13 octobre 1307: Arrestation des Templiers

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13/10/2016


Un templier au combat en Terre Sainte, peinture murale de la chapelle de Cressac (Angoumois)


Au matin du vendredi 13 octobre 1307, tous les Templiers de France, soit plusieurs milliers au total, sont arrêtés sur ordre du roi Philippe IV le Bel (le petit-fils de Saint Louis).

Cet acte de violence arbitraire met fin à un ordre original de moines-soldats, vieux de près de deux siècles, qui s'est illustré en Terre sainte et s'est acquis puissance et richesse, s'attirant ainsi la jalousie des féodaux et la convoitise des souverains.


 
Un ordre monastique prestigieux
Jean Brillet
29/06/2016



 


L'ordre du Temple est né en Terre sainte, en 1119, après la première croisade, à l'initiative du chevalier champenois Hugues de Payns qui voulait protéger les pèlerins se rendant à Jérusalem.

Il est officialisé par le concile de Troyes, neuf ans plus tard, à l'initiative de Saint Bernard de Clairvaux.

Le prestige des moines-chevaliers au manteau blanc frappé d'une croix rouge est immense pendant les deux siècles que durent les croisades... malgré la trahison du grand maître Gérard de Ridefort à la bataille de Hattîn, en 1187.

La huitième et dernière croisade s'achève par la mort tragique du roi Saint Louis devant Tunis en 1270.

Dès lors, les dernières possessions franques de Terre sainte tombent définitivement entre les mains des musulmans.

Ceux-ci s'emparent de Saint-Jean-d'Acre le 28 mai 1291 malgré la résistance héroïque des Templiers autour du grand maître Guillaume de Beaujeu.


Les Templiers se replient en Europe

Au début du XIIIe siècle, l'ordre du Temple, chassé de Palestine, n'en dispose pas moins encore d'une force militaire impressionnante de quinze mille hommes, bien plus que n'aurait pu en lever n'importe quel roi de la chrétienté. Mais, de soldats, les Templiers se sont reconvertis en usuriers et ont complètement perdu de vue la reconquête des Lieux saints.

C'est que de considérables donations ont rendu l'ordre immensément riche et l'ont transformé en l'une des principales institutions financières occidentales... et la seule qui soit sûre. Il gère ainsi, en véritable banquier, les biens de l'Église et ceux des rois d'Occident (Philippe le Bel, Jean sans Terre, Henri III, Jaime Ier d'Aragon...).

 


Ses commanderies qui abritent les moines-soldats, avec aussi une vocation caritative, couvrent l'ensemble de l'Europe médiévale d'une véritable toile d'araignée. On peut voir au sud d'Angoulême, à Cressac, une chapelle rescapée de l'une de ces commanderies et ornée de peintures murales qui évoquent les croisades.

L'opinion européenne commence à s'interroger sur la légitimité du Temple. Le roi Philippe le Bel lui-même a souvenance que les Templiers ont refusé de contribuer à la rançon de Saint Louis lorsqu'il a été fait prisonnier au cours de la septième croisade. Il entend aussi quelques méchantes rumeurs sur les mœurs prétendument dépravées et diaboliques des moines-chevaliers...

Qu'à cela ne tienne. Suivant une idée déjà ancienne, évoquée par Saint Louis et les papes Grégoire X, Nicolas IV et Boniface VIII, Philippe le Bel souhaite la fusion de l'ordre du Temple avec celui, concurrent, des Hospitaliers afin de constituer une force suffisante pour préparer une nouvelle croisade à laquelle le roi de France et le pape Clément V sont très attachés.

L'affaire est mise à l'ordre du jour de plusieurs conciles et l'on élabore même en 1307 un projet dans lequel Louis de Navarre aurait été grand maître du nouvel ordre. Son dramatique échec résulte de l'opposition obstinée du grand maître Jacques de Molay ainsi que de l'agressivité du ministre du roi, Guillaume de Nogaret.


 
Le drame 
Déçu dans ses attentes, le roi de France presse le pape d'agir contre l'Ordre. Clément V ouvre une enquête le 24 août 1307 pour laver les moines-chevaliers de tout soupçon mais l'affaire traîne en longueur et Philippe le Bel prend l'affaire en main. Il décide d'arrêter les Templiers sous l'inculpation d'hérésie, sans prendre la peine d'en référer au pape.

 


C'est ainsi que tous les Templiers de France sont arrêtés au petit matin par les sénéchaux et les baillis du royaume au terme d'une opération de police conduite dans le secret absolu par Guillaume de Nogaret. Ils sont interrogés sous la torture par les commissaires royaux avant d'être remis aux inquisiteurs dominicains.

Parmi les 140 Templiers de Paris, 54 sont brûlés après avoir avoué pratiquer la sodomie ou commis des crimes extravagants comme de cracher sur la croix ou de pratiquer des « baisers impudiques ». L'opinion publique et le roi lui-même y voient la confirmation de leurs terribles soupçons sur l'impiété des Templiers et leur connivence avec les forces du Mal.

Pour ne pas donner l'impression d'être désavoué, le pape choisit la fuite en avant et, le 22 novembre 1307, ordonne à son tour l'arrestation des Templiers dans tous les États de la chrétienté et l'ouverture d'une enquête sur leurs crimes supposés.

Le roi obtient de Clément V la suppression de l'ordre, au concile de Vienne, en 1312. Elle est officialisée le 3 avril 1312 par la bulle « Vox in excelso », bien qu'il soit tout à fait exceptionnel qu'un ordre religieux soit purement et simplement dissous.

Le 3 mai 1312, le pape affecte le trésor des Templiers à l'ordre concurrent des Hospitaliers, à l'exception de la part ibérique qui revient aux ordres militaires locaux. Le roi de France et ses conseillers plaident en faveur de cette solution, respectueuse de la volonté des nombreux bienfaiteurs du Temple.

En 1313, sur la base de documents comptables, l'ordre de l'Hôpital restitue 200.000 livres au trésor royal pour solde de tout compte. Le successeur de Philippe, Louis X, réclamera toutefois un supplément, estimant que son père a été floué. L'affaire est close en 1317, quand le nouveau roi Philippe V reçoit 50.000 livres supplémentaires.

Avec l'affaire du Temple, la monarchie capétienne montre qu'elle entend suivre son intérêt politique et ne plus se comporter en vassale de l'Église.


La malédiction du grand maître

Au terme d'un procès inique, le grand maître des Templiers, Jacques de Molay, est lui-même brûlé vif à la pointe de l'île de la Cité le 19 mars 1314, ainsi que le commandeur de Normandie Geoffroy de Charnay. Une plaque rappelle le triste sort de cet homme qui ne sut pas réformer son ordre quand il en était temps.



Une légende reprise par Maurice Druon dans son célèbre roman-fleuve Les rois maudits veut qu'à l'instant de succomber dans les flammes, Jacques de Molay ait lancé une malédiction à l'adresse du roi et du pape, les invitant à le rejoindre dans la mort avant la fin de l'année. Or, c'est pourtant ainsi que les choses vont se passer.


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