout de son modèle productiviste. Tout le monde en convient à demi-mot, mais la transition sera longue et jonchée de révoltes paysannes. Trop d’intérêts sont en jeux. Les dix milliards de subventions européennes vont en priorité aux céréaliers dont monsieur Beulin, président de la FNSEA, est l’un des acteurs majeurs. Après avoir voté pour la droite libérale, voire l’extrême droite, les agriculteurs demandent aujourd’hui tout à l’Etat. Ils sont endettés jusqu’au cou et ravis d’avoir mis l’écotaxe à terre ; leur coopératives sont désormais obsédées par l’exportation sans voir qu’elles épuisent nos sols et qu’il serait préférable de permettre aux pays émergents de promouvoir leur propres paysans, plutôt que de s’enfermer dans un discours salvateur prétendant que la planète n’a pas les moyens de se nourrir localement.
A présent, impossible de produire ses propres graines : il faut passer par Mosanto qui fait en sorte que, d’une année sur l’autre, on ne peut tirer les graines de sa propre culture. Le lait cru ? Il faut une patience d’ange dans nos supermarchés pour en trouver. Car malgré ses propriétés reconnues, Lactalis veille à l’écarter, misant sur le pasteurisé qui fait tourner sa machine à sous. L’industrie agro-alimentaire tue nos campagnes. On objectera l’emploi et la balance commerciale. La Coop 21 ? Aux oubliettes. Le fait de produire mieux crée des emplois (100.000 dans le bio aujourd’hui) ? Billevesées.
On hurle sur Stéphane Le Foll. Il est socialiste, l’un des meilleurs connaisseurs des questions agricoles, et qui plus est porte-parole du gouvernement. Trop de tares aux yeux d’un mode rural fondamentalement réactionnaire. Le Foll sait l’épuisement du modèle. Il se bat à Bruxelles, tente de gérer la transition, mais il est mal aidé par un Premier ministre qui pense que des aides ponctuelles, comme ses prédécesseurs, apaiseront les esprits. D’aucuns rêvent d’un poste dévolu à un membre du sérail, tel François Guillaume naguère, ancien président de la FNSEA. La boucle de l’impuissance sera bouclée une fois de plus.
Mesdames et messieurs les agriculteurs, vous bénéficiez d’un a priori favorable de la part de la population, parce qu’en France, on a tous des racines paysannes. Mais ne vous y trompez pas. Le consommateur sera le juge de paix. Votre détresse est la nôtre, atterrés que nous sommes par l’incurie de votre syndicat majoritaire et la démagogie d’une droite qui a milité pendant des lustres pour ce qui aujourd’hui vous écrase. Nous vous soutenons malgré tout, car vous êtes les victimes expiatoires des multinationales qui gouvernent le monde. Vous êtes les grands baisés de la terre, si j’ose dire. Reste qu’en insultant le Président de la République (il pourrait être de droite, cela ne changerait rien), vous nous insultez aussi, et surtout vous vous trompez de cible. Pensez-y, s’il vous plaît.  
Jacques-Yves Bellay

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