Commentaire : cours magistral sur la production des panneaux photovoltaïques et ses conséquences. Les Vues encouragent vivement chaque citoyen, même et surtout chaque décideur politique à le lire car il n'est pas ENCORE interdit de se cultiver pour dire et faire moins de conneries...
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"Sur le renouvelable oui il y a intermittence […] il y a une bonne méthode pour raccourcir la nuit, c’est d’avoir une interconnexion entre l’est et l’ouest" -- Yannick Rousselet* sur Thinkerview
* Chargé de campagne nucléaire auprès de l'organisation environnementale Greenpeace France.
Ah oui, vraiment ?
La question sous-jacente est : quel système faudrait-il en France pour "raccourcir la nuit" ? Mais tout d’abord, commençons par la production photovoltaïque. On parlera du raccourcissement de la nuit après.
On va commencer par enfoncer une porte ouverte : la production des panneaux photovoltaïques, c’est zéro la nuit jusqu’à ce que le soleil se lève, le maximum vers le midi solaire (13 H 00 ou 14 H 00 donc), puis boum, ça retombe à zéro le soir. c'est ce qu'on appelle une production en forme de "cloche".
Exemple : attention, j’ai choisi une journée où la courbe est parfaite (grand soleil toute la journée). En général, la "cloche" est un peu plus cabossée (vous pouvez vérifier par vous-même sur le site @eCO2mixRTE).
Le 22 juin, c’est aussi le maximum d’ensoleillement de l’année. Et les données de RTE le confirment. La puissance maximum a eu lieu le lendemain, le 23. Le 22 juin, on est donc à 99.4% du maximum de l’année. Pas mal ! Autre points importants pour comprendre la suite :
- La moyenne sur la journée (en rouge) est très basse par rapport à la capacité installée (clair et net)
- Au maximum d’ensoleillement, on est encore loin de la puissance maximale des panneaux (en vert)
La moyenne représente en fait la puissance qu’on aurait si on pouvait stocker le surplus de production et le restituer (en totalité et sans perte bien sûr) quand le soleil est couché.
Donc parler juste de moyenne c’est extrêmement trompeur sur la capacité réelle du système ! Et malheureusement on voit ça en permanence chez les écolos.
La même courbe mais en pourcentages. Le ratio entre puissance instantanée et la puissance installée s’appelle le facteur de charge. Sur cette journée, ce facteur de charge est en moyenne de 28%, avec un maximum à 77%.
Il faut savoir que l’électricité d’origine solaire n’est pas bridée (pas d’arrêt volontaire de production) afin de maximiser l’investissement. En gros, tout ce que le solaire donne on le prend, et les autres moyens pilotables s’adaptent bon gré mal gré.
Donc le 22 juin, le solaire donne tout ce qu’il a. Il est à fond au meilleur moment de l’année. Et tout ce qu’il arrive à sortir, c’est une moyenne de 28% par rapport à ses capacités théoriques, et un maximum de 77% atteint pendant 30min seulement. Bref... c’est nul.
Pourquoi c’est nul ? Parce que la consommation d’électricité en France le même jour, elle était comme ça. Le rapport entre le maximum et le minimum était de 30%, et Ô grand jamais la consommation ne tombe à zéro la nuit !
Vous pensez peut-être que le pic solaire correspond au pic de consommation ? Pas loin mais non. Il y a environ 2 à 3 heures de décalage.
Exemple : sur ce graphique où j’ai pris une production hypothétique de base. En fait pour que les 2 pics correspondent, il faudrait décaler toutes nos activités de 2 à 3 heures (se lever plus tard, aller au boulot plus tard, …) moi je suis pour hein ! Sauf que du coup, ça poserait un problème le soir … Petit aparté. La production de base n’est pas si hypothétique que ça. En fait il s’agit de la production nucléaire. En France, c’est du nucléaire, mais quasiment partout en Europe, c’est le gaz ou le charbon qui font ce boulot de stabilité.
La théorie de Yannick Rousselet
Quand il fait nuit chez nous, il fait jour ailleurs. Il suffirait de relier des systèmes photovoltaïques situés dans d’autres fuseaux horaires et ainsi, ils pourraient nous envoyer leur électricité quand nous on en manque ! CQFD
Vérifions cette hypothèse
1. Multiplier la production solaire pour que ça corresponde à la moyenne de la consommation de la journée. Hop en 3 clics, je multiplie la production par 7.4 (le rêve des écolos) ! Ça commence à envoyer du lourd hein ?
Au passage, par ce truchement de chiffres, on a maintenant 60 GW de puissance solaire installée (soit quasi autant que notre parc nucléaire), et c’est infoutu d’assurer une production de base un jour d’été (ça sort une ridicule moyenne de 16.8 GW). Mais pas grave, passons.
2. Les heures de décalage. C’est maintenant que le jeu devient rigolo : on va créer une nouvelle production solaire, décalée de quelques heures pour voir ce que ça donne.
6 heures de décalage
On commence à avoir un peu d’électricité la nuit mais pas assez, et on a une bosse vers 10 H 30 qui ne correspond à aucune demande. Intéressant donc, mais pas satisfaisant.
Après plusieurs essais, l’optimum avec 2 courbes, c’est 9 heures de décalage. Sauf qu’il faut rajouter une 3ème source de production (il y a encore un gros trou à boucher), et ces 3 sources décalées de 9 heures, ça fait un truc pas régulier avec une grosse bosse.
Aussi, le choix final est de 8 heures de décalage. Car 3 x 8h = 24h, la boucle est bouclée. Voilà le résultat, pas mal hein ?
Allez on met tout ça au propre, et tada ! Production moyenne de 50.5 GW, au-dessus de la consommation moyenne (46 GW), donc production excédentaire avec très peu de trous c'est parfait !
On pourrait même se permettre de baisser un peu la puissance installée, mais bon gardons un peu de marge. Maintenant, la même courbe mais, avec la puissance installée... Car oui comme on a dû créer 2 autres systèmes supplémentaires pour "boucher la nuit", forcément ça multiplie par 3 la puissance installée. Ce qui nous fait 180 GW de panneaux photovoltaïques.
Pour vous donner un ordre de grandeur, 180 GW de panneaux photovoltaïques, c’est :
- La moitié de la capacité mondiale,
- 1,4 fois celle de la Chine,
- 4 fois celle de l’Allemagne,
- 22 fois celle de la France Juste pour nous !...
Quel serait le budget pour réaliser l'installation de ces 180 GW? D’après l'Agence internationale pour les énergies renouvelables (IRENA, International Renewable Energy Agency), le coût d’installation d'une centrale de panneaux photovoltaïques en 2017 se montait à 1 200€ par kW. Aussi, pour 172 GW (180 moins les 8 qu’on a déjà ), il faudrait donc dépenser un peu plus de... 200 milliards d’euros.
200 milliards ? Une paille ! Étalés sur 40 ans c’est déjà ce qu’on paye chaque année en taxes pour financer les éoliennes et panneaux solaires, allons-y alors !
Hop hop hop pas si vite, il faut qu’on regarde deux trucs encore.
Si c'est OK pour l'été, qu'en est-il de l'hiver?
On recommence la démonstration avec la date du 20 décembre 2017 pour exemple, car la courbe est une jolie cloche. À noter, que c’est loin d’être le pire jour de l’année. Il y en a plus d'une quinzaine en dessous avec jusqu’à 2 fois moins de production.
Au niveau de la moyenne, là par contre, c’est une catastrophe : les 7.7 GW installés fin 2017 ne peuvent que sortir difficilement une moyenne à 0.32 GW, et un maximum à 1.5 GW seulement, pendant 30 minutes…
Il faut dire qu'à cette période de l’année, ça commence à cailler sévère et il faut assurer en permanence au moins 60 GW d’électricité avec des pointes à 80 GW. 60-80 GW c’est vraiment énorme, ça revient à cramer entre 1.5 et 2 tonnes de pétrole par seconde !…
En ce 20 décembre 2017, veille de l'hiver, la contribution du solaire dans la consommation d’électricité française ne dépasse même pas l'épaisseur du trait !!
À la même période, le nucléaire, qui n'a plus besoin de s’adapter à la consommation, produit en continu, avec toutefois encore un peu de marge car le maximum est à venir. Ce sera pour janvier et février, où son facteur de charge sera supérieur à 90% en permanence.
Mais revenons au solaire. Son facteur de charge en ce 20 décembre, est en moyenne de 4.2% sur la journée, avec un "pic" à 20% de ses capacités... "C'était pas mauvais, c'était très mauvais !" (Louis de Funès dans la Grande Vadrouille)
Ensuite comme tout à l’heure, on multiplie pour arriver à la moyenne de la consommation. Tout à l’heure on multipliait par 7.4, maintenant c’est par… 48. Bah oui, une production ridicule et une grosse consommation ça donne pour résultat, un énorme facteur de multiplication.
Et c’est là qu’on rigole. La puissance installée est maintenant à plus de 370 GW ^^ Soit pas loin de la totalité du parc mondial (384 GW à fin 2017)…
On pourrait arrêter là tellement tout cela est absurde, mais on va quand même aller jusqu’au bout du raisonnement. On ajoute donc nos 2 systèmes supplémentaires décalés de 8 heures d’intervalle, et.. oh merde, il y a encore des trous…!
Et oui, non content d’être moins fort, le soleil, se montre aussi nettement moins souvent en hiver ! (Monsieur de la Palice n'aurait pas mieux dit) Qu’à cela ne tienne, rajoutons d’autres systèmes solaires un peu plus proches dans le temps. Sauf que les systèmes identiques, il suffit pas d’en rajouter 2, ni même 3, mais 4 en plus ! Et forcément, un décalage de 5 heures ça tombe pas rond et il y a une bosse, mais pas grave.
On a donc 5 systèmes de 370 GW chacun, posés à ~5 heures d’intervalle autour de la terre pour avoir une production quasi équivalente à la consommation.
On parle donc de 1850 GW de panneaux photovoltaïques. Juste pour la France. Et ça tombe bien que ce soit pour la France, car ce système couterait autant que son PIB annuel. Mais il reste encore un problème à traiter.
Ces panneaux en décalage horaire, on les met où ?
Pour plus de facilité on reprend l’exemple du 22 juin. On avait 3 systèmes séparés par 8 heures de décalage horaire. Un de ces systèmes est en France, et pour les 2 autres, voyons voir les fuseaux horaires pour savoir dans quelle zone ils se trouvent.
L'un doit donc être sur la côte ouest des États-Unis (entre Seattle et San Francisco), et l’autre sur la partie orientale de la Chine (du côté de Pékin ou Shanghai). Un petit coup d’œil au potentiel solaire dans ces deux zones :
- C’est mieux que la France pour la partie États-Unis. On pourrait même pousser jusqu’au sud du Canada.
-Pour la Chine, c’est à peu près l’équivalent de la France.
Banco on valide !
Vous allez peut-être me dire "Et pourquoi on n' irait pas en Australie, le potentiel est meilleur?". Simplement, parce que ces différentes zones de production, il faudra les relier un jour. D’ailleurs, 180 GW (cas optimiste du 22 juin) de puissance à relier, comment on fait ? Avec de nouvelles... lignes haute tension ! (enfonçage de porte ouverte) En Europe par exemple, tous les réseaux nationaux de transport d’électricité sont interconnectés. Voilà ce que ça donne, il y a des lignes haute tension partout !
En effet pour transporter beaucoup d’électricité sans trop de pertes, il faut impérativement de la très haute tension (400kV ou plus). Ainsi l’intensité (ampérage) qui cause les pertes par effet joule est réduite (P=U*I ). La plupart des lignes sont à courant alternatif mais pour les longues distances (>100km) et les lignes sous-marines il faut des lignes en courant continu (HVDC), cela minimise les pertes et évite les problèmes liées à l’effet capacitif du câble. https://fr.wikipedia.org/wiki/Courant_continu_haute_tension …
On voit ce type de liaisons sur la carte du réseau européen (DC, en rose) pour relier les parcs éoliens offshore et pour les liaisons sous-marines en Scandinavie et en Italie. Pile ce qu’il nous faut ! D’après les infos que j’ai pu trouver, une des plus longues lignes de ce type au monde est celle reliant la Norvège au Pays-bas (ligne NorNed). Elle fait 580 km de long, a une tension de 450kV pour une puissance de 700 MW, et a été mise en service en 2008. On va se baser là-dessus pour nos calculs. Donc pour nos 180 GW, il nous faut environ 260 lignes à haute tension de ce type (voire même plus pour limiter les pertes) à travers monts et vallées jusqu’en Chine. La terre étant ronde, le trajet le plus court pour aller en Chine c’est de traverser l’Europe par le nord, la moitié de la Russie, couper à travers la Mongolie et le désert de Gobi jusqu’à Pékin.
Avec les détours et compagnie, on arrive facile à 10.000 km, multiplié par 260 lignes. Ce qui nous fait 65 fois le tour de la terre en câbles à haute tension. L'avantage pour se rendre en Chine, c'est qu'il n'y a pas d'eau à traverser. Ce qui n'ait pas le cas pour les Etats-Unis. Comme vous le savez, il y a un océan entre nous et l’autre "source" de panneaux solaires. Heureusement, le trajet le plus court nous en évite une bonne partie en nous faisant tirer au nord, direction l’Islande, le Groenland et le nord du Canada ! 10.000 km entre terre, mer et glace. Rien somme, les doigts dans le nez !
On n'a pas compté non plus le nombre de systèmes intermédiaires pour faire transiter tout ça, ni le fait que passer 2 fois par jour de zéro à une centaine de GW en quelques heures risque d’avoir un effet destructeur sur le matériel. Et puisqu'il faut toujours parler argent, le projet NorNed a couté la bagatelle de 600 millions d’euros, pour 580 km de lignes (sous-marines). Pour notre exercice, cet aspect est impossible à chiffrer, mais l’ordre de grandeur est de l'ordre de la centaine de milliards d’euros. Juste pour les lignes à haute tension.
Et bien voilà, on a fait le tour je crois ! Ce n’est pas parfait bien sûr mais ça donne je l’espère une bonne idée de la difficulté (impossibilité?) d’un éventuel raccourcissement de la nuit. Encore 2 précisions avant de conclure car je suis sûr que certains vont se poser ces questions :
1. Foisonnement à l’échelle européenne seulement ? L’Europe est étalée sur à peine 3 fuseaux horaires, et… ça se fait déjà via les interconnexions entre pays.
2. "Sources solaires" moins puissantes (qq dizaines de GW) ? Ça couterait encore extrêmement cher, on n’éviterait pas les coûts et difficultés du transport, ni les problèmes géopolitiques de faire transiter notre énergie sur la moitié de la terre.
Et ma conclusion à tout ça : "20 secondes pour dire une connerie, plusieurs heures de recherches et de vérifications derrière, c’est aussi ça les écologistes !" (pas tous heureusement mais un bon paquet quand même)
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