Nucléaire : le rapport « secret » qui inquiète la filière

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Publié le 11 Oct 18

La loi relative à la transition énergétique prévoit de réduire la part du nucléaire dans la production d'électricité de 75 à 50% d'ici 2025. Le gouvernement veut la reporter à 2035

 
Une des piscines d’ Orano la Hague. Comme celles des centrales EDF, elle risque la saturation en cas de fermeture de réacteur, conformément à la loi sur la transition énergétique. (©Orano)

La loi relative à la transition énergétique, publiée en août 2015, prévoit de réduire la part du nucléaire dans la production d’électricité de 75 à 50 % à l’horizon 2025. Une échéance que le gouvernement actuel, qui prépare la Programmation pluriannuelle de l’énergie, juge peu réaliste et devrait reporter à 2035.
Cette question de date ne change pas fondamentalement le scénario : dix-neuf réacteurs, sur les cinquante-huit du parc EDF, seront arrêtés à terme. A priori les plus anciens, c’est-à-dire les réacteurs de 900 MW. Or, ce sont ces mêmes réacteurs qui utilisent le combustible MOx, issu du recyclage par Orano dans ses usines de la Hague et de Melox.

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« Occlusion intestinale »
Plusieurs études ont été réalisées pour mesurer les conséquences de l’arrêt de ces réacteurs. EDF en a réalisé une, intitulée « Impact cycle 2016 », l’Autorité de sûreté nucléaire a aussi demandé une expertise à l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN).
Le rapport a été remis en mars dernier. Aucun des deux n’a été publié, mais l’Association pour le contrôle de la radioactivité dans l’Ouest (ACRO) a pu consulter celui de l’ IRSN.
Le président de l’ ACRO, David Boilley, explique que les piscines de la Hague arriveraient rapidement à saturation :
Selon l’ IRSN, le scénario d’arrêt de dix-neuf tranches de 900 MW en 2025 conduit à la saturation des piscines de la Hague et des réacteurs nucléaires en moins de cinq ans après la première fermeture. Tout le parc nucléaire devra donc s’arrêter pour cause d’occlusion intestinale après la mise à l’arrêt de moins de neuf tranches utilisant du MOx.
"Les résultats de la simulation de l’ IRSN confirment la conclusion d’EDF", souligne encore David Boilley.

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Une piscine centralisée
EDF a certes un projet de piscine centralisée qui pourrait ouvrir en 2030.
Selon l’ IRSN, le report à 2035 de la limitation à 50 % de la production d’électricité d’origine nucléaire, décalerait d’autant la perspective de saturation des piscines actuelles, « ce qui est compatible avec le calendrier prévisionnel de mise en service de la piscine centralisée ».
Mais rien ne dit que cette piscine sera effectivement opérationnelle.
En attendant, poursuit l’ ACRO en se référant à l’expertise de l’ IRSN, « on ne pourrait pas arrêter le retraitement et le MOx ». Lors du retraitement des combustibles usés, 1 % de la masse est du plutonium réutilisé pour la fabrication de MOx.
C’est ce petit pour cent qui peut bloquer toute la machine, note l’ ACRO. Toute l’industrie nucléaire est dans une situation très fragile, car on peut imaginer des aléas qui entraîneraient un arrêt prolongé d’une des mailles de cette chaîne du plutonium.
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Les évaporateurs, le maillon faible
Et le maillon faible, ce sont les évaporateurs de l’usine de retraitement de la Hague.
Ces évaporateurs, qui permettent de concentrer les produits de fission avant vitrification, présentent, selon des mesures réalisées en 2014 et 2015 par Areva (Orano aujourd’hui), une corrosion plus rapide que prévue lors de leur conception. Des fuites sont même apparues, confirmait en janvier 2017 l’ ASN.
Un programme de remplacement, à l’horizon 2021 et 2022, a été lancé. Il représente un investissement de 700 millions d’euros.
En attendant, en cas d’arrêt des évaporateurs de l’un des ateliers, l’usine correspondante devrait être arrêtée. Et un arrêt des deux usines pour une durée supérieure à six mois pourrait conduire à une saturation des piscines d’entreposage.
L’  IRSN demande donc à Orano et EDF de revoir leur copie sur ce sujet et de préciser la durée d’indisponibilité qui conduirait à la saturation des piscines, rapporte l’ ACRO. La réponse est facile à estimer : la saturation interviendrait au bout d’une année environ.

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Appel à la diffusion
Un scénario catastrophe pour l’ensemble de la filière.
L’industrie nucléaire française a mis en place un système que l’on ne peut pas stopper sur décision politique, sans risque d’un effet falaise qui arrêterait tout le parc en peu de temps. "Mais ce système est extrêmement fragile et le piège pourrait se refermer sur ces concepteurs, à la suite de pannes », estime David Boilley.
Pour l’ ACRO, ces éléments auraient dû être rendus publics dans le cadre du débat public sur la Programmation pluriannuelle de l’énergie. Ils doivent l’être en tout cas avant le nouveau débat sur le Plan de gestion des matières et déchets radioactifs.
Le Haut comité pour la transparence et l’information sur la sûreté nucléaire y est favorable. À tout le moins une version publique. L’ IRSN, sollicité par l’ ACRO, n’y est pas opposé. Et la présidente de la commission particulière du débat public les réclame elle aussi.

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