Publié le 06.04.2018
Le « Manifeste pour une PPE responsable » est relayé ici par Alain Desgranges, ancien directeur de la centrale ¾ du Blayais, l’un des 410 signataires du texte.
Les 12 et 13 avril, le secrétaire d’État à l’écologie Sébastien Lecornu, sera de retour sur les terres alsaciennes pour se préoccuper de l’avenir du site de Fessenheim dont la fermeture anticipée à été décidée par le gouvernement.
A cette occasion, d’anciens professionnels de l’énergie ont adressé une lettre au Premier Ministre le 9 mars 2018, souhaitant l’alerter sur les incohérences de cette décision au regard des objectifs prioritaires de son gouvernement (diminution des émissions de gaz à effet de serre, développement de l’emploi, réduction des déficits de la balance commerciale et sécurité d’alimentation électrique).
Les 410 signataires de ce manifeste, dont de nombreux anciens directeurs de centrale ou anciens patrons du parc nucléaire d’EDF, ont passé tout ou partie de leur carrière professionnelle dans l’ingénierie, la construction ou l’exploitation de centrales nucléaires. Certains d’entre eux ont assuré le démarrage de la centrale de Fessenheim.
La fermeture de Fessenheim est injustifiée
Aujourd’hui, en situation de retraités, ils souhaitent donner leur avis dans le cadre de la PPE 2018 sur les effets néfastes pour notre pays de la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte qui pose pour principe la réduction de la production électronucléaire.
Cette disposition, seulement fondée sur un engagement électoral, n’a aucune justification aux plans technique, social, économique et environnemental. Elle aura pour première conséquence la fermeture anticipée de Fessenheim.
L’application de cette loi ne permettra pas à la France de respecter ses engagements de réduction de ses émissions de gaz à effet de serre qui constituent pourtant un enjeu majeur pour les générations futures et une priorité forte rappelée par le Président de la République.
En effet, remplacer l’électricité bas carbone produite par nos centrales nucléaires par des énergies renouvelables n’a guère de sens en raison de l’intermittence de production de l’éolien qui nécessitera des moyens compensatoires (en France ou chez nos voisins) utilisant des combustibles fossiles générateurs de gaz carbonique. Ce constat est partagé par d’éminents scientifiques et techniciens (1).
Ce défaut majeur est également confirmé par RTE dans ses différents scénarios étudiés dans le cadre de la Programmation Pluriannuelle de l’Énergie (PPE) qui conduisent tous à une hausse des émissions de gaz carbonique.
Le Premier ministre a affiché son « pragmatisme » comme méthode de gouvernement en mettant en avant ses priorités :
o la lutte contre le réchauffement climatique avec la diminution des émissions de gaz à effet de serre,
o le développement de l’emploi,
o la réduction du déficit public,
o la réduction du déficit de la balance commerciale.
Or, la fermeture de Fessenheim, et plus encore celle d’autres réacteurs, est contraire à tous ces objectifs.
Pourquoi sacrifier une installation rentable ?
Comment le gouvernement peut-il s’émouvoir chaque fois qu’un industriel annonce la suppression de quelques centaines d’emplois et prendre la décision d’en supprimer plus de 2000 sans véritables raisons ?…
Comment peut-il jeter ainsi un doute sur la capacité de notre industrie à porter à l’export un projet de réacteurs de nouvelle génération et fragiliser un peu plus cette filière industrielle ?…
Alors que chaque jour apporte la confirmation de la situation dégradée des finances de l’Etat, comment peut-il sacrifier une installation rentable et accepter d’en payer un prix qui pourrait atteindre 4 milliards d’€ selon un rapport parlementaire alors qu’un effort est demandé à tous les Français pour diminuer le déficit public et celui de la balance commerciale ?…
Des marges de production très insuffisantes qui augmentent les risques de blackout.
RTE l’a rappelé clairement dans son dernier rapport : « La disponibilité effective du parc nucléaire joue, de manière générale, un rôle majeur dans la sécurité d’alimentation de la France à l’horizon 2018/2019».
L’automne dernier a été sensiblement plus froid que les périodes hivernales de ces dernières années, sans être exceptionnel.
L’indisponibilité de quelques réacteurs nucléaires n’a pas été compensée par une production éolienne très faible en raison de l’absence de vent qui a obligé notre pays à recourir massivement à l’importation d’électricité fortement carbonée et d’un coût élevé.
Les deux réacteurs de la centrale de Fessenheim sont autorisés par l’ ASN à fonctionner pendant 10 années supplémentaires, soit jusqu’en 2021 et 2023.
La sécurité d’alimentation est en jeu
Décider de leur arrêt définitif dès cette année conduirait à se priver d’une puissance de 1800 MW capable d’assurer une production propre, sûre et modulable et affaiblirait gravement la sécurité d’alimentation de notre pays.
En effet, seuls les moyens pilotables (hydraulique, nucléaire) peuvent permettre de garantir les marges nécessaires.
Comme les centrales utilisant du charbon sont vouées à disparaître, ces marges vont devenir de plus en plus ténues notamment l’hiver prochain et un retard à la mise en service industriel de Flamanville 3 (toujours possible pour une installation qui démarre pour la première fois) se paierait très cher en cas d’arrêt prématuré de Fessenheim.
Réduire le nucléaire nous rendrait vulnérables devant les risques de blackout, dévastateurs au plan médiatique et politique et insupportables pour les populations concernées et l’économie du pays.
Cette décision serait en outre contraire aux dernières recommandations du Président de l’Autorité de Sûreté Nucléaire, appelant lui aussi à augmenter la marge de sécurité du système électrique…
Dans la prochaine décennie, nous aurons donc besoin de la production de toutes les centrales nucléaires, augmentée de celle de l’ EPR de Flamanville pour satisfaire les besoins de notre pays et ceux des pays voisins, pour le plus grand bénéfice de notre balance commerciale.
La diversité des moyens de production doit se mesurer à l’échelle de l’Europe
Contrairement à certaines affirmations destinées à étayer la thèse de l’intérêt de la diversification de nos sources d’énergie, la part prépondérante de la production électronucléaire dans le mix énergétique de notre pays n’a jamais été une difficulté en plus de 40 années d’exploitation.
La gestion des incidents rencontrés et la généralisation à tout le Parc des améliorations des systèmes et des matériels ont contribué à une élévation constante du niveau de sûreté des installations.
Courir après une diversification en France fondée sur la réduction de son parc nucléaire, ne ferait que réduire la diversité du mix électrique européen et renforcerait les risques de blackout qui pourraient résulter d’un épisode anticyclonique affectant l’ensemble de la production éolienne en Europe.
Le nucléaire, atout de la transition énergétique
Avec l’hydraulique, le nucléaire est pour le moment le mode de production d’électricité qui a l’impact le plus faible sur la santé des citoyens.
Il ne s’oppose pas au développement des énergies renouvelables en France ou en Europe. En l’absence durable de moyens de stockage de masse de l’électricité, il permet une production d’électricité très faiblement émissive en gaz carbonique en assurant des variations de puissance importantes pour s’adapter à l’intermittence des énergies renouvelables (éolien et photovoltaïque).
Il contribue ainsi à la sécurité du réseau européen de transport de l’électricité.
Il répondra à l’augmentation prévisible de la consommation d’électricité dans notre pays, comme chez nos voisins, en raison des nouveaux usages de l’électricité et de l’évolution démographique.
Différer la fermeture de Fessenheim
Les signataires du manifeste recommandent de différer par tous les moyens possibles la fermeture de la centrale de Fessenheim et de rendre ses responsabilités à chaque partie concernée par ce dossier :
- à l’Etat de fixer le cadre d’une politique énergétique avec l’objectif, s’agissant de l’électricité, d’une production bas carbone, à un coût compétitif concourant à la performance de nos entreprises et à l’amélioration du pouvoir d’achat des particuliers,
- aux producteurs de déterminer dans le cadre ainsi fixé leurs moyens de production pour satisfaire à tout instant l’approvisionnement en électricité de notre pays,
- à l’Autorité de Sûreté Nucléaire de contrôler le bon niveau de sûreté des installations et de prendre le cas échéant les décisions de mise à l’arrêt des installations en défaut,
- et au parlement (Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques) de s’assurer du bon fonctionnement de cette filière à tous les niveaux et dans l’intérêt de la nation.
Nous restons convaincus de l’obligation de traiter ce dossier sensible sur la base d’éléments rationnels et responsables dans l’intérêt de notre pays, de nos entreprises et de nos concitoyens.
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