Philippe dit au CNRS de « choisir ses renoncements »

Sylvestre Huet
01/02/2019


Commentaire : il est vrai que l'on ne peut pas "en même temps" donner 140Mds d'euros (sur 20 ans) au lobby éolien et consorts pour porter une Loi de transition énergétique pour la croissance verte (LTECV) irresponsable et dangereuse et financer l' Enseignement supérieur et la Recherche... Laissons cela aux autres. La France glisse.😟


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Réunion des directeurs d’unités du CNRS , 1er février 2018. Photo SH.

«Choisir, c’est renoncer». Cet adage est la clé de compréhension du discours du Premier Ministre, Edouard Philippe, ce matin devant un millier de directeurs de laboratoires du CNRS. Convoqués à la Mutualité par la direction du CNRS, ces derniers devaient participer à une réunion pour lancer le 80ème anniversaire du navire amiral de la recherche française. Ils ont eut droit à un invité surprise, le Premier Ministre. Lequel a surtout annoncé une « loi de programmation pluriannuelle » pour l’enseignement supérieur et la recherche. Cela aurait pu être une bonne nouvelle, annonçant une meilleure visibilité des moyens de la recherche publique. C’en est une mauvaise, puisqu’elle s’accompagne d’un discours justifiant la poursuite d’une politique de restriction, marquée par le reflux de l’emploi scientifique, le CNRS affichant une baisse historique de ses recrutements de jeunes chercheurs.

Ce « renoncement » n’est pas un commentaire. Edouard Philippe a vraiment prononcé l’adage. Devant une assemblée plutôt docile et résignée. Tout juste peut-on entendre maugréer le biologiste Françis-André Wollmann : «ce qu’il veut, c’est réduire le nombre des chercheurs en prétendant les payer plus. Bon, au moins, il n’a pas réitéré les menaces habituelles sur l’existence du CNRS», souligne t-il. A t-elle été hypnotisée par la médiocre « captatio benevolentiae » du Premier Ministre, cherchant à mettre le gouvernement et les chercheurs dans « le même bateau » sous prétexte que les difficultés du pouvoir à expliquer sa politique aux citoyens seraient de même nature que celle du scientifique à transmettre les arcanes des savoirs au grand public ? Une astuce rhétorique de mauvais aloi.

Premier effet en 2021
Astuce aussi que cette annonce d’une loi de programmation pluriannuelle ». Comme si le vote annuel du budget ne lui était pas supérieur. Et surtout, lorsqu’un gouvernement veut vraiment graver ainsi dans le marbre une volonté politique et budgétaire, il le fait en début de mandat, et non… peu avant de disparaître. Or, le calendrier annoncé par Edouard Philippe repousse au budget de 2021 le premier effet d’une telle loi. Après avoir sabré les budgets et surtout les embauches de chercheurs depuis son arrivée à Matignon. En outre, programmer c’est bien, mais dans quel sens ?
Or, après avoir caressé les scientifiques dans le sens du poil – vous êtes « plus importants » sur le long terme que les responsables politiques – il leur a surtout confirmé le régime sec auquel ils sont soumis depuis l’arrivée d’Emmanuel Macron à l’ Élysée. Avec une curieuse référence à une hausse de 8% des budgets de la recherche dont on cherche en vain une quelconque réalité dans les documents budgétaires (RogueESR démontre que l’on constate plutôt une diminution en euros constants). Sauf que, avec ce débat pour la loi promise, il va leur falloir décider eux-mêmes qui doit se faire hara-kiri. «Je compte sur vous pour faire les choix», leur a t-il lancé.




Docile, Antoine Petit, le PDG du CNRS qui s’est fait imposer une diminution drastique des recrutements pour 2018 – ils chutent à 250 contre 400 il y a quelques années – a répondu que oui, «on ne peut pas être les meilleurs en tout». Et donc sabordons le reste… L’histoire des sciences et des technologies s’inscrit en faux contre une telle idiotie – qu’il s’agisse de la virologie désignée comme à négliger… juste avant l’explosion du virus du Sida ou de l’abandon des recherches en efficacité énergétique dès lors que le coût des énergies fossiles s’écroule… pour un temps.

Le discours du Premier ministre comportait tout de même quelques perles. Comme cette référence aux objectifs de la stratégie « de Lisbonne » – fameuse réunion en mars 2000 des gouvernements de l’Union Européenne qui annonçait une vigoureuse politique en faveur de « l’économie de la connaissance » – fondée sur un objectif de 3% du PIB consacré à la recherche. La France a depuis stagné ou régressé selon les années, aux alentours de 2,1%. Mais Edouard Philippe s’est bien gardé de glisser le moindre chiffre à ce point du discours. Ou cette longue plaidoirie en faveur de la décision brutale et prise dans la précipitation de faire payer dix fois plus que les autres les étudiants étrangers non communautaires. Au nom de « l’accueil », de l’attractivité… en fait, une décision si mal préparée – un comble pour un gouvernement qui se présente souvent comme de « techniciens » – que le Président d’Université Frédéric Dardel déclare sur le trottoir sa conviction que cela sera en grande partie abandonné «pour le doctorat». Quant à l’idée que pour favoriser le développement de l’Afrique, et donc diminuer la pression migratoire, il est de bonne politique de l’aider à former ses cadres scientifiques et administratifs, elle semble n’avoir pas traversé la réflexion gouvernementale.

« Contradiction majeure »

Invité comme vice-président de la commission culture du Sénat, le sénateur communiste Pierre Ouzoulias commentait à chaud : «Curieux discours. J’en retiens la contradiction majeure entre l’apologie du temps long, la nécessité de donner aux chercheurs un cadre et des financements pérennes et de l’autre côté une politique budgétaire qui programme une diminution drastique, sur la durée du mandat, des postes de chercheurs pour continuer d’augmenter la précarité, les contrats courts, la recherche épuisante des financements. Le Premier Ministre souhaite un grand débat sur la recherche. Peut-être faudrait-il préalablement écouter les chercheurs. Plus de 11 000 d’entre eux viennent de s’exprimer par une pétition qui réclame l’abandon de la réduction du nombre des chercheurs.»

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