Le CNRS fête ses 80 ans en promettant la perte de 80 postes par an

SNCS
Patrick Monfort, secrétaire général du SNCS-FSU

Commentaire : chronique de la mort annoncée de l' Enseignement supérieur et de la Recherche.

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Hebdo 19 n°2 du 31 janvier 2019

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Le CNRS fête ses 80 ans en promettant la perte de 80 postes par an


Le 1er février 2019, le CNRS convie l’ensemble des directrices et directeurs d’unités de l’organisme pour une convention qui lance les festivités des 80 ans de l’établissement. 80 ans c’est l’occasion de fêter de très belles réussites. Des réussites scientifiques nombreuses et multiples, qui sont celles des chercheur·e·s, ingénieur·e·s et technicien·ne·s du CNRS, de tous les personnels des autres établissements - universités, écoles et autres organismes de recherche – qui sont membres des UMR, et des personnels engagés dans l’administration du CNRS.

Malheureusement, ces personnels de la recherche scientifique sont au fil des ans de moins en moins nombreux. Le CNRS, en accord avec le gouvernement, planifie de prolonger cette perte d’emplois et la chiffre à 80 postes par an jusqu’en 2022. Les directrices et les directeurs d’unités, qui font face quotidiennement dans leurs laboratoires à des manques criants en personnels de soutien et d’appui à la recherche, qui voient les effectifs de recherche s’étioler, ont l’occasion ce 1er février d’exprimer leur vive inquiétude et de marquer le premier acte d’une mobilisation pour l’emploi scientifique et la recherche publique.

Ces dernières années, la mobilisation du milieu scientifique avait permis d’imposer un nombre minimum de recrutements. Ce nombre restait toutefois insuffisant pour empêcher le déclin. Ainsi, malgré l’embauche annuelle d’au moins trois cents chercheurs et trois cents ingénieurs et techniciens, le CNRS avait perdu* 1605 postes de titulaires depuis 2005 (498 chercheurs et 1107 ingénieurs et techniciens). On peut imaginer quelle serait la situation si nous n’avions pas ralenti la chute.

Avec les contraintes budgétaires imposées par le gouvernement, le président du CNRS a décidé pour les quatre prochaines années une chute du nombre de recrutements de titulaires au CNRS avec 250 chercheur·e·s et 310 ingénieur·e·s et technicien·ne·s par an. Ce niveau de recrutement se traduira par la suppression, entre 2019 et 2022, de 320 emplois de titulaires au CNRS qui s’ajouteraient aux 1605 postes de titulaires déjà supprimés depuis 2005.

Aujourd’hui, comme nous ne cessons de le rappeler en nous appuyant sur les chiffres de l’OCDE, la France a décroché en matière de recherche par rapport à ses principaux partenaires. Avec 2,25 % (environ 0,8 % pour la recherche publique et 1,45 % pour la recherche des entreprises) du produit intérieur brut (PIB) consacré à la recherche et au développement (R&D), elle reste très en deçà de l’objectif des 3 % du PIB (1 % pour la recherche publique et 2 % pour la recherche privée) fixé en 2002 par la stratégie européenne.

Pour contrer ce décrochage, l’État doit réinvestir de manière forte et durable dans la recherche publique. Cela passe par une loi de programmation pluriannuelle, avec un budget de l’enseignement supérieur et de la recherche en augmentation de trois milliards d’euros par an pendant dix ans, afin d’atteindre l’objectif des 1 et 2 % du PIB, respectivement pour la recherche et l’enseignement supérieur publics.

Les investissements des entreprises doivent enfin atteindre l’objectif de 2 % du PIB en dépense totale de R&D. Mais le secteur privé persiste dans son refus d’investir suffisamment. Le mal nommé « crédit d’impôt recherche » reste encore et toujours une aubaine fiscale... qui coute six milliards d’euros par an au budget de l’État ! Il n’est toujours conditionné à aucune obligation d’embaucher les jeunes docteurs - qui pourtant n’attendent que cela - ni d’augmenter l’investissement dans la R&D, dont notre pays a tellement besoin pour construire son avenir.

Le budget 2019 n’est pas celui de la relance de l’investissement dans la recherche. Au contraire, il accompagne et accélère le déclin de la recherche française. Pour sortir du déclin, un plan pluriannuel de l’emploi scientifique est nécessaire, avec six mille créations de postes de titulaires de chercheurs, d’enseignants-chercheurs, d’ingénieurs et de techniciens, par an pendant dix ans.

La communauté scientifique doit réagir fermement pour que le prochain budget soit celui du « raccrochage » de la recherche scientifique française au niveau de celle de ses principaux partenaires. La dernière réunion plénière du Comité national de la recherche scientifique de juin 2014 portait sur la crise de l’emploi scientifique. Cette réunion et la mobilisation de Sciences en marche en 2014 avaient permis de stabiliser le recrutement jusqu’en 2018. Une fois de plus, il y a urgence à imposer au gouvernement un investissement majeur dans la recherche publique et l’enseignement supérieur.

Le Comité national de la recherche scientifique envisage de se réunir en session plénière extraordinaire le 4 juillet prochain. D’ici là, le SNCS-FSU organisera et soutiendra toutes les initiatives de mobilisation pour un budget et un niveau d’emploi scientifique à la hauteur des enjeux économiques, sociaux et environnementaux. Il appelle les directrices et les directeurs d’unités à intervenir dans ce sens demain 1er février lors de leur réunion commémorative des 80 ans du CNRS. Le cadeau d’anniversaire du CNRS doit être à la hauteur de son âge respectable : une augmentation pérenne de son budget qui permette de financer le soutien de base des recherches des UMR, de recruter au moins 365 chercheurs et 508 ingénieurs et techniciens par an (car tel doit être le volume du recrutement si on veut retrouver à terme le niveau d’emploi de 2005, avec 11 677 chercheurs et 14 456 ingénieurs et techniciens†) et de revaloriser les carrières et les rémunérations.

* Fin 2017, selon les chiffres du Bilan social.
† cf. Combien de chercheurs, d’ingénieurs et de techniciens titulaires au CNRS ?– SNCS-Hebdo 18 n°8 du 28 septembre 2018

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