Commentaire : écoutez Michel Bühler : cher monsieur
Extraits
"Mais ça fait des milliards, cher Ami, des millions,
Où trouver tout ce blé, ce flouze, ce pognon?
Dans la poche des gens nous prendrons sans compter
Cela, Monsieur, s'appelle la solidarité
Que ce mot sonne bien, il est noble, il est beau
Mais qui, finalement, palpera le magot?
[...]
C'est la loi du marché, on ne peut qu'y souscrire
Mais ne craignez-vous pas... Imaginons le pire
Que le peuple soudain ouvre tout grand les yeux?
Depuis l' temps qu'on fait ça, il n'y voit que du feu! "
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MINISTRE
Monsieur le Conseiller, en ces temps incertains
Le peuple endoctriné craint fort les lendemains.
La presse fait état de vendanges précoces
Quand l’hiver est plus doux, la sécheresse atroce
Et que les ouragans se succèdent à l’envi
Pour au long de leur cours, détruire ce qui vit.
Et cet été : des canicules qui s’emballent !
Comme tout un chacun je n’y comprends que dalle.
Pourtant les citoyens veulent de nous des gages.
Il faut les écouter. Que disent les sondages ?
CONSEILLER
Monsieur le Ministre, ils sont fort éloquents.
Le peuple veut du vert et sera mécontent
Si le gouvernement n’accède à son désir.
MINISTRE
Et pour son énergie que voudrait-il choisir ?
CONSEILLER
C’est le système P qui remporte la palme.
MINISTRE
L’installer maintenant garantirait le calme ?
Qu’est-ce donc que cela ?
CONSEILLER
Un procédé nouveau
Qui combine le vent, le soleil et puis l’eau.
La presse en fait grand cas, et les écologistes,
Comme à leur habitude, en rajoutent et insistent.
MINISTRE
Si la majorité veut le système P
Nous devons sans tarder nous mettre à l’exploiter.
Qu’importe de savoir si c’est rentable ou non,
Tout ignorant qu’il soit, l’électeur a raison.
CONSEILLER
Une question me vient : avons-nous les crédits ?
MINISTRE
En aucune façon, mais l’intendance suit
Toujours. Bercy saura le tour de passe-passe
Qu’il faut élaborer pour qu’enfin il se fasse
Ce que le peuple a dit et partout s’il le faut.
Que cela coûte cher est le moindre des maux
Si les prélèvements se font dans la douceur,
Imperceptiblement via le nouveau compteur.
CONSEILLER
Il faudrait une loi.
MINISTRE
Un décret suffira
Pour lancer un projet qu’en très grand tralala
Nous inaugurerons. Je prends sur mon budget
Quelques millions d’euros sacrifiés sans regret.
Faites-vous donc inviter par tel INDUSTRIEL.
Il sait mieux que personne tout transformer en miel.
CONSEILLER (à INDUSTRIEL)
Monsieur le Ministre a des vues d’avenir.
Il veut en effet que l’on puisse fournir
À tous les habitants de notre douce France
Une électricité sans la moindre nuisance.
Or le système P a capté son regard…
INDUSTRIEL
Donc il voudrait bien en avoir un sans retard.
CONSEILLER
Vous avez tout compris. Une élection approche.
Un système en action tournant sans anicroche
Ferait sur les votants le plus puissant effet.
INDUSTRIEL
Je n’en disconviens pas et vois notre brevet
Enfin valorisé à sa juste mesure.
Nous vous garantissons l’énergie la plus sûre
Et la plus propre aussi.
CONSEILLER
Sans rejets ? Sans appel
À des métaux qu’on trouve à l’état naturel
En quantités infimes en des lieux éloignés ?
INDUSTRIEL
On en use si peu. Nos projets sont soignés :
Voyez sur ces clichés les justes proportions
Que le dessin confère à nos installations.
CONSEILLER
Vous m’avez convaincu. J’ai besoin d’un dossier
Un peu plus étoffé que vos récents papiers.
Avec un chiffrement qui ne soit à la louche,
Un avis bienveillant sortira de ma bouche.
INDUSTRIEL
Cher Monsieur, c’est plié. Arrosés par nos soins,
La presse et les médias renforçant le tintouin
Des écolos-bobos ont convaincu les foules.
Notre système P, une affaire qui roule,
CONSEILLER
Vous savez comme moi que ce projet fumeux
Fit l’objet en son temps de rapports scrupuleux.
De savantes études ont apporté la preuve
Que jamais ces objets ne passeront l’épreuve
De la profitabilité.
INDUSTRIEL
Dans l’absolu
C’est vrai. Mais le monde réel est farfelu.
Rien n’obéit aux lois d’une logique saine.
Dans un cadre idéal, l’idée en serait vaine,
Mais l’État tout-puissant a suivi nos conseils,
Aussi peu performants que soient nos appareils.
Nous allons nous servir de leur état d’esprit
Pour gagner le marché et faire de gros profits.
CONSEILLER
Pourrez-vous prospérer sans quelques tricheries ?
INDUSTRIEL
Il n’est dans cette affaire aucune rouerie.
L’État est avec nous. C’est le prix du courant
Acquis par les Français qui fera le montant
De notre bénéfice. Il reste à calculer
Ce qu’il doit être en gros, mais sans outrepasser
La limite qu’impose une sage décence.
Tout cela sera fait, et avec diligence.
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