Réformes : d’une ouverture de marché à une autre

  PELLEN

Le projet de réforme de la SNCF prévoyant, entre autres, l’ouverture du marché ferroviaire à la concurrence a provoqué une ire des cheminots que la France n’avait plus connue depuis 23 ans. Comme il y a 23 ans, l’économie du pays est aujourd’hui soumise à rude épreuve par une grève des trains dont la dureté n’a d’égale que la surprenante mansuétude de la population laborieuse. Pourtant, tout le monde s’accorde à reconnaître que, avec 54 milliards d’euros de dettes, des infrastructures réseau en voie de délabrement et un service rendu aux usagers de moins en moins diligent, il y a urgence à transformer la société nationale.
Au tournant du millénaire, tel était très loin d’être le cas d’une EDF dont, depuis plusieurs années déjà, les intégristes libéraux de Bruxelles ourdissaient pourtant l’effacement de l’exemplarité. Ils ne pardonnaient pas à notre opérateur historique l’arrogance consistant à saborder l’accès du système électrique français à la discipline standardisée du marché. Comment ? Tout bonnement en étant trop bon marché et, fait aggravant, sans avoir préalablement recouru à la subvention d’État ! Bref, jusque vers la fin des années 80, cette EDF là était une entreprise efficace ayant simplement su faire les bons choix, au bon moment, et surmonter les handicaps hérités de son statut.

Hélas, le 15 juin 2010, cette EDF là fut délibérément entravée par des institutions françaises serviles, incapables de faire analytiquement la part des choses économiques, technologiques et sociales, profitables à la Nation, d’opposer la moindre réserve pertinente à l’injonction de Bruxelles : l’inique loi NOME fut promulguée, première étape d’une longue descente aux enfers de l’approvisionnement électro énergétique national dont les Français sont encore loin de connaître l’épilogue.
La disposition ARENH (Accès Régulé à l’Électricité Nucléaire Historique) de cette loi n’est pas la moindre des traductions de la volonté intégriste Bruxelloise d’éradiquer, une bonne fois pour toutes, le dévastateur exemple marchand français. De fait, parfaitement consciente que, en 2010, toutes les formes d’ouvertures à la concurrence du secteur aboutissaient immanquablement à la confirmation de la prédominance d’EDF, l’UE n’eut de cesse que se garder d’un marché dans lequel cette dernière était en situation de proposer des tarifs imbattables. 
On la força donc à vendre une partie de son électricité nucléaire à prix coûtant à ses concurrents, pour leur permettre de proposer des tarifs comparables aux siens, prétextant fallacieusement que l’entreprise historique avait longtemps bénéficié des subsides d’État.
Ce qui devait arriver de largement prévisible arriva. Loin de conduire à une meilleure efficacité commerciale, les effets d’aubaine qu’un tel marché a favorisés ont explosé et la majorité de pseudo opérateurs poussant comme des champignons se sont transformés en traders de l’électricité. Dans leur recherche de marges rapidement juteuses, ces gens n’ont aujourd’hui que faire de la gestion prospective d’une authentique politique nationale de l’énergie : ils se détournent des investissements stratégiques, leur préférant des investissements peu coûteux, rentables à court terme et, de préférence, copieusement subventionnés.
Quand le drame national de cette précipitation volontaire du pays dans l’indigence énergétique sera consommé, c’est-à-dire lorsque le mirage du dessein ultime de ses promoteurs sera entièrement dissipé, il sera hélas trop tard pour guérir efficacement la Nation des graves stigmates qu’elle en a retirés. Ce mirage sur le point de faire long feu amène encore beaucoup de Français à croire qu’il existe un modèle électro énergétique plus conforme que son prédécesseur aux exigences du siècle, consistant à décentraliser la production électrique.
 Une révolution réputée dans l’ordre des choses qui prescrirait de recourir aux énergies renouvelables sur l’intégralité du territoire, au photovoltaïque et à l’éolien en particulier, pour produire notre électricité de base, d’exploiter à fond les particularismes régionaux et d’inciter à de fortes économies d’énergie ; la production d’électricité de pointe étant assurée par une biomasse consommant bois et végétaux ou recourant à la méthanisation.
Dans ce programme de précarisation énergétique hors de prix, tout le monde aura reconnu la loi LTECV dont le financement repose sur un subventionnement annuel direct des énergies dites alternatives compris entre 10 et 20 milliards d’euros et sur une CSPE dont le taux de prélèvement par EDF – non remboursée à ce jour à hauteur de quelque 5 milliards d’euros ! – était de 9 % en aout 2011, de 23 % au printemps 2018. Tout le monde aura reconnu cette loi LTECV, mais peu de nos compatriotes acceptent de voir dans le décalage entre l’augmentation exponentielle du prix de leur électricité et le soi-disant effondrement des prix spot du kWh européen la perversion délibérée du marché communautaire par le subventionnement étatique de productions renouvelables, rendues de surcroît prioritaires sur le réseau. EDF est sur le point d’en mourir dans l’indifférence générale et à la plus grande satisfaction d’une Allemagne inondant notre pays de ses kWh charbonniers colorés en vert. 
Si, peu ou prou, depuis 20 ans, l’ensemble des Français se sont faits les complices d’une telle iniquité nationale, l’État et les syndicats en portent la plus grande responsabilité. Le premier pour la conception et la planification d’une loi de transition énergétique foncièrement partisane et idéologisée, les seconds et une part très importante de Français pour le cautionnement cynique, dans le domaine de l’énergie électrique, de ce qu’ils ne tolèrent pas pour une SNCF pourtant en très grand danger économique.
Il y a une terrible injustice à voir tout ces gens célébrer l’ouverture du marché électrique, dans la pompe d’un débat sur le PPE qui ratifiera immanquablement la mise à mort de Fessenheim et l’étiolement délibéré d’EDF, en même temps que les voir mettre le pays en coupe réglée pour empêcher que l’on protège une société industrielle nationale des périls que ce même marché lui font courir.

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