Quelles sont les moyens de production d’électricité décarbonés les plus adaptés à une période de canicule ? L’épisode que vient de vivre la France permet d’apporter quelques réponses, valables uniquement pour son système électrique.
Production du système électrique France métropolitaine du 25 au 29 juin 2019. Les chiffres affichés et le camembert sont pour le vendredi 26 à 10h. Sous la ligne zéro, le gris indique le solde import/export (la France a exporté durant toute la période,) et le bleu (pompage) indique l’électricité utilisée pour remonter l’eau dans les STEP (barrages capables de récupérer l’eau située plus bas pour la turbiner à nouveau sur demande). Données temps réel de RTE.
L’hydraulique ? L’hydroélectricité dépend du débit des rivières et des fleuves, et du stock des lacs artificiel. Si le premier est utilisé comme un moyen « fatal », le second est géré en fonction de prévisions de court et long terme visant à utiliser ce stock de la façon la plus efficace possible. Durant cet épisode de canicule, les débits étaient… de saison. Assez faibles sur les cours d’eau alimentés par les pluies, plutôt plus élevé que la moyenne en cette saison sur le Rhône en raison de fonte des neiges tardives. Gérée habilement, l’hydraulique a non seulement fourni de 5 700 MW à 11 475 MW, soit de 11% à 17% de la production mais aussi assuré l’essentiel du réglage fin de l’équilibre entre production et consommation, gage de la qualité de l’électricité dont la tension demeure ainsi très stable. Un rappel salutaire au moment où la menace d’une vente à l’encan de l’usage des barrages à de multiples producteurs sous prétexte de concurrence ne pourrait se traduire que par une sous-optimisation de leurs usages (pour l’électricité, l’agriculture, les loisirs…).
L’éolien ? Cela va dépendre de la configuration météo. Si la canicule provient du passage d’une masse d’air très chaud – comme pour celle de la semaine dernière – il y aura donc du vent. Pas nécessairement beaucoup, puisque les éoliennes ont produit entre 800 et 5 600 MW de mercredi à samedi dernier (sur une puissance installée de 15 475 MW , soit entre 2 et 10% de la production totale. Au pic de la canicule, le vendredi 28 juin, la production éolienne fut particulièrement médiocre, environ 1 500 MW à 15h. Ajouter des éoliennes n’aurait pas changé grand chose aux productions les plus basses. En revanche, si c’est l’installation d’un anti-cyclone qui est la cause de cette canicule, inutile de compter sur elles. Elles seront pour la plupart paralysées, faute de vent, et sur une surface d’autant plus vaste que la canicule sera forte et de longue durée. Ce fut le cas en 2003 en Europe.
Les données en temps réel de RTE permettent de visualiser l’origine de l’électricité toute la journée du pic de canicule, le vendredi 28 juin. Les chiffres correspondent à la production à 15h nucléaire 68%, hydraulique 11%, solaire 10%, gaz 7% , éolien 2%.
Le solaire ? Les panneaux solaires aiment le Soleil, bien sûr… mais pas la température. Leur température idéale de fonctionnement c’est 25°C. La production du parc solaire français, d’une puissance théorique maximale de 8 612 MW, ne fut que d’environ 6 200 MW à midi heure solaire lors des jours de canicule. Pour tomber à zéro une fois l’astre du jour passé de l’autre côté de la Terre. Mais la longueur du jour en juin fut tout de même très favorable à cette technologie qui a pu contribuer jusqu’à 10% de la production française entre 11h et 16h.
Suivi de charge
Le nucléaire ? Les réacteurs nucléaires, eux, n’ont pas vraiment souffert de la canicule. Et fournit l’essentiel de l’électricité demandée par les usagers domestiques, professionnels ou industriels, entre 38 200 MW et 43 200 MW, et entre 64% et 78% de la production. Avec la souplesse due à la capacité à monter ou descendre la puissance des réacteurs en « suivi de charge », tant pour s’accommoder des variations de la consommation que pour compenser les hausses et les baisses des énergies intermittentes et non pilotables, solaires et éoliennes.
Il est vrai que les ingénieurs d’EDF ne sont pas restés inertes après la canicule de 2003. Un plan « grands chauds » a été élaboré pour renforcer la résistance aux températures élevées de tous les équipements qui le nécessitaient. La capacité de refroidissement des aéroréfrigérants (les « tours » qui accompagnent certaines centrales) a été renforcé pour leur permettre de remplir leur office en consommant moins d’eau. Les mesures de l’effet de réchauffement du cours d’eau en aval de la centrale ont été renforcées pour s’assurer qu’aucun problème ne surgissait pour la faune et la flore. Et EDF a eu aussi un peu de chance météo pour la vallée du Rhône, le retard à la fonte de neiges en mai a fait que fin juin le fleuve était encore alimenté en eau de fonte bien fraîche. Il ne faut d’ailleurs pas exagérer les problèmes rencontrés, entre 2000 et 2017 les pertes de production d’électricité nucléaire dues aux canicules ne représentent que 0,18% du total en moyenne annuelle et 1,2% en 2003.
Une précision s’impose sur l’usage de l’eau par les réacteurs nucléaires. Pendant la canicule, des ONG, Greenpeace dans ce tweet ci-contre par exemple, présentent l’utilisation d’eau pour refroidir les centrales nucléaires comme le principal usage de l’eau en France. Une présentation carrément trompeuse. En réalité, plus de 98% de l’eau prélevée… est renvoyée immédiatement dans la rivière, un peu plus chaude. Il est d’ailleurs à noter que, même en 2003, aucune conséquence négative pour la flore et la faune n’a été observée, même pour les réacteurs qui avaient obtenu une dérogation temporaire pour relâcher l’eau en dépassant un peu la limite réglementaire. Cela provient du fait que la part du débit du cours d’eau déviée pour refroidir les réacteurs est assez faible au regard du débit total. En général, les valeurs observées de réchauffement à l’aval de la centrale sont modestes, moins de 1,5°C pour celle du Bugey, mais on peut observer 6°C durant trois jours par an en moyenne. Pour le Rhône, des études de long terme et très détaillées ont montré l’impact majeur du changement climatique sur les transformations de la faune et de la flore. Enfin, les centrales de bord de mer n’ont pas d’effet thermique observable sur la flore et la faune marines.
Au total, si l’on ajoute l’apport marginal des bioénergies, le système de production d’électricité de la France métropolitaine a encaissé sans aucun problème la canicule, a contribué à une politique climatique sérieuse puisqu’il est resté décarboné autour de 95% en permanence, et exporté une électricité tout autant décarbonée aux voisins qui en avaient besoin.
PS : il est possible de télécharger l’application de RTE sur son téléphone portable pour s’informer sur la production et la consommation d’électricité ainsi que sur les prix et les échanges avec les voisins.
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