Historienne. Elle est spécialiste des mouvements révolutionnaires et du maintien de l’ordre en France au XIXe siècle
Le 1er mai, Fête internationale des travailleuses et des travailleurs depuis 1889 ? Et NON! Fête du travail ! Un peu d’histoire de ce jour si emblématique pour préparer la manif de mardi !
C’est en 1889, à Paris, que le congrès de naissance de la IIe AIT (Internationale), décide de faire du 1er mai une journée de mobilisation pour l’obtention des huit heures de travail journalières ,qui étaient la principale revendication du moment (affiche de Grandjouan, magnifique)
Alors pourquoi le 1er mai ? L’origine est nord- américaine . En 1884, les syndicats avaient lancé un 1er mai, une mobilisation en faveur des huit heures. Aux USA, le 1er mai est la date du moving day (début des années comptables, rupture des contrats de travail obligeant les ouvriers à déménager).
Le 1er mai 1886, les syndicats nord-américains lancent une grève générale pour ces huit heures : elle est massivement suivie. A Chicago, elle se prolonge, se durcit et lors d’une manifestation le 3 mai, une bombe explose suivie d’une bagarre. 7 policiers sont tués. En répression et pour casser le mouvement ouvrier, 5 syndicalistes sont condamnés à mort…
Je vous conseille la lecture de cet excellent livre à ce sujet : La dernière goutte, éditions , http://www.ladernieregoutte.fr/
Donc pour l’ AIT en 1889, le 1er mai doit être un jour international de manifestations et de protestations On encourage les ouvriers à cesser le travail au bout de huit heures et à déposer, pacifiquement, des pétitions pour les huit heures.
Pour les anarchistes, c’est un peu mou tout ça, des manifs, des pétitions…. Eux appellent à la révolution ! (comme on le voit dans cette magnifique affiche)
"Il y a trop longtemps que nous dansons devant le buffet vide, nous voulons manger!!!"
Mais le 1er mai 1891, à Fourmies, dans le Nord, en France, la manifestation tourne au drame : la police tire sur les ouvriers : neuf mort. Avec cette répression sanglante, le 1er mai s’enracine dans la tradition de lutte des ouvriers européens. Avec pour conséquence que les militants en France épinglent désormais une églantine écarlate, fleur traditionnelle du Nord, en souvenir du sang versé à Fourmies.
Le 1er mai 1906 est l’un des plus massif en France : la CGT appelle à la grève générale, et ce toute la journée du 1er, et pas seulement au bout des huit heures de travail comme avant. Le pouvoir, apeuré (on sortait à peine du vaste mouvement suite à la catastrophe de Courrières), avait transformé Paris en camp retranché, occupé par 60 000 soldats et policiers. Ceux-ci dispersent violemment les manifestants, tuant deux personnes.
Le 23 avril 1919, une loi institue la journée de huit heures et fait du 1er mai suivant une journée chômée Il faut dire que le pouvoir craignait tellement le 1er mai 1919 qu’il préfère désamorcer les choses en faisant passer la loi avant ! Le 1er mai 1919 n’en fut pas moins le plus massif que la France ait connu jusqu’alors.
1er mai 1936, entre les deux tours des législatives, après la réunification syndicale, est massivement suivi.Il donne à voir la force du mouvement ouvrier à la veille de la victoire du Front populaire et annonce les grandes grèves de juin car c’est au lendemain du 1er mai, et notamment pour demander la réintégration de grévistes virés, que les 1ères usines débrayent.
Vichy fait du 1er mai la « Fête du vrai travail et de la concorde sociale », fête chômée (mais non payée) et au service des valeurs de l’état vichyste...Pétain rappelait souvent que le 1er mai est aussi la Saint Philippe… il s’agissait pour lui surtout de miner cette fête emblématique du mouvement ouvrier. Et c’est Pétain qui impose le muguet à la place de l’églantine trop prolétarienne, trop "rouge", trop révolutionnaire.
En avril 1947, le 1er mai est institué jour chômé et payé dans le code du travail, récupération par le mouvement ouvrier de sa date.
Ce n’est que le 29 avril 1948 qu’est officialisée la dénomination « fête du Travail » pour le 1er mai. Mais beaucoup auraient préféré « fête des travailleurs », pour bien couper avec les souvenirs de Vichy. Mais on garda le muguet… parce que ça se cultive mieux que l’églantine…. M’ enfin…. Résultat, désolée, ça sent bon, c’est joli le muguet, mais c’est un héritage de Vichy.
Le 1er mai revendicatif disparaît dans les années 1950 et 1960, les défilés étant interdits lors des guerres d'Indochine et d'Algérie (état d’urgence, tout ça tout ça). Il faut attendre le 1er mai 1968 pour que la CGT organise une grande manifestation dans les rues de Paris. On était alors à la veille du vaste mouvement social de mai 68.
Si le 1er mai est d’abord une manifestation syndicale (donnant parfois à lire l’unité, à d’autre la division (plus souvent la division, avouons…) Il a toujours aussi mobilisé au delà. Les organisations d’immigrés et de réfugiés ont été de longue date associés aux 1er mai. Mais aussi les organisations lycéennes et étudiantes, ainsi que les association LGBT à partir des années 80.
Je vous parle des 1er mai français, mais il y a une histoire dans chaque pays. Un jour, j'ai passé un 1er mai à Bologna, c'était hyper festif! j'en garde un méga souvenir.
Le 1er mai fait aussi l’objet d’une récupération de la part du FN.
C’est pas neuf, les ligues d’extrême droite manifestaient déjà le 1er mai, dans les années 20 et 30. Généralement, autour de la statue de Jeanne d’arc près du Louvre à Paris. Et on a vu le rapt vichyste sur la date. En 1988, Jean-Marie Le Pen entend récupérer la tradition et la journée dans l’entre deux tours des élections. Son défilé de la Place des Pyramides à la Concorde renoue avec les rituels des ligues, avec un défilé des régions. Les confédérations syndicales crient au « hold-up sur le Premier mai ». Peine perdue. Quand le "pitbull" tient un os, il ne relâche pas ses crocs. Le 1er mai du FN s’installe…
Le 1er mai 1995, Brahim Bouarram, un marocain est attaqué par des nervis du FN, jeté violemment dans la Seine. Il meurt noyé. Jean-Marie Le Pen qualifie l'évènement d'« accident » et dénonce une manipulation des médias contre son part. Brahim Bouarram, Nous n’oublions pas. Nous n’oublierons jamais.
Le 1er mai 2002 a lieu après le choc de l’arrivée de Le Pen au second tour de l'élection présidentielle (21 avril). L’appel à manifester est unitaire et massif. Syndicats, associations, toutes et tous uni-es.
Le peuple anti FN se lève en masse, c’est la déferlante sur tout le territoire. Une des plus grandes manifestations que la France ait connu : 1 million 300 000 personnes dans la rue.
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