Nucléaire : la fin d'une tartufferie

Par Michel Revol
Le Point.fr
Publié le 08/11/2017

Commentaire : "On est aisément dupé par ce qu'on aime."
Acte / Scène : Le Tartuffe, IV, 3, le 12 mai 1664.

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Vidéo. En annonçant que la part du nucléaire dans la production d'électricité ne serait pas réduite à 50 % d'ici à 2025, Hulot sonne le glas d'une promesse intenable.
 https://dai.ly/x684gyr

Promis, juré, c'est une coïncidence. RTE, le gestionnaire du réseau électrique, avait organisé depuis belle lurette cette conférence de presse qui, mardi, a révélé entre autres choses que la loi serait difficile à respecter : abaisser d'ici à 2025 la part du nucléaire dans la production d'électricité à 50 % aurait obligé à multiplier quasiment par deux le nombre d'éoliennes, par quatre la capacité du solaire, et à fermer 24 réacteurs de 900 MW ! Pas besoin d'être un expert de l'énergie pour comprendre que ce scénario ressemble à de la science-fiction, d'autant que, selon les calculs de RTE, il aurait conduit à multiplier par deux les émissions de CO2 en moins de dix ans à cause du doublement de la production des centrales à gaz.

Un scénario assez catastrophique qui est donc arrivé à point nommé – à moins que la coïncidence ne soit pas tout à fait fortuite – pour conforter Nicolas Hulot. Mardi, à la sortie du conseil des ministres, le ministre de la Transition énergétique a annoncé que l'objectif inscrit dans la loi de transition énergétique, et réaffirmé durant la campagne électorale par le candidat Macron, ne serait pas tenu. Plus précisément, l'objectif est réaffirmé, mais sa réalisation reportée de quelques années. Adieu, donc, la barre symbolique des 50 % à l'horizon 2025, contre environ 75 % aujourd'hui.
Lire aussi «  Fermer 17 réacteurs nucléaires d'ici à 2025, c'est irréaliste  »
 
Relance de la pollution
Qui pouvait sérieusement croire que, d'ici huit petites années, la promesse serait tenue ? Comment imaginer implanter plus de 4 000 éoliennes dans ce laps de temps (c'est la projection du scénario de RTE) alors qu'il faut, en moyenne, sept ans entre la décision d'édifier un parc éolien et sa mise en service ? Qui pouvait croire que l'opinion accepterait la relance de la pollution pendant des années et des années au motif qu'on veut lutter contre l'atome, qui, s'il est potentiellement dangereux, ne pollue pas – mise à part la question cruciale des déchets ? Comment, incidemment, retrouver du travail aux milliers de salariés du nucléaire, même si la transition énergétique sera pourvoyeuse d'emplois, en si peu de temps ?

Emmanuel Macron semblait y croire, puisqu'il reprend en 2017 cette idée ficelée sur un coin de table en 2011 par... Martine Aubry. La première secrétaire du Parti socialiste vise alors l'Élysée. Candidate à la primaire de la gauche, elle noue avec Cécile Duflot un accord électoral qui remplit d'aise les écologistes. Ils obtiennent notamment la fermeture de la centrale de Fessenheim, la plus ancienne de France, et ce désormais célèbre objectif de réduction du nucléaire. François Hollande, finalement vainqueur de la primaire, reprend à son compte l'accord, moyennant quelques modifications. On notera que son conseiller énergie, qui ne critique pas publiquement l'objectif, s'appelle François Brottes. L'homme deviendra, quelques années plus tard, président du directoire de RTE, qui vient donc d'entamer sérieusement le crédit de ce même accord... 

Rénovation du parc
«  Cette loi est intenable, depuis le premier jour  », remarque-t-on depuis longtemps dans l'entourage de Jean-Bernard Lévy, le patron d'EDF. L'électricien ne fait rien pour accélérer la manœuvre. La seule décision prise depuis 2012 et l'accession au pouvoir de François Hollande, c'est la fermeture des deux réacteurs de Fessenheim, lorsque l' EPR de Flamanville entrera en service. Pour le reste, EDF n'a strictement rien engagé ; au contraire, l'entreprise publique, détenue à plus de 80 % par l'État, s'est engagée dans une vaste rénovation de son parc nucléaire pour accroître sa durée de vie des centrales au-delà des quarante années initialement prévues. Bref, l'exact contraire des engagements pris par François Hollande, puis par Emmanuel Macron.

La déclaration de Nicolas Hulot a ulcéré les associations écologistes. Europe Écologie-Les Verts, à l'origine de l'objectif, parle de «  décision scandaleuse  ». Mais qu'est-ce qui est scandaleux ? Repousser de quelques années, comme l'a promis Nicolas Hulot, un objectif auquel tout le monde, ou presque, souscrit – abaisser la part du nucléaire de 75 à 50 % ? Ou afficher, comme François Hollande et Emmanuel Macron, une ambition tout en sachant qu'elle serait quasiment irréalisable – sauf à entamer une révolution, ce qu'aucun des deux n'a fait ?


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