Commentaire : " Mais dès lors que des dispositions inscrites dans la loi ne sont pas respectées par l’État, celui-ci s’expose à être assigné devant la justice,[...] Mais la pertinence de la loi qui en encadre le développement n’est pas de la compétence du juge, tandis que ses modalités d’application le seront."
C'est déjà ce que constatent les associations qui s'opposent à un projet de zone industrielle d'éoliennes quand elles saisissent le tribunal administratif (TA) ou la Cour d'Appel. Neuf fois sur dix, elles sont déboutées. La forme, pas le fond.
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*******Ces décisions en faveur de l’environnement qui pourraient bien être attaquées en justice demain pour lui avoir nui
Mardi dernier, le tribunal de Montreuil a reconnu l'inaction de l'État dans la lutte contre la pollution de l'air en Île de France
Avec Jean-Pierre Riou
Atlantico : De même que l'on reproche à l'État l'insuffisance de son action contre le réchauffement climatique, ne peut-on pas lui reprocher l'incohérence et l'inefficacité à long terme de ces mêmes politiques (abandon du nucléaire, de la voiture thermique sans alternative valable etc.) ?
Jean-Pierre Riou : le Cadre européen pour le climat et l’énergie à horizon 2030 [1] impose l’objectif prioritaire et contraignant de réduire les émissions de CO2 de 40% par rapport à 1990.
La France a choisi de mobiliser la plus grosse part de l’investissement public de la Stratégie nationale bas carbone (SNBC) pour restructurer le secteur de l’électricité pourtant déjà décarboné. Elle projette en même temps de fermer des réacteurs pour réduire la part de production d’électricité d’une filière nucléaire qui n’émet pas de CO2.
Ce qui semble effectivement bien peu cohérent.
Paradoxalement, le risque d’une condamnation par la justice semble de nature à en conforter l’erreur. En effet :
Le respect de ses obligations par l’État est exposé à l’appréciation des juges. Qu’il s’agisse notamment de l’application de Directives européennes, de leur obligatoire transcription dans la loi française.
C’est ainsi que la France a été condamnée en 2013 par la Cour de Justice de l’Union européenne (CJUE) pour non respect d’une Directive de 1991 sur la qualité de l’eau.
En mai 2018, Bruxelles renvoyait la France devant cette même Cour de justice, après 6 mises en demeure non suivies d’effet, cette fois pour non respect de la Directive européenne de 2008 sur la qualité de l’air.
La justice ayant été saisie par une plaignante qui imputait ses problèmes respiratoires aux pics de pollution, le tribunal de Montreuil ne pouvait que constater une carence de l’État dans les efforts mis en œuvre pour respecter cette Directive.
Parallèlement, il est important de noter 2 points :
- Le tribunal a considéré que le lien de causalité entre cette pollution et les troubles respiratoires de la plaignante n’était pas démontré.
- Le tribunal a considéré que le dépassement des valeurs limites de pollution ne pouvait constituer, à lui seul, une carence fautive.
Or il apparaît que leurs dispositions tendent à ignorer la faisabilité de leur mise en œuvre.
C’est le cas notamment de l’interdiction des moteurs thermiques à horizon 2040, avant même qu’une alternative pérenne soit clairement identifiée, et c’est bien sûr le cas de l’inscription dans la programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) du remplacement de réacteurs nucléaires par des énergies renouvelables électriques (EnRe) dont l’intermittence de production interdit pourtant de remplacer quelque installation programmable que ce soit.
L’Allemagne en fait la fort coûteuse expérience en restant incapable de réduire son parc de production programmable, depuis 2002, malgré le développement d’un imposant doublon intermittent éolien/solaire.
Mais dès lors que des dispositions inscrites dans la loi ne sont pas respectées par l’État, celui-ci s’expose à être assigné devant la justice, sans qu’il soit impératif de démontrer le lien entre la carence de l’État et le préjudice invoqué.
Tandis que les effets d’une politique désastreuse, mais conforme aux actes législatifs, semblent devoir échapper à l’appréciation du juge.
C’est pourquoi le jugement logique du tribunal de Montreuil doit rappeler les effets potentiels de lois dont l’ambition tendrait à se déconnecter de la réalité des faits et des risques qu’elle génère.
Le risque zéro n’existe pas
S’il devait s’appliquer à lui-même, le principe de précaution s’interdirait tout seul tant il est dangereux.
En effet, la gestion du risque est un métier qui ne doit pas céder à l’émotion médiatique, sous peine de faire courir un risque bien plus grand encore en cédant à l’opinion pour privilégier un risque insignifiant.
Qu’on le veuille ou non, le transport aérien est le mode de transport le plus sûr et la production d’énergie la moins dangereuse est l’énergie nucléaire, qui est responsable de moins de morts par kWh produit que chacune des autres filières, éolien compris.
Mais la menace du juge judiciaire tendra à conforter le politique dans son éventuelle erreur, notamment celle de la fuite en avant du développement des énergies renouvelables, malgré leur échec avéré en matière de climat, et de coût, pour la raison qu’il ne sera pas du ressort du juge de se prononcer sur leur efficacité, mais uniquement de constater les efforts engagés par l’État pour respecter ses promesses, dès lors que celles-ci sont inscrites dans la loi.
C’est ainsi que 121 milliards d’euros de soutien public sont déjà engagés dans les contrats d’énergies renouvelables électriques avec la volonté, semble-t-il, de tondre un œuf, puisque le parc électrique français est déjà décarboné à plus de 90% depuis un quart de siècle.
Mais la pertinence de la loi qui en encadre le développement n’est pas de la compétence du juge, tandis que ses modalités d’application le seront.
En quoi le battage médiatique autour de la responsabilité des États dans la lutte pour l'environnement et la tendance au catastrophisme empêchent-ils les puissances publiques de mener à bien cette lutte ?
Le battage médiatique qui dénonce la responsabilité des États entrave leur action en exerçant une pression semblable à celle du juge. Ce qui les incite à une fuite en avant sous la forme de l’intensification d’une politique pourtant en échec, pour avoir notamment confondu objectifs et moyens, c’est à dire avoir privilégié le développement des énergies renouvelables au détriment de la réduction des émissions qu’elles étaient réputées permettre.
Qui plus est, en privilégiant des énergies renouvelables intermittentes en les supposant pertinentes pour participer à l’équilibre du système électrique.
Mais l’image de l’éolienne reste omniprésente et tout changement de cap signerait sa condamnation par l’opinion publique.
Parallèlement, nous venons d’évoquer la faute de l’État dans un domaine aussi important que celui de la qualité de l’eau, qui, de façon étonnante, semble bénéficier de bien peu d’écho médiatique dans le concert des causes environnementales.
L’importance de l’impact des médias sur l’opinion publique pose d’ailleurs la question des limites de la démocratie dans une société désormais dépendante de technologies dont la réalité et les mécanismes sont obscurs à la plupart des électeurs.
Quels sont les effets de la participation croissante de la jeune génération à la lutte pour le climat ? Y a-t-il encore une place pour la rationalité dans un débat où tout est question de "sensibilisation" ?
La mobilisation croissante de la jeune génération dans le « sauvetage de la planète » est inquiétante.
Celle-ci, en effet, semble extrêmement perméable aux clichés véhiculés par les médias.
Nombre de ces clichés sont pourtant bien éloignés de la réalité des faits.
Un sondage BWA pour Orano [2], vient notamment de montrer qu’une large majorité de français (69%) imagine que le nucléaire est néfaste pour le climat en en raison de fortes émissions de CO2. Cette idée fausse, pourtant au cœur de la cause climatique, est partagée par 79% des femmes … et jusqu’à 86% des 18-34 ans.
Cette désinformation de la tranche d’âge la plus engagée pose la question de la pertinence de ses revendications, mais aussi celle du rôle de l’Éducation nationale, puisque le thème des énergies renouvelables y est traité dès le plus jeune âge. Y compris via l’intervention d’acteurs de la filière [3].
On sait pourtant que le cycle complet de l’énergie nucléaire française est tout particulièrement décarboné, grâce à son procédé d’enrichissement de l’uranium, qui l’abaisse à 5,45gCO2/kWh, tandis que l’éolien est estimé à plus de 10g et le solaire à plus de 40g.
Par comparaison, le kWh du « modèle » allemand en matière d’énergies renouvelables émettait en moyenne 560gCO2 en 2016 [4] soit 100 fois plus !
L’irruption des plus jeunes dans le théâtre médiatique est particulièrement sensible puisque c’est de leur avenir qu’il s’agit.
L’importance des sommes en jeu fait craindre leur manipulation par des intérêts financiers.
Les réponses aux questions environnementales relèvent des scientifiques dont la voix est malheureusement pratiquement inaudible. La décision récemment annoncée par B. Poirson de fermer 14 réacteurs nucléaires semble davantage destinée à satisfaire une opinion mal informée qu’à répondre aux défis actuels. Qu’il s’agisse de notre sécurité d’approvisionnement ou de la question climatique.
Mais le caractère quasi religieux de l’écologie politique creuse chaque jour le fossé qui la sépare de la science. La très médiatique Greta Thunberg y représente désormais la grande prêtresse de Gaïa.
A sa suite, les lycéens sortent dans la rue pour sauver le climat et appeler la décroissance.
Sans la moindre logique, la fameuse action en justice contre l’État qui a suivi la pétition des 4 ONG de « l’Affaire du siècle » demande à la fois au Gouvernement de lutter davantage pour le climat et de fermer les centrales nucléaires [5].
La rationalité semble avoir disparu du débat, remplacée par une sensibilité à fleur de peau qui suscite une véritable dictature de l’émotion. Les propos les plus violents fusent envers les contradicteurs, les mangeurs de viande, les automobilistes ou quiconque ne tend pas vers la décroissance.
On ne peut plus ignorer que la géostratégie mondiale n’est pas un long fleuve tranquille et que, notamment, la formidable explosion technologique de la Chine accompagne désormais une « stratégie de conquête aussi inquiétante que minutieusement planifiée », pour reprendre les termes de l’Express [6]
Ce qui ne signifie pas que nous devons tenter d’en faire autant mais doit attirer l’attention sur toutes les conséquences potentielles des utopies.
Surtout lorsqu’elles deviennent inscrites dans la loi.
1 https://ec.europa.eu/clima/policies/strategies/2030_fr
2 https://www.orano.group/presse/dossiers-de-presse/les-fran%C3%A7ais-et-le-nucleaire-connaissances-et-perceptions
3http://ww2.ac-poitiers.fr/dsden79-pedagogie/spip.php?article610&apmobile=web
4 https://www.forumnucleaire.be/actus/nouvelle/lelectricite-en-allemagne-dix-fois-plus-demissions-de-co2-quen-france-2016
5 https://laffairedusiecle.net/
6 https://lexpansion.lexpress.fr/actualite-economique/quand-le-desir-de-puissance-de-la-chine-inquiete_2060222.html
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