Jean Pierre Riou
10/11/2017
La
raison majeure ne peut en être que dans la responsabilité qui lui incombe de
par sa
fonction et qui stipule :
6° - III. - Au
titre de l'énergie et du climat, il élabore et met en œuvre la politique de
l'énergie, afin notamment d'assurer
la sécurité d'approvisionnement, la lutte contre le réchauffement
climatique et l'accès à l'énergie, et de promouvoir la transition énergétique.
Car
la difficulté n’est pas de fermer un réacteur nucléaire, mais d’assurer cette
sécurité.
Et
bien que la France ait régulièrement été, il y a peu de temps encore, 1°
exportateur mondial d’électricité, le gestionnaire du réseau européen (Entsoe)
la considère désormais parmi les pays les plus exposés
à une rupture d’approvisionnement, en cas de combinaison de vague de froid
et d’absence de vent.
Comme
c’est le cas de toute période de grand froid anticyclonique.
Malgré
les mécanismes d’effacement, qui s’apparentent d’ailleurs à la suppression d’autant
de fusibles, et le recours possible à des délestages partiels par zones.
Mais
le non respect obligé des normes de
sécurité (N-1) accompagne fréquemment ces périodes tendues et rendent crédible
la possibilité d’un blackout total sur le pays, comme celui que la France a frôlé
le 25
janvier dernier à 19 heures, malgré des températures tout à fait normales
pour la saison.
Une
telle rupture n’excluant pas d’entrainer avec elle le reste de l’Europe, par
effet domino sur le réseau.
Des conséquences
apocalyptiques
Le
site http://www.blackout-simulator.com/
permet de simuler le coût financier de tels événements qui se sont notamment
répétés en Australie en raison de la forte proportion de productions
intermittentes.
Il
le chiffre à 7,6 milliards d’euros
pour 24 heures en France. Sans préjudice des émeutes et pillages qui
accompagnent presque chaque fois de tels événements, ni du nombre de décès, dans
de telles situations, coincés dans les ascenseurs, dans d’inimaginables
embouteillages, mouvements de foule incontrôlés ou absence de toute possibilité
de communication. Un
tel événement est inacceptable en France.
Or,
notre système électrique, capacités d’importations comprises, est actuellement incapable
de passer un pic de consommation tel que celui de février 2012 (102 GW),
pourtant loin d’être exceptionnel.
« Ferme
ta centrale » est un slogan médiatiquement vendeur, mais bien peu
responsable.
Le survol de nos centrales nucléaires par des
drones avait d’ailleurs fait craindre
une menace terroriste, le danger majeur en provenait de la rupture de
fourniture de leur production, par la
destruction de leurs transformateurs, et non d’une quelconque attaque des réacteurs,
dont les murs ont
prouvé leur résistance au crash d’un avion de chasse.
La
prétendue « complémentarité » nucléaire renouvelable a pour
principale conséquence de fragiliser
nos réacteurs, sans permettre la fermeture du moindre d’entre eux, comme le
montre l’évolution
du parc allemand ou français, mais en aucun cas de constituer une sécurité,
puisque le taux de couverture garanti
du solaire est de 0% et celui de l’éolien autour de 0,1%.
L’extrême
vigilance de l’autorité de sûreté nucléaire (ASN), et les contrôles et
rechargements en combustible imposent une rotation des réacteurs disponibles.
Et
le manque d’anticipation dans l’entretien/renouvellement de nos réacteurs fait déjà
courir à la France un risque majeur dès cet hiver en cas de grand froid.
Décider
la moindre fermeture d’un réacteur considéré fiable par l’ASN dénoncerait l’absence
de connaissance de cette situation.
Nucléaire et
climat
En
second lieu, la décision de N.Hulot en pleine COP 23 a fait couler beaucoup d’encre
sur ce qui a également été considéré comme une « reculade » face aux
engagements climatiques.
La
réduction du nucléaire allemand vient pourtant d’être stigmatisée dans un rapport
qui la classe parmi les pires élèves de la lutte pour le climat, tandis qu’une autre met
en évidence le rôle majeur du nucléaire et de l’hydraulique dans les bilans de
réduction d’émissions, parallèlement à l’inefficacité
du solaire et de l’éolien.
Et
la palme de la mauvaise foi semble devoir être décernée aux ONG qui ont
attribué le « prix
fossile du jour » à la France, pour la décision de N.Hulot en regard
des négociations sur le climat de la COP 23, à Bonn.
L’efficacité
du combat climatique consiste, en effet, à réduire les émissions de gaz à effet de
serre (GES) et non à développer des moyens qui, à l’origine, étaient supposés y
participer.
Et
la France, qui s’est vu décerner le meilleur
indice de performance climatique au monde , n’a guère de leçon à recevoir
sur la façon d’y parvenir.
Deux points nécessaires
pour préciser la situation du nucléaire français :
La santé d'EDF
Les difficultés d’EDF lui sont généralement imputées sur la foi du syllogisme :
EDF
est malade – EDF repose sur le nucléaire – donc le nucléaire rend EDF malade.
Un
regard sur la santé de ses homologues européens dénoncera efficacement cette absence de raisonnement
Source Colombus
Consulting
Et
c’est, bien au contraire, le déversement massif de surplus d’électricité intermittente, décorrélée des besoins et subventionnée qui a ruiné le marché de l’électricité et privé de
rentabilité tous les électriciens européens.
A
cette situation, il convient d’ajouter
la dette de 4,6 milliards d’euros qu’EDF a été contraint
d’avancer à l’Etat pour le surcoût des énergies renouvelables (CSPE) et dont le remboursement n'en finit plus d'être retardé, et
les 20
milliards d’euros de dividendes que l’État actionnaire s’est octroyés en 10
ans sur le compte d’EDF.
Le coût de l'uranium
D’autre
part, les coûts des importations de combustible ont fait couler beaucoup d’encre
en regard du vent, qui, bien que capricieux, serait gratuit.
Le
site des
douanes françaises indique, pour les 12 derniers mois, la valeur de 548 611
k€ pour les importations de combustible nucléaire traité … et 141 362 k€ pour
les exportations.
En
effet, l’Usine d’enrichissement d’Uranium G.Besse 2 a désormais atteint
sa pleine puissance et peut enrichir la consommation d’uranium de 100
réacteurs, alors que notre parc n’en dispose que de 58.
Le
cours de l’uranium se trouve certes au plus bas actuellement et ses
importations se chiffraient à 1 milliard d’euros en 2015.
Mais
il faut en « retrancher » les 2 milliards d’euros qui proviennent,
chaque année, de nos exportations d’électricité produite à 77% par le parc
nucléaire.
Le spectre du
risque
On
sait enfin que le charbon tue des dizaines
de milliers de personnes chaque année, même
en dehors de ses frontières, et que c’est le nucléaire qui a provoqué le
moins de mort par unité d’énergie produite.
Et
que la gestion des risques est un métier qui ne devrait céder ni à
l'émotion ni à une opinion publique susceptible d'être manipulée.
C'est sous sa pression qu'une promesse électorale a entrainé la décision de porter la part de la production
nucléaire à 50% au lieu des 77% actuels.
Non
pas de la puissance installée, puisque notre parc nucléaire ne représente déjà que 48,3% de la puissance de celui-ci,
comme l’indique le bilan
RTE.
Car
ce n’est en fait que son efficacité qu’on semble lui reprocher et qui tend à justifier
qu’on lui impose une « complémentarité » avec des énergies
intermittentes, l'astreignant à des régimes chaotiques qu’il est capable d’assurer, malgré
une sollicitation
accrue des installations et une plus grande quantité d’effluents
radioactifs lors de tels régimes.
La vraie
question
Et
plutôt que de s’interroger sur les raisons qui ont conduit N.Hulot à repousser
l’échéance de la loi de Transition énergétique pour la croissance verte
(LTECV), il est permis de s’interroger sur les avantages qui sont supposés en
résulter.
Puisque
des énergies intermittentes n’ont jamais permis de fermer de moyens pilotables,
et qu’aucun avantage n’est à attendre de la « complémentarité »
nucléaire/renouvelable, ni en termes de sécurité, ni en termes d’émissions de
CO2, ni surtout en termes de coûts.
L’avocat
A.Gossement analyse
les raisons qui rendent la révision de cette loi nécessaire.
Et
pose une intéressante question :
«
De deux choses l’une : soit la loi
de 2015 comporte un objectif « irréaliste » et il faut s’interroger sur la raison pour laquelle il a quand même
été voté par la majorité d’alors. Soit cette loi, faute d’avoir été
appliquée plus tôt, est devenue inapplicable. »
En tout état de
cause, sa première hypothèse semble devoir être approfondie.
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