La gouvernance d'Engie à l'heure de la diplomatie



A la tête d’ Engie, c’est à un duel feutré que se livrent le président Jean-Pierre Clamadieu et la directrice générale Isabelle Kocher. Depuis son arrivée en mai, suite au départ de Gérard Mestrallet, Jean-Pierre Clamadieu semble s’écarter de la ligne Kocher en proposant, à tout le moins, des inflexions majeures à la stratégie de la directrice générale.

La stratégie d'Isabelle Kocher remise en question
De ces crissements dans les rouages, le plus audible vient de Belgique : on y soupçonne Engie de vouloir vendre sa filiale Electrabel, qui gère les sept réacteurs nucléaires belges, pour éviter d’avoir à assumer le cout des démantèlements à venir. Pour assurer le déminage de ce dossier auprès du gouvernement belge, Jean-Pierre Clamadieu a dû le rassurer en lui garantissant que la vente de la filiale n’était pas envisagée. Un désaveu cinglant pour Isabelle Kocher, mais pas le seul. De nombreux axes stratégiques définis par la directrice générale sont remis en question par son président : il a dit son attachement pour les grands clients industriels, elle souhaite se « rapprocher des particuliers » ; la décarbonisation est officiellement une priorité, il considère que les projets éoliens et solaires nécessitent trop de dettes. Enfin, quand Isabelle Kocher privilégie les start-up et les « petites acquisitions », Jean-Pierre Clamadieu souhaite lancer de vastes projets de rachat de groupes importants. Au terme du plan de transformation triennal d’Isabelle Kocher initié en 2016, le groupe est certes désendetté, mais la ligne de la directrice générale est désormais contestée au plus haut niveau.
C’est dans ce contexte, que se tenait début octobre la revue stratégique du groupe. Si l’on en croit des sources proches du Conseil d’Administration, le grand schisme entre les deux têtes dirigeantes ne s’est pourtant pas produit. Selon certains points de vue, il n’y aurait pas de divergences fondamentales par rapport à la ligne suivie depuis trois ans. D’autres voient une remise en question. Une différence notable cependant : la surface des acquisitions et des participations envisagées. Le désendettement d’ Engie permet à l’entreprise de gonfler ses ambitions, comme le souhaite Jean-Pierre Clamadieu.

Un nouveau président qui entend assumer son statut de patron
Pourtant, la volonté du Président « d’imprimer sa marque » ne fait pas de doute : celui qui assurait avant sa nomination n’envisager sa future fonction que comme un « part-time job », ne quitte pas Engie des yeux, consulte beaucoup et avance ses pions, alors que le cours du groupe, dans l’expectative, ne se porte pas bien. Les investisseurs attendent sans doute « l’année du rebond » promise régulièrement par l’état-major d’Isabelle Kocher.
Pour l’instant, l’option « renouvelable », chère à la directrice générale, repose surtout sur l’hydroélectricité et certains lui reprochent une politique peu claire dans les pays émergents, comme en Thaïlande où le groupe prépare la vente de la production d’électricité. Une session qui semble en contradiction avec la stratégie internationale revendiquée par la Directrice. Parviendra-t-elle à reprendre la main ? D’Emmanuel Macron, dont le manque d’enthousiasme vis-à-vis de la directrice générale ne fait guère de doute à Gérard Mestrallet, actuel président de Suez et parti fâché d’ Engie, ses détracteurs sont puissants et elle aura sans doute fort à faire.

La question belge

Ce qui pourrait départager les deux dirigeants tiendra peut-être dans la résolution de la question du nucléaire belge. Comment s’engager dans la prolongation des centrales et assurer de la rentabilité ou au contraire assumer des couts d’enfouissement dont l’estimation monte à près de 8 milliards ? Comment éviter les arrêts de centrales suite aux contrôles des autorités belges et les pertes sèches qu’ils représentent ? Et surtout comment éviter que ce dossier ne prenne un tour diplomatique entre les Etats français et belge ?
Sur ce dossier crucial pour l’avenir de la gouvernance d’ Engie, la partie se jouera sur le terrain politique, et celui qui l’emportera sera sans doute celui qui saura avant tout préserver la stature du groupe sans égratigner les relations franco-belge et sans instrumentaliser ce dossier épineux.
Comme le précise discrètement une source syndicale : « Dans cette histoire, ni Clamadieu, ni Kocher n’ont intérêt à ce que ça se passe mal. Ça pourrait plomber le groupe. Je n’imagine pas que ce dossier puisse être utilisé par l’un ou l’autre pour déstabiliser son adversaire sur des questions de gouvernance. Ce serait le mauvais dossier car si ce dossier explose, tout le groupe en subira les conséquences. »

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