Musique : limitations sonores en concert

Jean-Baptiste Roch
Publié le 26/11/2018


Commentaire : paradoxe :  le milieu musical se plaint d'un décret "destiné à prévenir les risques liés aux bruits et sons amplifiés" et ... crie à l'atteinte à la liberté d'expression. En même temps, les riverains d'éoliennes qui souffrent du bruit et réclamant un décret "destiné à prévenir les risques liés aux bruits et sons amplifiés", ne sont pas entendus. 
PIRE! Le lobby éolien a obtenu que leurs machines de guerre soient dispensées du respect du code de Santé depuis l'arrêté du 26 aout 2011 (art 26).

Nous sommes définitivement considérés comme des citoyens de seconde zone vivant sur des "réserves indiennes".

Jusqu'à quand allons-nous accepter nos vies meurtries sans nous révolter?
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Entré en vigueur le 1er octobre, un texte destiné à prévenir les risques liés aux bruits et sons amplifiés provoque un mécontentement dans le milieu musical. Où l’on dénonce des mesures inadaptées, portant atteinte à la liberté d’expression culturelle.

« C’est affreux, cette limitation, les fréquences se mélangent, on a l’impression qu’ils ont posé un transistor sur la scène pour sonoriser la salle. » Le commentaire, cinglant comme un larsen, émane d’un spectateur avisé. Depuis le récent concert du MC5 à l’Élysée Montmartre, à Paris, Philippe Manœuvre ne décolère pas.

A l’instar de nombreux acteurs du milieu de la musique, techniciens, musiciens, comme d’une partie du public, le retraité patron de Rock & folk ne digère pas les nouvelles limitations sonores des lieux de concert en France, imposées par le décret n° 2017-1244 du 7 août 2017, entré en vigueur le 1er octobre dernier. Avec sa faconde légendaire, il renchérit : « C’est comme si on projetait des films en noir et blanc parce qu’on considère que les couleurs rendent aveugle. Mais qui sont ces gens pour décider ainsi de notre bonheur ? Que je sache, on ne sortait pas des concerts avec les tympans en sang ! »

L'inénarrable journaliste au perfecto et lunettes noires n’a pas complètement tort. Mais en France aujourd’hui, on estime à plus de 9 % la part de la population sujette à des problèmes d’audition liés au bruit, celui des concerts notamment. Et ce chiffre progresse, en partie parmi les 17-25 ans. En faisant passer la limite autorisée de 105 dB à « 102 décibels sur quinze minutes » pour les fréquences médium et hautes (dB A), et « 118 décibels sur quinze minutes », pour les fréquences basses (dB C), le texte, lancé à l’initiative de trois ministères (Culture, Santé, Environnement) entend ainsi répondre à un impératif de santé publique, celui de la prévention des risques liés aux bruits et aux sons amplifiés. 



L’État sourd aux revendications du secteur
Le ministère entre les murs feutrés duquel il a été rédigé est pourtant resté sourd aux recommandations de professionnels du secteur réunis au sein d’un Conseil national du bruit face aux contraintes posées par le texte. A tel point qu’une requête pour annulation a été déposée auprès du Conseil d’État en octobre 2017, par la CSLMF, la Chambre syndicale des lieux musicaux, festifs et nocturnes (réponse attendue le 26 novembre prochain).

Parmi les griefs énoncés : la bride imposée à l’expression culturelle et aux œuvres, qui risquent de se voir dénaturées, comme l’expérience du concert elle-même. « Certaines esthétiques, notamment l’électro, requièrent des niveaux sonores supérieurs pour s’exprimer pleinement », avance Angélique Duchemin, coordinatrice d’ Agi-Son, association fédérant la majorité des professionnels du spectacle vivant musical.

Concrètement, et selon l’échelle logarithmique du son, abaisser de 3 dB le volume autorisé revient à diviser par deux l’intensité sonore. « La musique perd en physicalité et en épaisseur, à cause de la disparition des basses, celles-là même qui font danser les clubbers ou pogoter les rockeurs », déplore Michel Pilot, secrétaire de la CSLMF, qui rassemble deux cent vingt-quatre lieux parisiens comme le Rex ou la Machine du Moulin-Rouge.

Une délicate mise en application

Le décret exige aussi que ces niveaux sonores soient tenus en « tous points » du lieu où se déroule le concert. Un non-sens acoustique et physique d’après Angélique Duchemin : « La propagation des basses connaît un creux tous les trois mètres.» Selon l’endroit où s’effectue la mesure, le niveau sonore peut donc varier du tout au tout. D’autant plus en extérieur – le décret s’applique aussi aux festivals et manifestations en plein air –, où le vent, l’humidité et la température modifient sensiblement la propagation du son. Avec cette conséquence toute simple : « Si les mesures sont appliquées en l’état, plus aucun festival ne pourra avoir lieu. Et au vu des investissements à fournir beaucoup de salles auront du mal à se mettre aux normes.»

D’autant que les matériels de mesure pour répondre aux exigences du décret n’existent pas, les constructeurs étant encore en phase d’élaboration. Et l’arrêté d’application n’ayant pas encore été publié, malgré l’entrée en vigueur du texte le 1er octobre – ce qui donne une idée de son degré d’aboutissement –, les éventuels agents ministériels envoyés pour contrôler le respect des normes sont condamnés à la mansuétude, faute d’équipement adéquat dans les salles.

Au Point éphémère, au bord du canal Saint-Martin, à Paris, le décret ne semble pas avoir provoqué d’inquiétudes démesurées. Le lieu, de taille modeste, est déjà passé à 103 dBa depuis plusieurs années, pour ne pas se mettre à dos un voisinage échaudé. Et comme la salle fait moins de trois cents places, elle se voit exemptée de certaines contraintes – affichage du niveau sonore, archivage des relevés. Le régisseur de la salle, Yann Le Tron, concède pourtant quelques réserves : « Notre DJ résident a constaté que le son était moins dense, et il y a eu des prises de bec avec certains artistes, notamment américains. »

A l’ Élysée Montmartre, qui peut accueillir jusqu’à mille trois cent quatre-vingt personnes, et devra donc s’équiper en conséquence, notamment d’un nouveau limiteur, la sérénité prévaut également : « Nous ne sommes pas inquiets. Même à 105 dB, on avait quelques altercations avec des artistes », assure une employée des lieux. Dans les grandes salles du type Zénith, cela risque d’être autre chose. « Quid des tournées mondiales, où les niveaux sonores sont réglés à l’avance ?, interroge Michel Pilot. Veut-on créer une exception sonore sur le sol français, quitte à empêcher certains artistes de jouer ? Sans compter la possible désaffection du public. » 


En Suisse, sans bruit et sans fureur

En Suisse toutefois, on a déjà baissé le son, sans conséquences néfastes. Depuis vingt ans, le niveau sonore des salles helvètes est ainsi limité à 100 dBa – pas en tous points, mais en moyenne et sur soixante minutes, ce qui autorise un niveau supérieur par moments, et à certains endroits. « Pour autant, le public n’a pas arrêté d’aller voir des concerts, et personne ne se plaint de la qualité du son », confesse un producteur suisse.

En France, le malentendu porte aussi sur la cible – le jeune public – visée par les nouvelles normes. Une erreur d’appréciation, selon Michel Pilot. « On pénalise le spectacle vivant alors que, toutes les études le montrent, les jeunes passent la majorité de leur temps à écouter de la musique au casque. Si problème de santé publique il y a, il est là. » Des voix soupçonnent que les pouvoirs publics se servent du nouveau décret pour mettre au pas certains lieux dont le voisinage est excédé. Plusieurs, comme la péniche Concrete à Paris, ont déjà reçu des mises en demeure pour se mettre aux normes. « Quel intérêt si on ne peut plus ressentir l’énergie des concerts, s’attriste Philippe Manœuvre. On est condamné à rester chez soi. Ou à ne voir que des concerts de folk acoustique ! »

Colloque national, organisé par le Centre d’information sur le bruit, le 5 décembre, festival des Trans Musicales, Rennes (35).

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