11 octobre 2018
Commentaire : l' IFRAP vient de recevoir le chiffre officiel du prix moyen d'achat des Mwh éoliens terrestres pour 2017, un peu supérieur à nos estimations : 88,1 €/MWh avec un surcoût d'environ 46,0 €/MWh.Philippe François
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François de Rugy, ministre de l’Écologie et de l’Énergie, a déclaré au cours de l’émission Le grand Jury LCI-Le Figaro-RTL du 7 octobre qu' « un kilowattheure qui sort d'une éolienne terrestre en France est au prix du marché ». Une donnée que la Fondation iFRAP conteste car les divers mécanismes de subventions (prix garanti, obligation d'achat, complément de rémunération pendant 20 ans) sont précisément là pour combler un écart de 40 euros entre le prix moyen de 85 euros des mégawattheure (Mwh) éoliens terrestres, et les 45 euros de la moyenne des prix sur l'année.
Un écart que nous avons souligné dans un tweet publié cette semaine auquel le ministre a réagi :
Le ministre promet la parité des coûts dans quelques années pour les nouvelles centrales éoliennes. Ce serait une bonne nouvelle, mais à ce jour, aucun projet de supprimer ces subventions n'a été évoqué. Pour rendre cette perspective crédible, les responsables doivent expliquer comment, concrètement, le coût de la production éolienne terrestre pourra être fortement réduit. La Fondation iFRAP propose son évaluation des perspectives d'évolution des coûts.
Pour la majorité des éoliennes en production, le prix de vente est basé sur le décret de 2006, et donc d’au moins 82 € / Mwh. Peu de centrales approuvées en fonction des décrets de 2014 à des prix de 81 à 84 €, et 2017 à des prix d’environ 75 € / Mwh, sont déjà opérationnelles.
L’appel d’offres « éolien terrestre » clos en juillet 2018 s'est conclu au prix de vente moyen des soumissionnaires de 65,4 € par Mwh plus 2,8 € de prime de gestion, plus 2 à 3 euros si des citoyens locaux participent au projet, soit un total de 70 € par Mwh[1] pour les années 2020 à 2040. Les prix de l’appel d’offres suivant, en septembre 2018, n’ont pas été publiés par le gouvernement. Ces prix sont garantis pour 15 à 20 ans et sont réévalués chaque année en fonction d’un indice incluant notamment la croissance des salaires. Le tout doit garantir aux investisseurs « un juste retour financier ».
D’après l’étude commandée par France Énergie Nouvelle, publiée en octobre 2016 et intitulée Observatoire des coûts de l’éolien terrestre, les coûts de production moyens sur 20 ans des 78 parcs récemment installés se situaient entre 71 et 81 € par Mwh.
Le coût de production de l’électricité des éoliennes terrestres dépend du montant de l’investissement et du coût annuel d’exploitation.
Montant d’investissement
Le coût d’une éolienne terrestre est d’environ 3 millions d’euros pour une puissance de 2Mw (mât de 150 mètres de haut), la part des divers composants se répartit comme suit (coûts 2015) :
Répartition des coûts des composants
-Éolienne
rotor 19.2%
nacelle 35.2%
mât 16.5%
-Préparation du site : 2.8%
-Fondation : 3.5%
-Assemblage et installation : 2.5%
-Infrastructure électrique : 8.8%
-Engineering - Management : 1.1%
-Financement : 2.2%
-Développement : 0.9%
-Contingence : 6%
Total : 100%
Coût annuel d’exploitation
Le coût annuel d’exploitation, y compris la location du terrain, représente de 20 à 25 % du prix de vente de l’électricité (21 euros pour un prix de vente de 85 euros). Ce coût constitue une sorte de plancher, en supposant les éoliennes et leurs installations gratuites.
Répartition des coûts d’exploitation, chiffres 2010
Coût d’exploitation
-Terrain : 15%
-Opération : 60%
-Maintenance : 25%
Total : 100%
(source)
Évolution des coûts
L’évolution des coûts de ces différents facteurs est très variable selon leur nature. Les coûts de main-d’œuvre et des matières premières augmentent plus que l’inflation, ceux des technologies matures sont assez stables et ceux des nouvelles technologies peuvent fortement baisser. La quasi-totalité des technologies des éoliennes (ex. turbine) sont matures. On le constate dans les turbines des barrages hydrauliques où, après des décennies de service, les opérateurs n’envisagent que des gains limités (10%) en cas de rénovation majeure.
Perspectives d’évolution des coûts en euros constants par an sur 20 ans (estimation iFRAP)
Facteur de baisse (en % et par an)
-Design de la nacelle : -0.5
-Design des pales : -0.5
-Design des mâts : -0.5
-Durée de vie des éoliennes : -1.0
Coût exploitation annuelle : -0.0
Facteur de hausse (en % et par an)
-Frais d’études : +1.0
-Main-d’œuvre : +2.0
-Travaux publics, transports : +1.5
-Baisse de qualité des sites : +1.0
-Frais de raccordement : +1.0
-Terrains : +2.0
-Matériau des mats (acier ou béton) : +1.0
-Matériau des socles (béton) : +1.0
-Taux d’intérêt : +0.1
Coût exploitation annuelle : +0.0
En 2018, le coût brut de l’électricité éolienne terrestre est 2 fois supérieur à celui de la moyenne de la production en France, 3 fois pour le coût complet en tenant compte de son caractère intermittent et aléatoire. Des possibilités de baisse de coût existent, mais aussi des risques de hausse. Pour que la promesse d’une production éolienne compétitive se matérialise, il faudrait que les baisses l’emportent fortement sur les hausses. Aucune rupture technologique n’étant envisagée dans ce secteur, l’évolution probable des coûts à 20 ans doit faire l’objet d’un engagement. Se contenter d’affirmer qu' « on est en phase d’apprentissage » et de promettre que « cela va baisser » ne suffit plus.
Rapport de la Commission de régulation de l'énergie portant sur le fonctionnement des marchés de gros de l'électricité en 2017 (voir ici et ici).
Comme le montre cette courbe rouge (France), les prix sont rarement supérieurs à 45 euros par Mwh.
Conclusion
Contrairement à l’électronique, les éoliennes ne suivent pas la loi de Moore, leur puissance ne double pas tous les 18 mois, à coût constant. En première estimation, l’évolution de leur coût s’apparente à celle de la construction de bâtiments plus à celle d’engins mécaniques. L’application des perspectives d'évolution aux coûts d'investissement et d'exploitation conduit à des coûts bruts qui resteront, au mieux, en France, autour de leur valeur actuelle[2] soit 70 à 80 euros/Mwh. Un niveau prohibitif tant que des technologies de stockage de l’électricité ne seront pas opérationnelles et rentables.
Pour crédibiliser la stratégie énergétique 2020-2040, il est nécessaire que soient publiés des scénarios d’évolution des coûts de production à 20 ans des éoliennes terrestres, en indiquant où se situeraient les potentiels de forte baisse. L’augmentation du prix des énergies carbonées pénalise déjà fortement l’économie française et le niveau de vie de la population. Elle est, au moins, justifiée par la lutte contre le changement climatique. Une augmentation concomitante du prix de l’électricité dû à un mauvais choix de technologie pour une production d’électricité décarbonée ne serait pas acceptable. Cette filière technologique doit s’engager sur une baisse significative du prix de production de l’électricité pour continuer à être soutenue.
1) Le coût moyen de la production actuelle classique en France est d'environ 45 € /Mwh pour une fourniture modulable en fonction de la demande et des prix sur le marché.
2) A moins que les tarifs accordés actuellement par l'Etat soient très excessifs, ce qui ne semble pas le cas, les prix étant similaires en Allemagne.
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