Par : Jorge Valero
Traduit par: Manon Flausch
14/102016
Shutterstock/Nieuwland
L'accord de réduction des émissions du secteur aérien ne deviendra obligatoire qu'en 2027.
Le 12 octobre, les législateurs européens ont bien caché leur enthousiasme vis-à-vis de l’accord de réduction des émissions de gaz à effet de serre signé par les 191 membres de l’Organisation de l’aviation civile internationale.
Une large majorité des élus de tous les partis politiques du Parlement européen ont salué l’« accord historique » obtenu à l’Organisation de l’aviation civile internationale (OACI) lors de sa réunion à Montréal. Mais les félicitations des eurodéputés se sont arrêtées là.
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L’accord ne permettra pas à l’aviation d’atteindre une croissance neutre en émissions d’ici 2020, ont estimé les eurodéputés des commissions environnement et transport, qui se sont réunis pour examiner l’accord.
Violeta Bulc, commissaire au transport, a défendu de son mieux l’accord, mais a eu du mal à garder le cap face à des élus déçus. « Je suis certaine que certains d’entre vous voulaient un accord plus ambitieux. L’UE voulait un accord plus ambitieux. Nous avons négocié pour cela », a-t-elle assuré. « Mais nous avons tout de même atteint un accord respectant nos limites, ce qui est important. »
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« Nous sommes déçus par les résultats », a confirmé Peter Liese, eurodéputé allemand (CDU) du PPE et allié clé d’Angela Merkel. Selon lui, les mesures mondiales orientées vers le marché censées contrer les émissions grâce à des « projets verts », n’apporteront pas de « vraie réduction des émissions ».
Une opinion partagée par Miriam Dalli, travailliste maltaise du S&D. « Je suis prudemment optimiste », a-t-elle indiqué, mais « nous ne sommes pas convaincus que cela soit suffisant. »
Un accord insuffisant
Pour les parlementaires, l’accord de l’OACI doit être considéré comme le début, et non la fin, d’un processus de limitation des émissions de carbone des avions de passagers. Dans ce contexte, ils ont soutenu une clause de révision qui permettrait de surveiller les progrès tous les trois ans, afin d’atteindre les objectifs climatiques fixés par les dirigeants mondiaux lors de la COP 21 à Paris l’an dernier.
Les eurodéputés se sont cependant plaints du fait que l’accord ne sera pas contraignant avant 2027 et que seuls 65 pays se joindront à la phase volontaire qui commence en 2021.
la commissaire a elle même reconnu être déçue par le nombre de pays qui ont accepté de se joindre aux efforts volontaires, mais espère que d’autres changeront d’avis d’ici 2021. À ce jour, 18 des 20 nations les plus actives dans le secteur de l’aviation ont néanmoins exprimé leur intention de participation au programme dès le départ. Violeta Bulc a promis aux eurodéputés qu’elle utiliserait la clause de révision pour renforcer l’accord.
Les eurodéputés ont aussi remis en question le processus de conception du mécanisme, qui se fera à huit-clos. Bas Eickhout, eurodéputé néerlandais Vert, a fait remarquer que l’OACI devait « beaucoup changer » en ce qui concerne la transparence.
Violeta Bulc a cependant défendu le nouveau mécanisme, orienté vers les marchés, qu’elle qualifie de « pas en avant sérieux ». Elle admet cependant que l’accord ne suffira pas à atteindre l’objectif de croissance neutre.
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La commissaire a souligné que les compagnies aériennes s’étaient engagées à utiliser des moteurs innovants consommant moins de carburant et des biocarburants durables pour limiter les émissions de CO2. De meilleurs itinéraires aériens devraient aussi contribuer à une réduction des émissions, a-t-elle ajouté.
Dans cette perspective, Violeta Bulc a demandé aux eurodéputés de contribuer à la résolution du différend lié à Gibraltar: la question était devenue un obstacle à la concrétisation du projet de ciel unique européen, qui doit participer à l’optimisation du trafic aérien.
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ETS et aviation
Malgré les questions des élus, la commissaire a refusé de commenter l’avenir du système d’échange de quotas d’émission (ETS) dans le contexte de l’aviation, remis en question par l’accord de l’OACI.
Initialement, l’UE prévoyait d’appliquer ce système à tous les vols en partance ou à destination du territoire européen, mais a finalement interrompu le système pour les vols internationaux jusqu’au 31 décembre 2016, pour laisser le temps à l’OACI de conclure un accord mondial.
« Je sais que l’ETS nous donne de la crédibilité et du pouvoir au niveau international », a-t-elle assuré, expliquant que la Commission prépare actuellement une évaluation d’impact pour le système. Cette analyse se penchera sur les options possibles, et notamment la suppression du programme pour les vols internationaux.
En 2012, l’UE avait décidé de le suspendre dans le secteur aérien, suite aux protestations d’autres pays, comme la Chine et l’Inde.
Contexte
Le secteur de l'aviation, tout comme le secteur des transports maritimes, dispose de sa propre agence à l'ONU : l'Organisation de l'aviation civile internationale (OACI), qui gère la réduction des émissions de CO2 des avions. Une mission qui a été attribuée à l'OACI par le protocole de Kyoto.
Il a été difficile de trouver un accord mondial. En 2012, comme aucun accord n'avait été signé, l'UE a inclus les émissions des avions dans son système d'échange des quotas sur les émissions. Cette décision a provoqué une réaction violente de pays industriels, tels que la Chine et l'Inde qui ont refusé de se plier aux conditions du système et ont menacé l'UE avec des représailles sur le plan commercial.
L'UE a donc suspendu temporairement le système pour permettre à l'OACI de trouver une alternative à l'échelle mondiale. Les compagnies aériennes internationales, qui n'ont pas manqué une occasion de critiquer le système de plafonnement, sont pour l'instant exemptées des mesures de l'UE.
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Dans l'ensemble, l'industrie de l'aviation s'oppose farouchement à toute mesure fondée sur le marché qui n'est pas provisoire, privilégiant une formule d'améliorations techniques et opérationnelles, ainsi que l'utilisation de biocarburants, pour réduire les émissions.
Les avions sont responsables de 2 % des émissions de CO2 dans le monde. Étant donné que le nombre de passagers double tous les quinze ans, le secteur devient une source de gaz à effets de serre en constante augmentation. En raison de son étroite connexion avec les énergies fossiles, la réduction des émissions dans l'aviation représente un défi. Le problème du stockage de l'électricité exclut son utilisation en vol, laissant peu d'options aux constructeurs d'avion, qui se sont engagés à stabiliser les émissions de CO2 d'ici 2020.
Prochaines étapes
31 décembre 2016 : Fin de l'exemption des vols internationaux dans le système d'échange de quotas de l'UE.
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