Charente, Saint-Fraigne: ou comment biaiser une enquête publique...

eoliensaintfraigne
26 octobre 2018

Commentaire : "La société politique contemporaine : une machine à désespérer les hommes.
Albert Camus (1913-1960)
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Saint-Fraigne © photo S. Charbeau - Réf : 140901-093-stfraigne-v2


les jardins remarquables comme à Cohons (52)
Saint-Fraigne © photo S. Charbeau - Réf : 140901-093-stfraigne-v2


Saint-Fraigne (16) en photos, c'est ici


Situation en Nord-Ouest Charentes








Les documents cités dans cette étude sont consultables sur le site Internet de la Préfecture de la Charente ou bien peuvent être demandés à l’adresse « contact » de ce site.

L’enquête publique sur le projet éolien de Saint-Fraigne (16) a eu lieu du 27 novembre au 28 décembre 2017. Dans les conclusions de son rapport, le commissaire enquêteur constate que ses travaux ont été conduits « sans difficulté particulière » et que les textes relatifs à la procédure ont été respectés, sauf une anomalie mineure.
En réalité, les procédures ont été constamment biaisées pour donner l’impression d’une population locale largement favorable au projet éolien. Voici quelques exemples.

Registre des signatures oublié
Le registre des signatures n’était pas toujours apparent. Des visiteurs sont repartis sans avoir vu qu’ils pouvaient signer pour attester de leur intervention. Certains s’en sont plaints ensuite, et ils ont écrit au Préfet pour s’en plaindre. Bruno Sepulchre a rencontré la même anomalie et l’a relatée dans sa première intervention sur le site de la Préfecture. D’autres encore ont fait le même constat. On ne saura jamais combien de personnes sont reparties sans signer, et donc une incertitude plane sur leurs dépositions.

Intervenants favorables ayant des liens avec le secteur de l’éolien
Le commissaire enquêteur a enregistré 6 avis favorables « d’entreprises de travaux publics » (Conclusions, page 7). En réalité, nous comptons 9 interventions d’entreprises plus ou moins liées à ce secteur, que l’on retrouve pour la plupart sur le site de la Préfecture. En reprenant les numéros du rapport, on trouve :
7 – Fédération des travaux publics de Nouvelle Aquitaine,
6 – Mattei pour l’entreprise de travaux publics Eurovia TP (Royan),
13 – Barrier pour l’entreprise STPR (Confolens-Pleuville),
14 – Sans pour Engie – Ineo (distribution d’électricité)
19 – ADI Aquitaine
35 – Bellivier (Vestas),
52 – Froberville pour Engie-Ineo,
11 – Ineo Aquitaine (génie civil),
34 – Cuellar pour Vestas (deux interventions visibles sur le site de la Préfecture).

Le commissaire enquêteur n’a pas vu d’inconvénient à enregistrer les dépositions, toutes favorables au projet, de ces entreprises ou de leurs salariés (Conclusions, bas de page 6). Pourtant, il avait le devoir, au moins moral, de relever qu’elles étaient toutes intéressées directement ou indirectement au projet, dont certaines très directement, comme le fabricant d’éoliennes Vestas, dont les machines seraient utilisées sur le site de Saint-Fraigne (deux interventions, dont une double).
Plus grave encore, on s’aperçoit que l’intervenant Bellivier, qui se présente et a été enregistré comme un particulier, utilise en réalité une adresse internet de l’entreprise Vestas. Combien d’intervenants ont utilisé ce subterfuge, ou un subterfuge de ce genre ? Là aussi, il est difficile de quantifier, mais la réalité du fait est certaine.

Dégonflage statistique des avis défavorables
Le commissaire enquêteur a enregistré 182 avis favorables, 52 défavorables et 17 « réservés ». Il a « dégonflé » les défavorables par différents moyens.
D’une part il a créé arbitrairement une catégorie « avis réservés » où il a classé d’office des intervenants qui émettent des critiques mais qui, selon le commissaire enquêteur, « n’expriment aucune conclusion ». En fait, toutes les personnes ainsi cataloguées sont des opposants parfaitement identifiés. Même Bruno Sepulchre, vice-président de l’association de défense, est réputé avoir émis un simple « avis réservé ».

D’autre part, le commissaire enquêteur a noté que 9 associations ont déposé des avis (nous en avons compté 11). Mais il oublie de préciser que tous les avis des associations sont négatifs et que chacune de ces associations représente plusieurs personnes, et même éventuellement de nombreuses personnes !

Pétition douteuse du maire de Saint-Fraigne

Le commissaire enquêteur a enregistré sans nuance ni réserve, dans les avis favorables, l’ensemble des résultats d’une pétition patronnée par le maire de Saint-Fraigne, que ce dernier a fait signer dans des réunions qui n’étaient pas prévues à cet effet, comme le Téléthon. Certaines personnes se sont plaintes de s’être trouvées dans des situations embarrassantes. Beaucoup ont écrit n’importe quoi, avec des adresses fantaisistes ou pas d’adresse du tout.

 

Regardez par exemple la contribution numéro 178 : elle est signée par un nommé « Benmoreau Mohamed Ali » qui prétend habiter à un endroit nommé « Grande banlieue pauvre » ! Cela ne gêne pas le commissaire enquêteur, apparemment.
Et que dire de cette contribution dont le signataire déclare habiter à « Heil-Fabien » ?
Visiblement, les signataires se sont bien amusés, et le commissaire enquêteur, lui, a tout gobé sans sourciller.
En réalité, cette pétition douteuse, pour laquelle on a forcé la main des gens, aurait dû être accueillie avec la plus grande réserve. Le commissaire enquêteur, au contraire, a tout accepté.

Motivations des avis
On ne peut pas éviter de remarquer que tous les intervenants défavorables ou réservés (69, sans compter le multiplicateur des associations) donnent une ou plusieurs motivations personnelles, parfois assez longuement. En revanche, parmi les 182 intervenants favorables, seuls 23 donnent un avis personnel motivé, dont 9 sont les entreprises déjà citées liées aux travaux publics.
Bien entendu, il n’y a rien en cela qui soit contraire à la réglementation. Mais ce constat donne tout de même un éclairage intéressant sur les motivations des intervenants.

Les opinions défavorables à la trappe !
Les opposants se sont étonnés de la méthode plutôt rapide du commissaire enquêteur pour écarter leurs arguments.
Le signataire de ce texte peut témoigner que le commissaire enquêteur lui a fait la morale en contredisant ses arguments – qui pourtant étaient tout à fait recevables et présentés avec modération.
Le comble est atteint dans les conclusions du rapport, sur la question du Circaète Jean-Le-Blanc, un rapace rare et très protégé, que l’on a identifié depuis longtemps dans les parages : le commissaire enquêteur s’aligne purement et simplement sur la position du promoteur qui affirme, dans l’étude d’impact, qu’il n’a rien vu. Le commissaire enquêteur écarte donc, sans guère d’explications, des arguments multiples et importants : les informations données par le Groupe Ornithologique des Deux-Sèvres, les recommandations de Charente Nature à l’enquête publique, l’avis récent de la DREAL sur le projet voisin de Couture d’ Argenson (20 octobre 2016) et les considérants du Préfet des Deux-Sèvres dans son arrêté de rejet du 15 février 2017. Pourtant, le Circaète et d’autres espèces rares sont bien là, tout simplement parce que ce petit coin de Charente et des Deux-Sèvres, issu de l’ancienne « Sylve d’ Argenson », est un havre de biodiversité.

Sur ce sujet comme sur d’autres, cette attitude est partiale. Elle conduit tout droit, à une grande faiblesse, et donc à une insuffisance condamnable, des motivations du rapport.

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