Par Michel Gay et Jean Fluchère
Panneaux solaires by ludovic(CC BY-SA 2.0)
Certains Français expriment la volonté de produire et de consommer localement leur électricité. Pourquoi pas ? Mais est-ce compatible avec l’intérêt général ?
Or, ceux qui ont les moyens d’auto-consommer feront porter les surcoûts sur la collectivité, et notamment sur les autres ménages, car cette nouvelle « mode » repose sur une vision erronée de la production d’électricité.
Exaltation de l’individualisme VS prix de l’électricité
En effet, le système de production actuel est centralisé, mais c’est avant tout un système de partage des moyens et aussi de secours mutuel grâce aux réseaux d’électricité. Le foisonnement des consommations permet de diviser par cinq environ la puissance nécessaire pour alimenter en permanence la totalité des consommateurs car ils n’appellent pas tous au même instant la puissance maximale dont ils sont équipés.
Or le prix de l’électricité résulte principalement de l’amortissement des moyens de production.
La centralisation de la production, associée aux réseaux de distribution, permet donc une économie considérable d’argent en optimisant les moyens et les investissements dans l’intérêt général.
Le « consommer local » apparaît comme une exaltation de l’individualisme au détriment de l’intérêt général et ne répond qu’à l’intérêt personnel de l’ autoconsommateur avide de subventions.
Une fausse autonomie en électricité coûteuse pour les autres
Sous nos latitudes, le solaire photovoltaïque produit quatre fois moins en hiver (lorsque le besoin est le plus grand) qu’en été. Et le stockage de l’électricité par des batteries (au plomb ?) pour assurer une autonomie complète n’a aucun sens physique et économique. Les autoconsommateurs auront donc toujours besoin du secours ponctuel du réseau public, soit pour y soutirer de l’électricité, soit pour y déverser ponctuellement leur production surabondante.
La mode de l’autoconsommation conduit à investir collectivement deux fois :
- une première fois dans les installations locales d’autoconsommation,
- une deuxième fois dans les réseaux publics. Ceux-ci devront être capables de fournir la même puissance maximale aux autoconsommateurs. Or, c’est un paramètre dimensionnant pour les investissements.
De plus, injecter les surplus estivaux de production de solaire photovoltaïque dans le réseau public entraine des montées locales de tension (destructrices pour les appareils électriques) et des refoulements d’électricité vers le réseau. Ce qui nécessite des investissements supplémentaires et augmente encore les coûts.
Qui paye ?
Qui paiera ? Ceux qui en sont responsables ou l’ensemble des consommateurs ?
Et qui va assurer le réglage de fréquence de ce réseau alors que ni le photovoltaïque, ni l’éolien ne peuvent le faire ?
Les autoconsommateurs vont-ils payer le juste prix de l’usage qu’ils font des réseaux ?
Plus de 80% des coûts des réseaux de distribution sont des coûts fixes (investissement, personnel,…) et dépendent peu de la quantité d’énergie qui y transite. Ils devraient donc également payer 80% des charges du réseau, quelle que soit l’énergie qu’ils en soutirent.
Les autoconsommateurs vont-ils contribuer équitablement au paiement des diverses taxes ?
Le montant de ces taxes est actuellement proportionnel à l’électricité consommée, et non à la puissance souscrite. Si rien ne change, ils y échapperont donc en partie puisqu’ils soutireront moins d’énergie au réseau que les autres consommateurs.
Or, l’impact de ces taxes (CSPE, taxes locales, CTA et TVA) représente un gros tiers d’une facture d’électricité domestique.
Est-il équitable d’exonérer les autoconsommateurs (en général aisés…) du paiement d’une grande partie de ces taxes ? Seront-elles reportées sur les factures des autres consommateurs (en moyenne moins aisés…) ?
Intérêt personnel et intérêt général
L’intérêt personnel de l ’autoconsommateur pourrait coïncider avec l’intérêt général à deux conditions :
1) assurer une totale équité dans le paiement des charges (coût réel des réseaux et participation aux taxes) entre tous.
2) assumer le coût de leur installation inhérent au double investissement dans les réseaux et les panneaux photovoltaïques (achetés à l’étranger).
Sous nos latitudes tempérées et dans les pays ayant des réseaux publics performants, l’autoconsommation n’apparait pas porteuse d’intérêt général.
Dans ces conditions :
1) Pourquoi est-elle subventionnée pour les puissances inférieures à 3 kilowatts ?
2) Pourquoi ses excédents (souvent injectés en perturbant le réseau en été quand nul n’en a besoin) sont-ils rémunérés au tarif élevé de 10 c€/kWh alors que le prix du marché est d’environ 4 c€/kWh ?
Au final, pourquoi ne pas laisser les autoconsommateurs assumer seuls leur désir d’autonomie selon le principe « perturbateur – payeur » analogue à celui de « pollueur – payeur » ?
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