12/07/2017
Centrale à charbon de Blénod. [Alexandre Prévot]
En réaction au plan climat de la France, le secteur de l’électricité réclame plus de taxes sur le carbone. Des ONG dénoncent un certain flou quant au souhait de la France de relever l’ambition européenne.
Mardi, l’Union française de l’Électricité, lobby des producteurs d’électricité principalement nucléaire, a tenté de rebondir sur les questions fiscales, arguant que la transition écologique ne pouvait se faire sans un changement profond de la fiscalité dont des pans entiers subventionnent de fait les hydrocarbures en France.
Abandon du charbon
Pour le secteur de l’électricité, le plan climat aura de lourdes conséquences : le ministre de l’Écologie a annoncé son projet de fermer 17 réacteurs nucléaires, sur le total de 56 actuellement en fonctionnement. « Mais on n’a pas de calendrier pour cela », rappelle la présidente de l’UFE, Christine Goubet-Milhaud. La France veut aussi dire définitivement adieu au charbon durant le quinquennat.
Le charbon représente aujourd’hui environ 1 000 emplois au total, en comptant les emplois indirects, selon l’ UFE, avec quatre centrales à charbon fournissant de l’électricité, contre une bonne centaine en Allemagne par exemple. « Il est important d’accompagner une telle transition notamment sur le plan social », juge la présidente de l’ UFE.
L'Europe doit renoncer au charbon d'ici à 2030 pour respecter l'Accord de Paris
Toutes les centrales électriques à charbon de l’UE devront fermer d’ici à 2030 pour que l’Union puisse respecter ses engagements pris dans le cadre de l’accord de Paris sur la lutte contre le changement climatique, estime dans un rapport l’institut Climate Analytics.
En contrepartie de ces évolutions, le secteur électrique plaide pour sa paroisse en réclamant de taxer le carbone plus et mieux.
L’organisation propose donc de relever les taxes sur le diesel, qui sont nettement plus faibles que sur l’essence en France, ce qui permettrait de récupérer 6 milliards d’euros de revenus supplémentaires, mais aussi de supprimer toutes les exonérations de taxes sur les produits pétroliers, un manque à gagner estimé à 7 milliards d’euros.
Le marché du carbone réformé risque de profiter aux climato-sceptiques
La réforme du marché de droits d’émission de CO2 adoptée le 15 février à Strasbourg avait valeur de test pour toutes les industries lourdes fortement émettrices de CO2. Elle a échoué à supprimer les subventions à une industrie polluante, le ciment.
« Le gouvernement dit vouloir éliminer progressivement les énergies fossiles, mais concrètement on subventionne encore lourdement sa consommation », regrette Damiens Siess, directeur de la stratégie de l ’UFE.
L’ UFE appelle aussi à repenser la fiscalité locale, puisque les régions perçoivent une part des recettes sur les hydrocarbures consommées sur le territoire, pour un total de 12 milliards d’euros. Elles ne sont donc pas incitées, mais au contraire pénalisées par le développement de transports décarbonés. Idem, la taxe sur les cartes grises rapporte plus de 2 milliards d’euros aux régions, qui ont donc peu d’incitation à limiter le recours aux véhicules individuels pour les transports.
Le secteur de l’électricité veut jouer un rôle clé dans la transition énergétique de l’UE
Les acteurs du solaire, de l’éolien, des piles à combustible, du cuivre et des pompes à chaleur lancent l’Alliance de l’électrification. Un nouveau lobby qui veut donner à l’électricité une place clé dans le processus de décarbonisation de l’Europe.
En revanche, l’objectif de neutralité carbone annoncé pour 2050 laisse l’ UFE de marbre, à l’instar de nombreuses ONG qui trouvent l’échéance quelque peu lointaine pour avoir un impact. « On a besoin d’un cap précis », assure Christine Goubet-Milhaud.
Or pour l’heure, le plan climat français manque justement de précision. « L’objectif de neutralité carbone d’ici à 2050, aussi imprécis qu’incompréhensible, n’est pas une avancée : nous avons besoin d’objectifs précis et chiffrés permettant d’établir une feuille de route cohérente avec l’objectif des 2 °C », assure Maximes Combes d’ Attac.
Au niveau européen, les ONG s’interrogent aussi sur le sens réel de certaines phrases de ce plan climat. Et notamment celle-ci : « La France se mobilisera également pour que l’Union européenne, par son leadership, initie le mouvement du relèvement de l’ambition de ses objectifs de réduction des émissions, à la lumière des conclusions du dialogue de facilitation prévu en 2018 ».
Pour l’heure, l’UE a un objectif de réduction de ses émissions de CO2 de 40 % d’ici 2030, un niveau inapproprié par rapport à la cible de l’accord de Paris, qui est de maintenir la hausse des températures bien en dessous des +2 °C.
Ambition de l’UE
Angela Merkel a déjà proposé que l’UE « redouble ses efforts » sur le climat. Une alliance de 5 pays du Nord, dont la Suède, la Norvège, la Finlande, le Danemark a de son côté appelé, en mai dernier, l’UE à augmenter son ambition climatique.
Mais aucun objectif concret n’est précisé. « Il est regrettable que M. Hulot ne se soit pas présenté lors de la discussion des ministres de l’Environnement du 19 juin dernier sur le partage de l’effort (Effort sharing régulation) au Conseil », constate Ania Drążkiewicz, du réseau Climate Action, invitant le ministre à se manifester lors de la prochaine rencontre, le 13 octobre.
Quant à l’enjeu du prix du carbone, le projet d’établissement d’un prix plancher, largement répété durant la campagne présidentielle d’Emmanuel Macron, semble avoir disparu de l’agenda français, faute de consensus européen.
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