Les plaines habitées par ces Indiens sont un immense territoire qui va du Canada au nord, au golfe du Mexique au sud, entre le Mississippi à l’est et les Montagnes Rocheuses à l’ouest. |
Organisation sociale
Les Indiens des Plaines élaborèrent différents types de sociétés et d'organisation sociale. Les villageois horticulteurs avaient développé des organisations sociopolitiques relativement complexes qui tendaient vers une stratification sociale et des disparités de prestige marquées entre les membres de la tribu. Les peuples nomades avaient constitué des sociétés plus égalitaires. Ils n'éprouvaient le besoin d'établir des règles sociopolitiques complexes que durant l'été, quand de fortes concentrations de population rendaient nécessaires des contraintes plus strictes. Pendant le reste du temps, l'éclatement en petites bandes ne justifiait pas une organisation très contraignante. Si la bande représentait une unité sociale, économique et politique, l'appartenance à une bande n'avait cependant rien de contraignant. Ses membres avaient souvent des parents dans d'autres bandes. Non seulement une famille pouvait changer de bande, mais quand une bande devenait trop importante, un certain nombre de familles s'en détachaient pour former une nouvelle bande. Idem quand des conflits ou des rivalités devenaient trop importants. Quand les bandes se réunissaient pendant l'été, elles reconstituaient la tribu. En dehors de cette période estivale, la langue, les traditions, l'histoire commune et les sodalités entretenaient l'identité tribale des peuples nomades. Toutefois, chez les Pieds-Noirs, les Apaches Lipans et les Comanches, et dans une moindre mesure chez les Lakotas, les Crows et les Pawnees semi-sédentaires, le nom tribal représentait plus une désignation sociétale qu'un groupe organisé. Les Crows s'étaient doté d'une belle organisation duale, une branche étant appelée «ceux de la rivière» (ou de l'aval) et l'autre «ceux de la Montagne» (ou de l'amont); mais il ne s'agissait pas vraiment de deux moitiés. Les Tonkawas et beaucoup de peuples semi-sédentaires, dont les Iowas, les Osages, les Omahas et les Poncas, s'étaient partagés en deux moitiés composées chacune de plusieurs clans héréditaires. Durant une chasse communautaire, lorsqu'ils s'arrêtaient pour la nuit, ils dressaient deux campements distincts. À l'occasion de cérémonies tribales, chaque moitié s'asseyait du côté qui lui était réservé. Dans certains groupes, il était interdit de se marier au sein de sa propre moitié; dans d'autres, cet interdit n'existait pas. Chez les groupes semi-sédentaires de langue siouenne, l'organisation sociale et politique était centrée sur le village et/ou sur les clans —des ensembles de lignages se réclamant d'un ancêtre commun en vertu d'un mode de filiation unilinéaire (paternel ou maternel). Les noms des clans remontaient à un lointain passé, la filiation (patrilinéaire ou matrilinéaire) déterminait l'appartenance de chacun à un clan; et le clan ignorait les limites des villages. Les chefs des lignages les plus importants formaient des conseils qui gouvernaient les villages, mais aussi la confédération de villages qui constituaient la tribu, ou communauté ethnique.
Pour quelques peuples semi-sédentaires comme les Wichitas, les Mandans et les Hidatsas, le mode de filiation était matrilinéaire et les clans étaient donc constitués de matrilignages. Dans les sociétés où les femmes contrôlaient la production agricole, un tel système était courant. Chez les chasseurs de bisons à plein temps, là où les hommes contrôlaient les troupeaux de chevaux et la chasse, le mode de filiation était patrilinéaire mais, à quelques exceptions près, tels que les Crows, les Tonkawas et les Gros-Ventres, les chasseurs nomades ignoraient les clans. Les clans apportaient et exigeaient la stabilité, et avec leur organisation fluctuante, en vastes communautés durant l'été et en petites bandes pendant l'hiver, les peuples nomades avaient besoin d'être très flexibles. Les bandes éclataient et se reformaient, et les familles vivaient leur vie, un temps en compagnie de la parentèle de la mère, puis en compagnie de la parentèle du père. C'est pourquoi les chasseurs de bisons à plein temps avaient adopté un mode de filiation bilatéral. En fait, la plupart des peuples des Plaines devinrent bilatéraux, les familles du père et de la mère prenant une part active à l'éducation des enfants. L'organisation sociale n'était pas statique. L'exemple des Crows illustre de façon parfaite l'adaptation des peuples des Plaines aux nouvelles circonstances. Avant l'arrivée des Européens, les Crows avaient un mode de filiation typiquement matrilinéaire (semi-sédentaires), associés aux Hidatsas, dont la société était clanique. Puis possédant des chevaux, ils se lancèrent sur les Grandes Plaines où ils devinrent chasseurs de bisons nomades et adoptèrent un mode de filiation bilatéral. Un autre exemple d'évolution des sociétés, est l'apparition d'un système que l'on pourrait apparenter à des chefferies. Le chef représentait l'autorité centrale et, s'il n'avait en réalité que peu de pouvoir politique, il était cependant à la tête de l'organisation sociale et économique de la communauté, particulièrement en ce qui concernait la distribution du surplus de vivres. Son autorité s'accrut et l'importance du rang également.
Avant l'arrivée des Européens, la majeure partie des peuples des Plaines avaient des économies de subsistance. Tous les individus de même sexe et de la même classe d'âge faisaient à peu près le même travail. Tous n'étaient pas égaux, mais les hommes et les femmes de la même classe d'âge jouissaient en gros de la même position sociale. Après l'arrivée des Européens, de nombreux groupes tribaux participèrent à la traite et découvrirent le commerce, et la nature égalitaire de leurs sociétés s'estompa. Voir les Wichitas, où un système de classes sociales, basé sur la richesse, apparut. Profitant de leurs relations commerciales privilégiées avec les Français, à l'est, et avec les Comanches, à l'ouest, quelques familles s'enrichirent et virent leur influence croître. Les Kiowas, eux aussi, adoptèrent une hiérarchie sociale fondée sur l'acquisition de chevaux. Avec le temps,leur richesse en chevaux et en marchandises de traite permit à certaines familles de prendre plus d'importance que les autres et de contrôler les accès aux fonctions politiques. Les négociants blancs, puis les agents du gouvernement des États-Unis, et enfin les officiers de l'armée américaine contribuèrent au processus. Tous préféraient avoir affaire à une seule personne représentant la communauté et ayant autorité pour parler en son nom. Ainsi, Sitting Bull et Crazy Horse, chez les Lakotas, Quanah, chez les Comanches, Black Kettle, chez les Cheyennes, et Washakie, chez les Shoshones, furent de tels leaders charismatiques qui émergèrent vers le milieu du XIXe siècle et devinrent des chefs influents, identifiés à leur groupe ou sous-groupe tribal.
représentant Cheyenne |
Les chefs parvenaient à la position qu'ils occupaient de différentes façons, la plus commune étant le succès à la guerre. Toutefois, un chef pouvait être quelqu'un possédant un jugement sûr et respecté, mais qui ne s'était jamais distingué en tant que guerrier. C'était parfois un homme réputé pour sa générosité, ou dont le comportement viril était en parfait accord avec les idéaux de la tribu, ou dont les actes passés étaient au-dessus de tout reproche. Un chef pouvait être «écarté» pour une certaine période (entorse aux coutumes, aux lois tribales, etc.). La séparation des pouvoirs (civil et militaire) étant un principe fondamental, les peuples des Plaines avaient deux sortes de leaders. Un chef civil avait souvent passé l'âge des joutes guerrières. Il devait incarner les idéaux de sagesse, d'ordre, de générosité et de paix. Il devait protéger l'unité de la bande ou du village et ses membres. Les chefs de guerre étaient choisis à chaque raid, à chaque guerre, parmi les jeunes hommes les plus vigoureux et les plus populaires. Durant les hostilités, ils déterminaient la tactique générale, désignaient les éclaireurs, décidaient des lieux de campement, commandaient le repli si nécessaire et concluaient une trêve avec l'ennemi. Leur pouvoir était alors absolu, mais leur fonction prenait fin dès la fin de la guerre ou du raid. Cependant, de nombreux groupes reconnaissaient un chef de guerre principal qui avait mérité cette fonction car il avait remporté de nombreuses victoires. Les chefs de guerre incarnaient les idéaux des Indiens des Plaines : bravoure, audace, force physique et morale.
À l'occasion des grandes chasses, les groupes tribaux demandaient le plus souvent à une société de guerriers, telle que la «Bow String Society» des Cheyennes (la Société de la Corde de l'Arc), ou l'une des «akicita» des Lakotas (les Sociétés de guerriers les plus réputés), d'exercer l'autorité à cette occasion. Désignées pour une année, ces «polices» tribales dirigeaient les chasses. Ils exigeaient l'obéissance stricte à leurs instructions, rappelaient à l'ordre ceux qui se conduisaient mal, et punissaient très sévèrement quiconque compromettait le succès de la chasse. Leur pouvoir était absolu.
Les chefs civils gouvernaient par l'intermédiaire d'un conseil peu structuré, dominé par un chef, ou un leader principal, qui était une sorte de président de séance. Il était rare que sa position soit formellement reconnue, mais ses avis étaient souvent pris en compte et son influence généralement décisive. Les autres leaders avaient un rôle de conseiller. Les décisions du conseil n'étaient ni arbitraires, ni autoritaires, car le conseil disposait seulement de son prestige et de son influence pour les faire appliquer. Les décisions concernant les relations extérieures —guerres et paix intertribales— se révélaient plus efficaces quand le conseil obtenait le consentement des sociétés de guerriers. Chez les Comanches, les membres du conseil conduisaient leurs réunions de façon courtoise et solennelle, et étaient extrêmement soucieux du décorum parlementaire. Une fois tous réunis, ils s'asseyaient et gardaient le silence tout en tirant sur la pipe du conseil, qu'ils faisaient circuler dans le sens des aiguilles d'une montre. Ensuite, le doyen d'âge se levait et exposait la question soumise à débat. Un bref silence suivait la fin de son exposé, puis chacun avait la possibilité de s'exprimer à son tour, en commençant par les plus âgés, mais souvent, seule une minorité des membres du conseil prenaient la parole, les autres se contentant d'approuver par quelques mots. En 1843, lors d'une réunion particulièrement animée du conseil des Comanches, lorsque tous les autres se furent exprimés, le chef Pahayuco, dont le tour de parole était venu, demeura silencieux. Pendant quatre heures, tout le monde resta immobile et muet tandis qu'il réfléchissait à la question. Les conseils tribaux se réunissaient rarement, faute d'une organisation effective. Les Cheyennes ne le réunissaient qu'une fois l'an (conseil de 44 membres). Les Comanches n'avaient pas de conseil tribal et la confédération dans son ensemble ne se rassembla qu'en 1874, pour célébrer la Danse du Soleil.
Parmi les leaders, les autorités, on comptait également les chamanes, ou «sorciers» ou «hommes-médecine», comme les appelaient les Blancs. Ces saints personnages des bandes et villages, hommes ou femmes ménopausées, étaient des guérisseurs, des prêtres et d'habiles magiciens. Chez les Comanches, les chamanes pratiquaient également la sorcellerie. Leur réputation était en fonction de leur aptitude, plus ou moins grande, à obtenir des visions (monde des esprits, transes ou rêves) et à traiter avec les esprits. Dans certains groupes, dont les Lakotas, il existait une distinction entre les chamanes : guérisseurs ou communicants avec les esprits. Extrêmement intelligents, doués d'une forte personnalité et d'un grand pouvoir de persuasion, les chamanes avaient une influence considérable. Ainsi, Sitting Bull, le grand wichasha wakan (saint homme) des Hunkpapas, était également chef civil et chef de guerre, d'où un pouvoir démesuré pour arbitrer les affaires tribales. En revanche, ils pouvaient perdre tout leur prestige suite à une prédiction erronée, et même, être tournés en ridicule.
Pour les prêtres par contre, la formation était longue et approfondie pour convaincre les autres membres de la communauté de la réalité de leurs pouvoirs. De plus, comme ils utilisaient la danse, la musique, le chant, le masque et la prière, ils recevaient une formation qui nécessitait une coordination avec d'autres individus, particulièrement dans le domaine des rituels tribaux. Ils devaient mémoriser les chants sacrés, les procédures rituelles et les moindres détails de diverses cérémonies tribales. Par exemple, superviser des célébrations aussi élaborées que la cérémonie de l'Étoile du matin, chez les Pawnees, celle du renouveau de la Flèche, chez les Cheyennes, l'Okipa des Mandans ou la Danse du Soleil des Lakotas. Les mêmes individus pouvaient être à la fois chamanes et prêtres, mais les prêtres étaient plus nombreux dans les sociétés vivant en communautés importantes, comme les villages des horticulteurs semi-sédentaires, tandis que les chamanes appartenaient plutôt aux petites bandes de chasseurs nomades. Chez les Pawnee, il existait un clergé officiel et héréditaire, la prêtrise se transmettant en ligne maternelle.
En l'absence de loi écrite, les leaders exerçaient un contrôle social en fonction des coutumes établies et des tabous respectés, et en tenant compte de l'opinion publique. Ils s'appuyaient sur les cas similaires et sur les précédents crées par tel cas (une juriste prudence en quelque sorte). Ainsi, les Cheyennes considéraient le meurtre d'un membre de la tribu par un autre membre comme une transgression majeure qui obligeait la tribu à purifier ses Flèches sacrées, et contraignait la bande du meurtrier à quitter le lieu profané. Le coupable se voyait interdire de participer aux activités tribales pour une période donnée (dix ans parfois). En revanche, les Crows et Lakotas, considéraient le meurtre comme une affaire privée et encourageaient la famille du coupable à offrir un paiement compensatoire aux parents de la victime. Sensibles au qu'en-dira-t-on, qui était susceptible d'affecter leur statut social, les Indiens des Plaines évitaient les comportements impopulaires. Chez les Pieds-Noirs, un voleur ou quiconque devenait une grave nuisance, s'exposait à être ridiculisé, méprisé, moqué, et à devoir s'exiler du campement ou du village. Dans certains groupes, ce sont les parents moqueurs (cousins, cousines, beaux-frères, belles-sœurs, etc.) qui raillaient et ridiculisaient les travers tels que mauvais goût, paresse, sottise, etc., dans le but d'améliorer le comportement social de chacun.
Les associations incluaient les sociétés de guerriers, les guildes et les corporations, les sociétés festives, les sociétés de danse, les cercles de rêveurs. Les plus nombreuses étaient masculines, mais les femmes n'étaient pas en reste. Chez les Kiowas, sous le nom de Vieilles femmes et à laquelle les guerriers venaient demander prières et conseils avant et après leurs raids. Chez les Pawnees, femmes célibataires et veuves association, dont les membres portaient des vêtements élimés et torturaient les prisonniers. Chez les Mandans, les membres de l'Oie, célébraient les rituels destinés à encourager le maïs à pousser. Les femmes cheyennes avaient une association de décoratrices de tipis. Dans quelques communautés, les femmes faisaient partie de la société de guerriers de leur mari. Les associations masculines étaient également diverses. Il existait des «loges» réunissant les anciens, des guerriers et des rêveurs. Les sociétés de guerriers étaient nombreuses. 10 chez les Hidatsas, 8 chez les Mandans et 6 chez les Cheyennes, dont les deux les plus célèbres : Crazy Dogs (Chiens Fous) des Cheyennes du Nord, et les Dogs Soldiers (Soldats Chiens) des Cheyennes du Sud. En revanche, les Crees des Plaines n'avaient qu'une société de guerriers par bande, qui regroupait tous les hommes en âge de prendre les armes. Quand aux Comanches, ils ne connaissaient pas ce genre de confrérie. Les membres de chaque société partageaient leur expérience du combat et leurs secrets. Ils avaient en commun une certaine façon de se vêtir, des insignes et des cérémonies qui leur étaient propres. Des différences importantes existaient entre les diverses sociétés de guerriers. Les Oglaglas distinguaient les akicita (hommes mûrs) à qui ils confiaient chaque année la police, lors des grandes chasses estivales. Ainsi, les Braves, une des akicita, devint la société de guerriers la plus puissante et fut choisie plus souvent que les autres comme force de police. Elle était conduite par deux leaders, deux porteurs de coiffe de guerre et quatre porte-lance, et comptait une quarantaine de membres. Ses leaders faisaient vœu de ne jamais reculer devant l'ennemi. Au combat, les porteurs de coiffe de guerre s'attachaient au sol en utilisant un petit piquet et leur ceinture, et ne bougeaient plus d'un pouce avant que l'ennemi ne soit repoussé ou mis en fuite, ou bien qu'un autre membre de la société ne vienne les détacher. Chez les Hunkpapas, les Strong Hearts (Cœurs Forts) occupaient la même position, et chez les Yanktons, les Yanktonais et les Santees, il existait l'équivalent. Des associations similaires existaient également chez les Arikaras, les Assiniboines, les Cheyennes, les Crows. Les Pawnees, et à un degré moindre, chez les Sarsis, chez certains Shoshones.
Affiche de l'exposition http://www.quaibranly.fr |
La plus caractéristique de ces sociétés de guerriers était Kiowa et ses membres s'appelaient les Kaitsenko (les Reds Dogs ou Chiens Rouges, ou les Dix plus Braves). Aristocratique et très fermée, elle était composée d'individus qui faisaient le serment de combattre jusqu'à la victoire. Au combat, le leader se clouait au sol à l'aide d'une flèche cérémoniale passée à travers l'extrémité de sa longue écharpe noire, et demeurait à son poste jusqu'à la victoire ou, en cas de défaite, jusqu'à ce qu'un autre membre ne le libère. En 1871, en route vers une prison du Texas, Satank (Ours assis), âgé mais courageux, décida de mourir plutôt que de vivre en captivité. Poignardant un de ses gardiens, il tenta de fuir, mais il fut criblé de balles.
Les sociétés de rêveurs avaient de nombreuses caractéristiques communes avec les sociétés de guerriers, mais leur domaine s'étendait bien au-delà des activités martiales. Rêves et visions déterminaient l'adhésion à telle ou telle confrérie. Chez les Lakotas, il y avait des sociétés de rêveurs de cerf, d'ours, de bison et de wapiti. La société de rêveurs de Wapiti conduisait des cérémonies en relation avec l'amour et la sexualité. Chez les Crows, chez les Pieds-Noirs et les Sarsis, les rêveurs de tabac étaient regroupés au sein d'une société qui se consacrait à des rituels associés à la culture du tabac sacré.
Les plus étonnantes sociétés de rêveurs étaient probablement les hohnuhk'e, chez les Cheyennes, et les heyoka, chez les Lakotas. Il s'agissait de confréries de clowns sacrés connus sous le nom de «contraires», des hommes et, très rarement, des femmes qui faisaient exactement l'inverse de ce qui était considéré comme normal. Ils grelottaient de froid par temps chaud, chevauchaient à l'envers, tenaient leur arc dans le mauvais sens, et agissaient globalement d'une manière clownesque qui ravissait la communauté et lui apportait le soulagement que procure le comique. Selon un témoin oculaire, «l'une de leurs prouesses les plus spectaculaires» consistait à plonger leurs mains et «leurs bras dans l'eau bouillante... [et] à se plaindre qu'elle était froide», une épreuve qu'ils arrivaient à supporter en enduisant leurs mains et leurs bras de feuilles de mauve mâchées. Ces contraires, appelés Crazy Dogs (Chiens Fous) chez les Arapahos et les Crows, étaient également des guerriers qui combattaient avec une bravoure et une vaillance hors du commun, souvent même avec témérité. Ils vivaient parfois seuls et à l'écart du campement, portaient des vêtements en loques, et assumaient ce statut de «contraires» après avoir rêvé de tonnerre et d'éclairs. Ils étaient admirés et respectés par l'ensemble de la communauté.
Toutes ces associations furent affectées parfois dramatiquement, par le brutal accroissement du taux de mortalité causé par les épidémies à répétition. En fait, les maladies apportées par les Européens anéantirent pratiquement certains groupes tribaux.
· les Mandans disparurent presque totalement.
· les Piegans perdirent la moitié d'entre eux lors de l'épidémie de variole de 1781.
· les Pieds-Noirs disparurent au deux tiers (4000 individus) en 1837, au cours de la nouvelle épidémie de variole. Touchés également, les Bloods, les Piegans et les Small Robes.
Au total la variole frappa les Pieds-Noirs en 1871,1837-1838, 1849-1850 et 1869-1870. La scarlatine en 1837 et la rougeole en 1864-1865.
L'épidémie de variole de 1869 fut un véritable désastre. Tout au long de l'hiver 1869-1870, Siksikas, Bloods, Piegans et Sarsis abandonnèrent leurs tipis, et des familles entières périrent dans le blizzard. Plutôt que de subir les effets dégradant de la vérole, des hommes mûrs en vinrent à tuer femmes et enfants avant de se suicider. Des jeunes hommes et guerriers se suicidèrent aussi, afin d'échapper au gonflement, à la pestilence, au délire et au défigurement causés par la maladie. Au printemps 1870, quand l'épidémie se calma, les Piegans avaient perdu plus d'un millier des leurs, les Siksikas et les Bloods plus de 1200. En 1849, une épidémie de choléra apportée par des chercheurs d'or empruntant la piste de l'Oregon causa, selon les estimations, la mort de 1200 Pawnees. Redoutant cette terrible maladie, les Pawnees fuirent sans enterrer leurs morts. Les Comanches furent contaminés par des chercheurs d'or en route pour la Californie à travers le Texas, et payèrent un tribut plus lourd encore au choléra qu'à la variole, qui les frappa pourtant à trois reprises, en 1816,1839-1840 et 1861-1862.
L'existence des Indiens des Plaines fut également affectée par l'alcool. Au cours du XIXe siècle, l'usage des boissons alcoolisées -principalement rhum et whiskey —fut la cause d'une série de troubles sociaux. Pour les peuples des Plaines, la consommation d'alcool était généralement une pratique sociale en relation avec le commerce et la diplomatie —un préliminaire au marchandage— plutôt qu'un plaisir solitaire, et les participants buvaient souvent jusqu'à plus soif. Les Indiens des Plaines ne jugeaient pas ceux qui buvaient, ni ceux qui se comportaient mal en état d'ivresse. Tous les Indiens ne buvaient pas. Il fut même un temps où les Crows, les Comanches et les Pawnees s'abstinrent de boire de l'alcool. Les négociants blancs achetaient aux distilleries de Saint Louis un whiskey bon marché, un tord-boyaux qu'ils mélangeaient avec divers ingrédients. Certains employaient de l'encre rouge pour le colorer, d'autres le frelataient avec de la mélasse pour lui donner l'aspect du rhum, d'autres encore y ajoutaient des bitters, des analgésiques au rabais ou des remèdes de charlatans. Une de ces mixtures consistait à mélanger trois volumes d'eau pour un d'alcool pur dans lesquels on mettait à macérer du tabac à chiquer, du gingembre et des feuilles de thé. Ainsi, des empoisonnements et des maladies graves accompagnèrent la consommation d'alcool.
Les taux élevés de mortalité dus aux maladies introduites par les Européens provoquèrent des bouleversements dans les relations familiales, la vie tribale et les rapports intertribaux. Familles et bandes en souffrirent énormément surtout dans les domaines d'activités coopératifs tels que la chasse, la traite et l'agriculture. En outre, l'équilibre des pouvoirs au sein des communautés tribales changea, entraînant un réalignement des frontières et des allégeances tribales. Le manque de guerriers réduisit la capacité de certains groupes tels que les Assiniboines, les Pawnees et les Poncas, à assurer leur défense, celle de leurs villages et de leurs cultures. Beaucoup de peuples semi-sédentaires finirent par se tourner vers les Blancs pour obtenir leur protection contre la puissance grandissante de groupes nomades comme les Lakotas, dans le Nord, et les Comanches, dans le Sud. Les relations familiales étant rompues, le partage traditionnel du travail s'en trouva perturbé, ce qui précipita la transformation des sociétés des Plaines.
Vie en société et conventions sociales
La participation des femmes à la vie de la communauté était aussi importante que celle des hommes. Elles s'occupaient du tipi ou de la hutte, préparaient les repas, travaillaient les jardins, fabriquaient les vêtements. Ce que les Cheyennes admiraient avant tout chez la femme, c'était le sens des responsabilités et de la communauté, un comportement réservé et la volonté constante de préserver les idéaux et les valeurs de la tribu. Une Cheyenne instruisant une jeune fille qui était en âge d'être courtisée disait : «C'est idiot d'échanger trop de regards et de sourires... [Ton soupirant] pensera que tu es trop facile et immorale... Tu ne dois surtout pas accepter la première demande en mariage de ton soupirant». Dans certaines occasions, elles siégeaient au conseil tribal, et décidaient parfois du choix des leaders et des chefs. En l'absence des hommes (chasse et guerre), elles géraient la vie du campement et prenaient des décisions quotidiennes. Quelques femmes devenaient guérisseuses telles que Pretty Shield chez les Crows, ou Sanapia chez les Comanches. D'autres comme Woman Chief chez les Crows, et Running Eagle chez les Pieds-Noirs, étaient des guerrières. Elles avaient des droits que leur époux se devait de respecter et elles affrontaient les changements qui affectaient les sociétés des Plaines avec plus d'assurance que les hommes.
Hommes et femmes étaient heureux d'avoir des enfants, surtout des garçons; ils s'occupaient beaucoup d'eux, les traitaient bien et avaient très rarement recours aux châtiments corporels.
· Lone Wolf, un Pied-Noir : «Chez nous, on ne punissait jamais les enfants en les frappants (…) Des mots gentils et de bons exemples étaient beaucoup plus efficaces».
On associait le jeu et l'éducation. Les garçons apprenaient à être chasseur ou guerrier, en participant à des simulacres de combats et de chasses aux bisons. Ces jeux devenant de plus en plus brutaux avec l'âge des participants. Iron Shell, un Lakota : «Certains étaient gravement blessés, mais après on en parlait et on en riait. Il était très rare que l'un d'entre nous se mette en colère». Chez les Crows et chez les Pieds-Noirs, un père ayant une relation privilégiée et très étroite avec sa fille, ou l'une de ses filles, celle-ci pouvait l'accompagner à la chasse ou lors de certains raids. Ainsi, acquérant de l'expérience dans ces domaines, certaines femmes devenaient guerrières. Toutefois, la grande majorité des filles jouaient à la poupée, aidaient leur mère à faire le ménage et apprenaient à coudre et à cuisiner. Devenues plus âgées, elles demeuraient à proximité du tipi ou de la hutte et ne s'en éloignaient qu'accompagnées. On enseignait également aux enfants l'histoire, les mythes, les légendes et les valeurs de la tribu.
Fiers, mystiques et spontanés, les Indiens des Plaines étaient grands (exception faite des Comanches et des Tonkawas). Les individus de plus d'un mètre quatre-vingts étaient nombreux dans le Nord. Ils avaient de longues jambes, et étaient bien bâtis et musclés. Touch the Clouds [Touche-les-Nuages], un Lakota, mesurait plus de deux mètres, et on rencontrait de pareils géants chez les Osages. Ils étaient robustes, généralement en bonne santé, et il était rare qu'ils aient des cheveux blancs ou deviennent chauves. Ils avaient peu de poils sur le visage et ils s'épilaient le peu qu'ils avaient. Les yeux et les cheveux étaient noirs, et raides. Leur peau était brun foncé, mais parfois cuivrée, et les Pieds-Noirs et les Mandans avaient le teint plus clair. La morphologie du visage variait quelque peu : Pieds-Noirs, Crees des Plaines et Assiniboines avaient le visage rond et les traits fins; les Lakotas, le visage allongé et le nez fort; les Pawnees, le visage lourd et massif; les Comanches, le nez aquilin, les lèvres minces et les yeux marrons. La forme du crâne variait aussi : Pieds-Noirs, Crees des Plaines, Lakotas, Cheyennes, Arapahos et Pawnees étaient dolichocéphales (crâne plus long que large). Comanches, Osages, Wichitas et Kiowas étaient Brachycéphales (crâne aussi large que long).
La famille était à la fois nucléaire (père, mère, enfants) et étendue (père, mère, enfants, grands-parents, oncles et tantes célibataires, et quelques autres parents par le sang ou le mariage). Les familles nucléaires vivaient et campaient souvent ensemble, augmentant ainsi leur potentiel économique et développant des interactions sociales de toutes sortes. Les familles comptaient rarement plus de trois ou quatre enfants non mariés, y compris parfois un enfant adoptif. Les Indiennes allaitaient leurs enfants très longtemps — de deux à quatre ou cinq ans— et s'abstenant de toutes relations sexuelles durant cette période, les naissances étaient souvent espacées de trois à cinq ou six années. Luther Standing Bear, un Lakota : «C'était seulement quand leur dernier né avait cinq ans ou six ans que les parents se permettaient d'avoir un autre rejeton». Voilà pourquoi les familles Lakotas n'étaient pas des familles nombreuses. Les avortements accidentels (travaux pénibles, être souvent à cheval) et les taux élevés de mortalité infantile contribuaient à limiter le nombre des enfants. Les femmes Comanches étaient presque les seules à pratiquer le contrôle des naissances. Elles utilisaient probablement des plantes médicinales. La naissance d'un enfant était une joie. Dans certains groupes, les adultes baignaient le nouveau-né puis le frottaient avec la graisse de bison femelle tiédie. Dans d'autres, on ne baignait pas le nouveau-né, mais on le frictionnait avec de la mousse sèche. Pour la plupart, le cordon ombilical était conservé et placé dans une amulette en peau décorée qui avait la forme d'un lézard ou d'une tortue —deux animaux symbole de longévité. Les bébés la portaient autour du cou ou bien des parents l'accrochaient dans un arbre ou l'attachaient au berceau traditionnel. Des végétaux absorbants, épis de massettes, lichens et mousses, servaient de couches.
Peu après sa naissance, à l'occasion d'une fête particulière organisée par ses parents, le bébé recevait un nom que lui donnait une personne habituellement du même sexe que lui, et il conservait ce nom jusqu'à ce qu'il soit en âge d'en acquérir un nouveau. Le donneur de nom, qui pouvait être le père, la mère, un oncle, une tante, un guerrier respecté, un saint homme, était généralement inspiré par un épisode ou un personnage de sa propre vie. Souvent, les filles recevaient des noms contenant le mot «femme», qui se traduisait en anglais par Corn Woman [Femme-Maïs] ou Buffalo Bird Woman [Femme-Oiseau-Bison], mais aussi d'autres noms tels que Pretty Shield [Joli-Bouclier]. Fréquemment, les garçons recevaient le nom d'un animal associé à un qualificatif. En anglais, ces noms deviennent White Wolf [Loup-Blanc], Iron Bull [Taureau-de-Fer] ou Sitting Bear [Ours-Assis]. Tous les enfants pouvaient avoir aussi des surnoms. Parce qu'ils croyaient qu'un nom avait des pouvoirs particuliers, les parents changeaient le nom de leurs enfants à la suite d'une maladie grave ou d'un événement malheureux. Après avoir accompli une prouesse ou réalisé un exploit, les adultes pouvaient également prendre un nouveau nom. Les Pieds-Noirs en changeaient souvent, parfois tous les ans.
Dès les premiers jours, les Indiens des Plaines empêchaient leurs enfants de pleurer, car un groupe qui se cachait de ses ennemis pourrait être trahi par les pleurs d'un bébé. Les jeunes Indiens des Plaines se conduisaient généralement bien. Quand parfois, des garçons se comportaient comme des enfants gâtés, ils étaient rare que les parents les punissent, les frappent ou se mettent en colère et crient, mais discipline, conseils et instruction ne faisaient pas défaut, et il existait des contraintes. Une d'entre elles était de faire appelle au croque-mitaine, qui était souvent le hibou ou le coyote. Plus tard, l'homme blanc ( Wasichu) devint le croque-mitaine favori. Les anciens demandaient aux enfants de faire telle ou telle chose plutôt que le leur ordonner, et ils leur enseignaient les bonnes façons de se conduire, la politesse, l'étiquette et les valeurs ancestrales. Afin de donner plus d'assurance à leurs enfants, au risque de développer leur vanité, les Indiens des Plaines ne cessaient de vanter leurs exploits, et donnaient souvent des festins en leur honneur. Quand, à l'âge de treize ans, First Boy tua un loup gris, sa famille distribua des présents aux pauvres. «Festins et dons, a écrit Severt Young Bear, un Lakota, était une des traditions familiales qui apprenait aux enfants le respect et l'honneur». Dans de nombreux groupes tribaux, tels que les Arapahos, les Gros-Ventres, les Pieds-Noirs et les Lakotas, les parents confiaient leurs jeunes enfants à un couple plus âgé, généralement des grands-parents, afin qu'ils les élèvent. Oncles et tantes, surtout dans les sociétés claniques, s'occupaient de leurs neveux et nièces, et prenaient part à leur éducation. Dans tous les cas, l'enfance était une période heureuse, et les jeunes Indiens des Plaines étaient rarement livrés à eux-mêmes. Les frères aînés protégeaient et aidaient leurs cadets. Dans certains groupes, ils assumaient les mêmes responsabilités que le père. Souvent, les filles prenaient soin de leurs jeunes frères. Les rivalités existaient aussi. Des sœurs pouvaient mal accepter le favoritisme dont leurs frères bénéficiaient, et il arrivait que des sœurs aînées bastonnent leurs jeunes frères. Les enfants captifs pouvaient être maltraités par les garçons ou les filles plus âgées qu'eux, et même par des adultes. Chez les Lakotas, sitôt sortis de l'enfance, frères et sœurs s'évitaient soigneusement jusqu'à leurs mariages respectifs. Devenus adolescents, garçons et filles ne jouaient plus ensemble, et frères et sœurs ne plaisantaient plus jamais en présence les uns des autres. Dans beaucoup d'autres groupes, les tabous sociaux interdisaient les mêmes choses, dès l'âge de la puberté atteint.
Chez certains peuples, principalement les Crees des Plaines et les Lakotas, une fille parvenue à l'âge de la puberté devait subir une période d'isolement et de réclusion. Pendant la durée de ses premières règles, les anciennes l'enfermaient dans une hutte spéciale, située à l'écart du campement, et limitaient ses activités, car elle croyait qu'elle représentait un danger pour les humains, les animaux et les objets sacrés. La jeune fille ne pouvait quitter sa hutte que de nuit et en compagnie d'une autre femme ou de sa mère, qui étaient chargées de lui apporter à manger et à boire. Au terme de cette épreuve, son père célébrait une cérémonie publique et organisait un festin en son honneur. Ses parents lui offraient des vêtements nouveaux et des cadeaux. Les plus âgées expliquant à qui voulait bien l'entendre (prétendant éventuel) que ses qualités en feraient une excellente épouse. La vie quotidienne offrait de nombreuses occasions de rencontres amoureuses. Chaque matin, une jeune fille commençait par aller chercher de l'eau, et le sentier conduisant au ruisseau ou à la rivière devenait un bon endroit pour rencontrer le jeune homme de ses rêves. Chez les Cheyennes, les jeunes filles pratiquaient ensemble l'arrachage des navets sauvages et la cueillette de baies. Au retour, les jeunes garçons leur barraient le chemin. Le jeu était «d'essayer de prendre nos navets». Les jeunes filles se défendaient en bombardant les jeunes hommes avec des mottes de terre, du bois mort et de la bouse de bison séchée. Si l'une des filles permettait à l'un des garçons, de «compter un coup» aux dépends de sa récolte de navets, cela signifiait qu'elle était d'accord pour une relation amicale. Quand les choses devenaient plus sérieuses, les jeunes hommes se servaient d'une flûte pour jouer des chants d'amour à celle qu'ils admiraient. Les règles et les coutumes variaient d'un groupe à l'autre, mais un double principe leur était commun : les anciennes surveillaient le comportement des filles, mais les jeunes hommes étaient sensés «courir le jupon». La chasteté féminine était prisée, surtout chez les Cheyennes, et un prétendant n'aurait pas offert plusieurs chevaux pour une jeune fille ayant mauvaise réputation. Une fille recherchait pour mari un garçon robuste et fort, un bon chasseur et un guerrier courageux, quelqu'un qui soit capable de se procurer des chevaux, de lui fournir des peaux et beaucoup de viande, et d'assurer la protection d'une famille. De son côté, un garçon cherchait une fille vertueuse et réservée, habile à préparer les peaux et à les décorer. Il voulait qu'elle soit dure au travail, mais également une bonne épouse et une bonne mère. Bien sûr, garçons et filles souhaitaient des partenaires séduisants et soignés. Extrêmement soucieux de leur apparence, les Indiens des Plaines étaient très propres et consacraient beaucoup de temps à se coiffer et à se vêtir. Chez les Cheyennes, un jeune homme pouvait faire sa cour pendant quatre à six ans, et le choix de la jeune fille était habituellement prépondérant. Le mariage se déroulait après que la famille du jeune homme eut remis à celle de la jeune fille une compensation pour la perte qu'elle subissait, plus particulièrement pour la perte de potentiel de reproduction. Ladite compensation était souvent versée en chevaux, mais d'autres présents ou des services personnels pouvaient convenir. Les garçons se mariaient généralement peu après vingt ans, les filles souvent avant d'en avoir seize. Après le mariage, et après quelques jours passés seuls, les jeunes mariés emménageaient généralement dans la bande ou le village du mari. Mais le mode patrilocal souffrait d'exceptions. Chez les Arapahos et les Cheyennes, le mode de résidence était souvent matrilocal. Chez les Dogs Soldiers, tous les jeunes couples vivaient au sein de la bande. Le mariage en dehors du clan, de la bande, du village, était fréquent mais ce n'était pas la règle. Les Lakotas cherchaient d'abord de futurs conjoints au sein de leur propre bande, puis comme les époux ne devaient pas être proches parents, ils élargissaient le cercle des recherches aux bandes voisines ou au sous-groupe tribal.
La plupart des peuples pratiquaient le lévirat, obligation faite au frère d'un homme décédé d'épouser sa veuve, et le sororat, remariage d'un mari veuf avec une sœur de son épouse décédée. Ainsi, ils contribuaient à maintenir l'unité familiale et préservaient la stabilité sociale. Ils représentaient également un moyen d'amener le frère ou la sœur survivant à assumer les tâches familiales, l'entretien et l'éducation des enfants. Les tribus des Plaines considérant le mariage comme un lien entre deux groupes alliés avant de l'être de deux individus. Plusieurs peuples des Plaines pratiquaient la polygynie (polygamie masculine) de façon limitée. Tant que les enfants étaient peu nombreux, toutes les femmes (4 ou 5) partageaient le même tipi, puis chacune avait le sien. La multiplication des épouses permettant de produire un excédent de peaux de plus en plus important, la polygynie se développa au même rythme que la traite. Les épouses secondaires étaient souvent considérées come des «épouses pour les corvées», des aides de la première femme, qui demeurait la maîtresse de la maisonnée. La polygynie sororale (un homme marié à deux ou plusieurs sœurs) était assez fréquente. Crooked Neck, un leader Cheyenne avaient 5 épouses, toutes sœurs. La polyandrie (polygamie féminine) était extrêmement rare, mais les Comanches pourraient l'avoir pratiquée avant leur arrivée dans le Sud des Plaines, afin de limiter leur population. Une fois sur les Plaines, ils adoptèrent la polygynie, y compris avec des femmes blanches captives. La mère du grand chef Comanche Quanah, était une captive blanche, nommée Cynthia Ann Parker. Toutefois, la grande majorité des mariages étaient monogames.
Pour faire preuve de révérence vis-à-vis de leur belle-mère, Lakotas et Crows ne devaient jamais lui adresser la parole. Il était interdit à un Arapaho de lever les yeux sur son beau-père, ou de lui parler, mais les Pawnees et Arikaras ignoraient de telles restrictions. Les Crows ne permettaient pas qu'un homme parle grossièrement en présence de son beau-frère, mais toléraient qu'il se montre licencieux en présence de sa belle-sœur, au point de les laisser engager une conversation obscène, et jouer à des jeux érotiques. Les Arapahos et les Lakotas —pourtant les plus pudiques de tous les peuples des Plaines sur le plan sexuel— pratiquaient également ces échanges d'obscénités et de jeux érotiques. Les Comanches qui avaient peu de tabous à ce propos, permettaient que des frères puissent se prêter mutuellement leurs épouses. Par contre, les Apaches Lipans, les tabous concernant les relations entre parents par alliance étaient légion. Quand les épidémies des maladies d'origine européenne perturbèrent les relations familiales (taux de mortalité élevé) les coutumes de mariage changèrent. Quelques groupes passèrent de l'exogamie (conjoint en dehors du groupe) à l'endogamie (conjoint à l'intérieur du groupe). Pour préserver les structures familiales, ils capturèrent les femmes et les filles de leurs ennemis au lieu de les tuer. Les Comanches abandonnèrent la coutume de tuer la veuve sur la tombe de son mari décédé.
représentant Sioux |
Les célibataires, hommes ou femmes, étaient rares. L'économie de subsistance et la stricte division du travail selon les sexes exigeaient la participation conjointe d'un homme et d'une femme. «Le foyer était le centre de la société Lakota», Luther Standing Bear. Néanmoins, quelques adultes vivaient seuls. La plupart d'entre eux, étaient des membres de sociétés de guerriers ou de «rêveurs» qui évitaient de se marier. Plus, quelques veuves et veufs qui décidaient de ne pas se remarier. Il y avait des homosexuels et des «berdaches», comme les appelaient les trappeurs français, des travestis masculins dont certains étaient homosexuels. Les Poncas croyaient que la lune apparaissait aux jeunes garçons au moment de leur puberté, et leur donnait à choisir entre l'arc et une des sangles qui servaient aux femmes à porter des fardeaux. Sil hésitait à prendre l'arc, il recevait la sangle, qui symbolisait un style de vie féminin. Les berdaches tenaient le rôle de femme toute leur vie. Normalement ils ne combattaient pas, mais ils accompagnaient les guerriers sur les champs de bataille pour soigner les blessés. Beaucoup servaient de marieurs. Ils devenaient souvent les épouses secondaires de guerriers fameux. Les Indiens des Plaines agissaient conformément à leurs rêves ou à leurs visions, il n'y avait habituellement guère de honte à être homosexuel ou berdache. Find Them and Kills Them (Osh Tisch ou Miakate [Femme] Jim) était un berdache crow (ou Bote, comme les appelaient les Crows) qui jouissait d'un grand prestige, était très respecté et vivait avec Iron Bull, un chef des Crows. Chez les Lakotas, quelques homosexuels (appelés winkte) bénéficiaient d'un statut rituel. Il existait également des femmes berdaches, c'est-à-dire des femmes qui avaient choisi de tenir le rôle de l'homme et pouvaient prendre une autre femme pour épouse. Cette relation entrainait-elle automatiquement une relation lesbienne? La question reste en suspend. Ce qui est certain, c'est que cette situation permettait à une «femme-guerrier» de chasser et de participer à des raids tandis que sa compagne se chargeait des tâches ménagères.
Les Indiens des Plaines ne craignaient pas la mort. Ils la considéraient non pas comme une fin mais comme une partie du cycle naturel, qu'il fallait franchir pour boucler le cercle de la vie. Ils croyaient que tout un chacun, quel que soit ses mérites, gagnait le même au-delà où il menait une existence à peu près semblable à sa vie terrestre. Quand une personne âgée et malade sentait venir sa mort, elle disposait de tout ce qu'elle possédait et quittait le village, ou le campement, afin de gagner un endroit isolé et tranquille pour y mourir en paix. Parfois, faute de moyens, des bandes abandonnaient ses membres les plus âgés. Dans ce cas-là, le deuil était bref et discret. En revanche, la mort d'un enfant ou d'un adulte en pleine activité, était la cause de chagrin intense, spectaculaire et durable. Chez les Comanches, les parentes se vêtaient de guenilles et se lacéraient le visage, les bras, les jambes et la poitrine. En 1843, Pahayuco, un chef comanche, disait :
«Je pleure la perte de mon fils unique. Je dois gémir et porter le deuil jusqu'à ce que l'herbe reverdisse. J'ai brûlé mes tipis (5 d'entre eux), tué mes mules et mes chevaux, et répandu des cendres sur ma tête».
Dans beaucoup de tribus, les parents du défunt, hommes et femmes, coupaient leurs cheveux et se peignaient avec des couleurs de deuil pour montrer leur chagrin. Quand son épouse favorite mourut, One Horn, un chef miniconjou, monta à cheval et quitta son village comme un fou, déterminé à tuer la première créature vivante qu'il rencontrerait. Il tomba sur un vieux mâle solitaire. Il blessa le bison; puis à pied et armé de son seul couteau, il attaqua l'animal enragé. Quand on les retrouva, tous les deux étaient morts. Les funérailles suivaient la mort assez rapidement. La plupart des peuples nomades disposaient leurs morts sur des échafaudages ou dans des arbres. Les parents du défunt installaient son corps sur une fourche formée par deux branches, ou bien dressaient un échafaudage soutenu par trois ou quatre perches, et au sommet duquel, ils attachaient solidement le corps pour le protéger des loups et autres prédateurs. Les Crees des Plaines préféraient ensevelir leurs morts sous un mètre cinquante de terre, excepté en hiver, quand le sol était gelé. Pour les Comanches, rien ne valait une tombe peu profonde sur laquelle ils entassaient de grosses pierres et des troncs d'arbres, à moins de disposer d'une grotte ou d'une crevasse profonde. Dans de nombreux groupes, les parents baignaient le défunt et le peignaient en vermillon. Ils repliaient son corps en position fœtale, l'enveloppaient dans une peau de bison et l'ensevelissaient face au soleil levant, ou le plaçaient face aux cieux, aux esprits et aux nuages. Certains tuaient les chevaux et les chiens, d'autres enterraient avec lui une partie de ses objets personnels. Chez les Crees des Plaines, au soir du quatrième jour suivant la mort, les parents donnaient un festin, fumaient la pipe cérémonielle et faisaient des offrandes de nourriture aux esprits. Ensuite, ils revenaient régulièrement sur le lieu de la sépulture pour entretenir le site. Quelques Lakotas y revenaient au bout de deux ans, et à cette occasion, une veuve âgée pouvait prélever la mâchoire inférieure sur le squelette de son mari et l'attacher à son vêtement.A suivre...
photos Cheyenne et Sioux: Luc Kramarz http://www.rockin-k-ranch.fr/Indiens-des-plaines/
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