Nous achetons plus que nous vendons,
ce n’est pas une nouveauté mais la politique des dix dernières années a
plutôt aggravé le mal. Il y a eu tellement de rapports sur le sujet,
tellement d’articles que l’on finit par se lasser. Les remèdes sont
clairs, il faut moins importer et plus exporter, mais la mondialisation
de l’économie a conduit à des spécialisations couteuses, et la
disparition progressive des productions nationales dans l’électronique,
la téléphonie, l’électroménager, le textile… aggrave tous les jours le
trou avec la frénésie des consommateurs français pour des produits jugés
fondamentaux. Parmi les spécificités nationales qui permettaient de
conserver l’espoir de reconquête de notre équilibre, il y avait tout ce
qui tournait autour de l’énergie, production ou consommation,
automobile, aéronautique, ferroviaire, industrie pétrolière et gazière,
utilisation du charbon, solaire, stockage électrique (électrochimie),
nucléaire…
L’idée du Général de Gaulle, de Georges
Pompidou et de leurs collaborateurs était simple, ils voulaient
l’indépendance énergétique malgré la disparition progressive du charbon
et la perte des découvertes pétrolières et gazières de l’Algérie devenue
indépendante en 1962. Le programme nucléaire civil fut donc lancé
tandis qu’une politique d’exploration pétrolière se structurait en
France , en Norvège et dans les pays d’Afrique francophone devenus, eux
aussi , indépendants. Un tissu industriel était ainsi créé avec ses
laboratoires publics, ses grandes entreprises et des centaines de
sous-traitants et innovateurs. La faiblesse était connue, elle se
situait dans les machines-outils, mais des niches innovantes étaient
entretenues avec soin tandis que nos ingénieries brillaient mondialement
en associant les grands monopoles publics, EDF, Gaz de France, SNCF, ou
privés Générale des Eaux, Lyonnaise des Eaux…
Le « choc pétrolier » de 1973 ,
c’est-à-dire le renchérissement rapide du pétrole et les risques de
pénurie orchestrés par les pays producteurs ont plusieurs conséquences,
la première est la justification « a posteriori » du programme nucléaire
électrique, la seconde est de promouvoir encore plus les programmes de
production pétrolière et gazière de Norvège et d’Afrique, la troisième
d’imaginer un vaste programme d’économies d’énergie et enfin de créer un
Commissariat à l’ Energie Solaire (COMES) pour faire pendant à celui qui
a si bien réussi pour l’énergie nucléaire( CEA) . Le slogan d’alors
« on n’a pas de pétrole mais on a des idées « fait fureur et des
initiatives nombreuses viennent aiguillonner l’enthousiasme des
techniciens pour sauvegarder l’indépendance énergétique du pays et sa
compétitivité industrielle.
Vingt ans après( 1995) la production
théorique de pétrole par les sociétés nationales satisfait les besoins
du pays, le gaz peut venir de quatre régions, Pays-Bas, Norvège, Russie,
Algérie, le déclin du charbon est inéluctable, les réacteurs nucléaires
ont permis un service universel d’électricité à des couts très
compétitifs, et notre industrie consommatrice , en particulier
aéronautique et automobile fonctionne à plein régime. Une ombre au
tableau toutefois, les efforts scientifiques et techniques dans le
solaire n’ont pas trouvé le débouché industriel souhaité, on reste trop
cher, et le pétrole n’a pas connu la hausse permettant en retour la
justification économique des investissements solaires ! Notre balance
commerciale maintient un grand déséquilibre, en grande partie à cause du
pétrole et du gaz qui remplacent progressivement le charbon. Le siècle
suivant va confirmer cette tendance, plus de la moitié de notre déficit
commercial va venir du pétrole et du gaz, de conjoncturel notre mauvaise
situation est devenue structurelle.
C’est le moment choisi pour faire des
choix de politique énergétique et industrielle et l’idéologie des peurs
va brouiller tous les raisonnements précédents.
Tout d’abord une lutte sans merci va se
précipiter contre le choix nucléaire effectué par les gouvernements
précédents. Le drame de Tchernobyl, la centrale nucléaire d’Ukraine, va
aviver les angoisses d’une population européenne qui veut croire au
meilleur des mondes après la chute du Mur de Berlin et la disparition de
l’URSS. L’abandon des programmes en cours en France (Super Phénix) et
l’arrivée de l’écologie politique dans les gouvernements vont conduire à
la recherche d’un avenir tournant le dos au nucléaire national. D’un
coté on se plaint d’un chômage qui augmente, et de l’autre on va
s’appliquer à détruire systématiquement une industrie assise
essentiellement sur les énergies fossiles et le nucléaire sans essayer
de structurer industriellement une alternative. C’est l’ État-Ubu qui
prend les commandes en se drapant dans les nécessités de protéger les
français (et bientôt la planète entière qui ne rêve que de nous
ressembler !). Toutes les décisions qui sont prises s’enorgueillissent
de respecter un futur « propre », « vert » sans jamais prendre en compte
le sujet majeur du pays qui est celui d’un chômage structurel et d’une
disparition progressive du tissu industriel. Le système médiatique prend
fait et cause pour cette politique restrictive et célèbre les normes,
règlements, coercitions diverses qui émaillent désormais notre
quotidien. Mais on ne s’arrête pas en chemin, on passe à l’attaque des
énergies fossiles, le charbon d’abord (trop facile) puis le pétrole et
le gaz en passant par notre point fort industriel, le moteur diesel, on
n’oublie pas l’énergie renouvelable reine, l’hydraulique, en la cédant
aux américains en se bouchant d’abord le nez, puis les oreilles (les
barrages, quelle horreur !). Et plus le temps passe plus on veut
augmenter les obligations, les restrictions, en traitant de populistes
tous ceux qui veulent protéger la nature. Aucun raisonnement industriel
n’a été pris en compte, jamais, et on commence à faire valoir ici ou là
que les capteurs solaires ne viennent que de Chine, comme les terres
rares nécessaires à d’autres vedettes médiatiques, les éoliennes en mer
ou le véhicule électrique.
Dans notre aventure collective qui
repose sur le désastre du déficit commercial structurel, je ne voudrais
pas faire porter sur l’énergie toute la responsabilité. Mais je pense
néanmoins que le débat essentiel est celui de l’industrie accolée à une
politique énergétique. Je ne me résigne pas et je continue à penser que
nos gouvernants ont du souci à se faire en poursuivant les errements
actuels tandis que nous ne maitrisons ni notre indépendance ni notre
chômage.
-Je maintiens que nous avions et nous
avons un rôle à jouer dans la modification de la politique charbonnière
mondiale grâce à notre ingénierie haute température (meilleure
combustion) et remplacement partiel par des déchets ligneux (centrale de
Cordemais)
-Je pense qu’il n’est pas trop tard pour
reprendre la main sur notre potentiel d’hydro-électricité ex-Alstom qui
reste encore le meilleur mondial
Je me réjouis de l’accord EDF-Cap
Gemini-Dassault Systèmes sur le nucléaire qui nous annonce un renouveau
technique indispensable pour notre tissu industriel
-Je propose à tout le monde de se calmer
sur la condamnation du moteur diesel qui continuera à être un mode de
propulsion essentiel dans le monde entier
-Le calme idéologique doit également
régner sur les énergies marines renouvelables qui n’en sont encore qu’au
stade recherche et non industrialisation.
-Le pétrole et le gaz continueront à être
des ressources indispensables, inutile de rêver les éradiquer en
interdisant leur recherche et leur production, surtout quand un pays
comme le notre connait un tel déficit commercial ! Il faudrait bénir
ceux qui produiraient en France et non les faire partir !( Que dire de
la fiscalité pétrolière qui permet aujourd’hui de remplir les caisses de
l’Etat et , accessoirement de prendre le relais du financement des
énergies renouvelables , sommes-nous vraiment prêts à changer de
modèle ?)
-Il faut revoir la balance commerciale
des produits vedettes, solaire, éolien et véhicule électrique et bâtir
une politique d’indépendance nationale
-Un point sur nos atouts dans le stockage
électrique et l’organisation industrielle nationale pour en tirer le
meilleur parti me parait indispensable.
Tant que notre industrie connait des
faiblesses, que notre chômage maintient ses records, je ne peux pas me
résigner à ce que les responsables politiques continuent dans leur
erreur fondamentale, celle de déconnecter politique énergétique et
politique industrielle, comme si la vie industrielle du pays n’avait
rien à voir avec son déficit commercial, le désespoir de ses territoires
et les difficultés à trouver des emplois. Nous ne méritons pas d’être
au royaume d’ Ubu.
php
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