L'Europe de l'Ouest tout entière a connu en juillet dernier un épisode caniculaire remarquable, avec beaucoup de soleil mais très peu de vent. A quelles énergies primaires la France a-t-elle fait appel pour produire de l'électricité ? Voilà une question qui mériterait davantage le regard des médias, puisqu'une révision de notre programme énergétique est prévue à bref délai et qu'il est urgent d’agir.
Comment s'informer ? RTE.(Réseau de Transport de l’Électricité) a publié le 28 septembre quelques données de synthèse sur notre production de juillet-août. Que dit-il ? La production solaire, en forte hausse de 32.7% en juillet et de 23.4 en août par rapport à 2017, atteint un nouveau niveau historique de 1432 GWh au mois de juillet en raison d'excellentes conditions d'ensoleillement. La production éolienne est en diminution du fait d'un vent peu présent en juillet mais en augmentation en août par rapport à 2017.
RTE masque autant qu'il le peut l'extrême faiblesse de la production éolienne de juillet. Les chiffres sont plus éloquents : l'énergie éolienne n'a produit en juillet que 2.7 % de l’électricité française (et même seulement 1.5% durant la semaine du 21 au 28 juillet !). Moins donc que le solaire, si brillant, qui en a fourni 3,4 %, avec des variations journalières certes très régulières mais évidemment de grande amplitude. Ces deux sources, dites « renouvelables intermittentes », qui bénéficient d’un accès prioritaire au réseau, n'auront donc guère produit en juillet que 6 % de notre électricité1.
Pour faire face aux variations assez erratiques de notre éolien et de notre solaire, RTE a disposé de l'énergie hydraulique maîtrisable, issue de nos barrages, en partie « rechargeables » grâce à nos stations de pompage, et naturellement aussi du fuel ou du gaz, qui sont souples d'emploi. Les centrales nucléaires, avec une puissance opérationnelle double (45 GW nucléaire2 comparés aux 22 GW éolien + solaire), auront fourni très régulièrement 87 % de notre production, soit 14 fois plus (dont 15% exportés dans d'excellentes conditions de marché). Au total, grâce à notre mix, 93.5 %, de notre électricité de juillet aura été décarbonée, plaçant la France en première position, avec les pays scandinaves qui bénéficient d'une rente hydraulique exceptionnelle, très loin devant l'Allemagne3.
Or, que propose l’ ADEME ? Doubler les parcs éolien et solaire d’ici 2023 et plus que le tripler d’ici 2028 en arrêtant 6 réacteurs nucléaires dans le même délai. Cette évolution, destructrice d’emplois nationaux, au grand bénéfice des exportateurs industriels chinois, allemands ou danois, renforcerait-elle notre situation énergétique ? En rien ! Il faudrait investir davantage dans des centrales à gaz par précaution et accepter d'augmenter nos émissions de CO2. Une leçon de cet été est que le même climat peut affecter l'Europe entière et donc qu'il n'y a pas « toujours du vent quelque part » comme osent l'écrire certains. Inversement, en cas de surproduction d'électricité « renouvelable » européenne, faudra-t-il payer pour tenter de s'en débarrasser, comme le font parfois nos voisins germaniques ? Et de combien augmenterait-on le prix de vente de l'électricité (déjà + 35 % depuis 8 ans), puisqu'il faudrait bien rembourser les subventions de l'Etat aux énergies renouvelables par le biais de taxes diverses et souvent ignorées des Français, la CSPE (contribution au service public de l'électricité) et la contribution climat/énergie ?
Certains nous promettent une révolution industrielle avec un stockage de masse d’électricité (sous forme d’hydrogène ou de gaz synthétique). Mais rien ne nous prouve aujourd’hui le réalisme de ces technologies et leur compétitivité. On ne peut bâtir une politique énergétique sur des paris risqués ou des vœux pieux. Sans doute, Nicolas Hulot a-t-il fini par le comprendre et à en tirer les conséquences.
D’autres nous vantent le « chacun pour soi » avec l’autoconsommation et la vertu de l’électricité verte. Mais que font-ils quand il n’y a ni vent, ni soleil, en particulier l’hiver ? Ils font appel au réseau, qu’ils financent peu, tout en se faisant rembourser leurs emprunts par l’ensemble des consommateurs via les taxes sur l’énergie. Il serait juste de revaloriser cette garantie d'approvisionnement de fait (via le prix des abonnements) qui oblige les « électriciens » à réaliser des prouesses d'équilibristes pour satisfaire tout le monde à tout moment de la journée. Que deviendrions-nous si nous manquions réellement de courant durant une semaine ? Voilà un beau sujet de réflexion, ou de film (en noir et blanc).
Au regard de l'industrie allemande la nôtre fait, dit-on, pâle figure. Mais pourquoi masque-t-on la réalité de ce pays qui, pour arrêter la moitié de son nucléaire (10 GW sur 20), a relancé l’usage du charbon et du lignite et déjà dépensé 200 milliards d'euros pour ne réussir qu’à maintenir au même niveau depuis 2009 les émissions de CO2 de son secteur électrique, près de dix fois plus élevées que le nôtre.
Nous savons que la transition énergétique devrait porter prioritairement sur les énergies renouvelables thermiques, l’élimination du fioul et du gaz naturel dans les bâtiments et l’électrification des transports. Malheureusement depuis 2006 et la RT 2012 (réglementation technique appliquée à la construction), le gaz est favorisé par rapport à l'électricité en particulier dans les immeubles et l’habitat groupé.
Nous fragilisons notre industrie nucléaire, qui emploie 200.000 personnes, et nous nous apprêtons, sous la pression de Bruxelles, à brader des barrages hydroélectriques dont nous avons payé, chèrement, la construction et la maintenance.
Pourquoi la plupart des partis politiques et des médias pensent-ils qu'écologie et nucléaire s'opposent alors que l'atome peut contribuer à empêcher la dérive climatique ? Aura-t-on bientôt fini de marcher sur la tête ?
1- Dans le même temps tous nos voisins bénéficiaient d’un anticyclone identique et voyaient également leur production éolienne très fortement réduite.
2- En été environ 30 % des réacteurs sont arrêtés pour maintenance, jouvences et rechargements afin de préparer l’hiver.
3- Pour en savoir plus sur ces émissions, en temps réel, consultez le site www.electricitymap.org.
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