Syndicalistes d’EDF. Leur corporatisme jusqu’au-boutiste est resté aveugle aux vrais dangers qui menaçaient leur entreprise. Photo © BERTRAND LANGLOIS / AFP
À force d’indifférence, de veuleries, de trahisons et de soumission à la doxa écologiste, ce que les agents d’EDF redoutaient est en train d’arriver. Chronique de la fin d’un monde, par André Pellen, porte-parole d'un collectif de cadres et d'ingénieurs retraités du nucléaire.
Le statut des agents d’EDF est peut-être l’un des derniers totems corporatifs que compte la société française. Aucun homme politique d’envergure n’a osé s’y attaquer, terrorisé par la force de frappe d’une entreprise dont dépend l’approvisionnement énergétique de tout un pays. L’équilibre, cependant, avait du sens : un statut en or contre la meilleure électricité du marché. Le « deal » a tenu plusieurs décennies ; il est aujourd’hui menacé. Certes, rien dans les propos des dirigeants d’EDF ne laisse entrevoir cette révolution, mais dans le désastreux contexte économique de l’entreprise, le réquisitoire que vient de prononcer contre elle la Cour des comptes sonne comme un terrible avertissement: l’hallali est proche. Qui s’en étonnera ?
Voilà ce qui arrive fatalement, lorsque, fossilisé dans des idéaux dictés par des circonstances politiques, sociales et économiques d’un autre siècle, on s’arcboute collectivement à ne défendre qu’un « service public » hors sol. Voilà ce qui arrive lorsque, en 2019, on ne veut toujours pas voir que l’industriel EDF est, avant tout, un producteur et un vendeur d’électricité qui, bien avant de se préoccuper de la condition de ses personnels, doit avoir le souci de la prospérité de son fonds de commerce, prospérité à laquelle est suspendue le train de vie de ces derniers et, plus encore, le confort et le niveau de vie de la population tout entière.
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L’objectif de vendre le plus grand nombre de kWh n’aurait jamais dû cesser…
Redisons-le : la mission de l’opérateur historique n’aurait jamais dû cesser d’être celle de vendre le plus grand nombre possible de kWh, au meilleur prix et en faisant en sorte que ces derniers soient de la meilleure qualité possible, des points de vue environnementaux et sécurité d’approvisionnement ; avec, en corollaire de cette mission, l’obligation de veiller constamment à la pérennité des développements scientifique et technologique d’un outil industriel qui faisait naguère la fierté de l’entreprise et du pays tout entier. Le personnel d’EDF et ses organismes professionnels dont c’est la vocation et la responsabilité n’auraient jamais dû accepter de transiger aussi peu que ce soit sur ces points cruciaux.
Or, force est de constater qu’une résistance syndicale autrefois prête à tout pour imposer quelque banale revendication catégorielle, n’a pas levé le petit doigt, ou à peine, pour sauver Fessenheim, pour s’opposer au projet de fermeture d’une dizaine de réacteurs, sous 15 ans, pour contrecarrer le tsunami de la prédation éolienne et photovoltaïque et éviter la ruine des petits porteurs d’actions EDF. De quoi considérer que ce microcosme socioprofessionnel (quelques 110000 personnes et même 300000, avec les retraités) s’est bel et bien révélé complice de la paupérisation de son entreprise.
Une majorité des compatriotes n’aurait probablement vu aucun inconvénient à conserver aux EDF leurs tarifs particuliers, si ces derniers s’étaient constamment fait un devoir de mettre à sa disposition une énergie raisonnablement abondante et au prix maîtrisé.
La corporation ne doit donc pas s’étonner
- qu’une majorité de ses compatriotes n’accepte plus le partage léonin d’une denrée devenue de plus en plus chère, parce que de plus en plus volontairement rare.
- Cette majorité n’aurait probablement vu aucun inconvénient à conserver aux EDF leurs tarifs particuliers, si ces derniers s’étaient constamment fait un devoir de mettre à sa disposition une énergie raisonnablement abondante et au prix maîtrisé.
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