Assemblée nationale, impact des énergies renouvelables : compte-rendu de réunion n°2 au n°8



Les Vues imprenables
vous invitent à prendre connaissance des témoignes des différents acteurs de l' énergie qui se sont succédés devant la Commission. Chacun à leur manière et selon leurs intérêts particuliers décrivent remarquablement la chronique annoncée d'un suicide climatique, économique et écologique pour la population et la France dont le nom est Transition énergétique. Ils confirment aussi que plus personne ne s'est comment arrêter la "machine" à perdre et comment revenir en arrière. 

Les nuisances sanitaires ne sont pas abordées dans ces premiers témoignages.
Plus dure sera la chute!
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Compte-rendu de réunion n°2 au n°8

Morceaux choisis
 

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M. Francis Duseux, président de l’Union française des industries pétrolières (UFIP)

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M. Francis Duseux : Le gaz et l’électricité sont aussi soumis aux CEE [Certificats d’Économies d’Énergie]. Pendant les premières périodes d’application du dispositif, le coût des certificats, assez bas, était estimé à 9 milliards d’euros par, dont 4,5 milliards pour le pétrole. Le renchérissement des CEE fait que le niveau de coût est désormais d’environ 4 milliards par an, soit 12 milliards en trois ans, que payent les consommateurs.

M. le président Julien Aubert
: En bref, sur 47 milliards d’euros prélevés à la pompe, environ 9 milliards, soit quelque 20 %, sont effectivement consacrés la transition énergétique. Mais aussi lors du remplissage des cuves de chauffage.


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M. Francis Duseux :  Dans le prix du litre de carburant, la partie « matière première » compte pour 25 %...


M. Frédéric Plan, délégué général, et de M. Éric Layly, président fédéral de la Fédération française des combustibles, carburants et chauffage (FF3C)
 
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M. Frédéric Plan En effet, les « obligés » – les vendeurs d’énergie obligés de réaliser des économies – ne parviennent plus à produire ce qui leur est demandé. Nous sommes en cours de quatrième période – elle s’achève en juin, et pour l’instant, si sur les CEE précarité la production égale l’obligation, sur les CEE classiques, le déficit est de 50 %. S’il se maintient, il y aura donc des pénalités sur 50 %. Hypothèse, dira-t-on, mais elle est inquiétante. Car ces pénalités seront de 9 milliards d'euros hors TVA, soit près de 11 milliards d’euros en plus pour le consommateur. Pour tenter de rattraper la dérive actuelle, l’administration propose des actions sous engagement, sous charte, qui ont pour effet la création d'économies fictives – ce qui attire toujours les aventuriers.  Le dispositif des CEE a été inventé en 2003 et mis en œuvre en 2004 parce qu'il était très difficile de convaincre le secteur diffus de faire des économies d'énergie. 

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Mme Magali Viandier, directrice sourcing, économie des offres d’EDF, et de M. Patrice Bruel, directeur régulation, accompagnés de Mme Véronique Loy, directrice adjointe des affaires publiques.

M. le président Julien Aubert : Tout à l’heure, vous avez dit que les charges de service public continuent à augmenter faiblement. Aujourd’hui, vous l’avez dit, la CSPE ne finance plus les énergies renouvelables. La progression de la CSPE dans la facture d’électricité des Français n’est donc plus corrélée avec le soutien aux énergies vertes. Sommes-nous d’accord ?

M. Patrice Bruel
: Il n’y a plus de lien entre la CSPE et le soutien aux énergies vertes depuis le 1er janvier 2016.


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M. le président Julien Aubert : Lors de cette réforme, y eut-il un débat avec Bercy sur une éventuelle suppression de la CSPE ? C’est un petit peu l’histoire de la vignette : on crée une contribution essentiellement pour financer une politique, puis on abandonne cette contribution en tant que source de financement de cette politique, mais on la maintient et elle « disparaît », si j’ose dire, dans le budget de l’État. A-t-il été envisagé, la contribution carbone augmentant, de réduire mécaniquement la CSPE, voire de la faire tendre vers zéro ?


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M. le président Julien AubertÀ quel montant s’élève la compensation reçue de l’État ? À quel montant s’élève la CSPE ?

M. Patrice Bruel : Le montant des charges inscrites au compte d’affectation spéciale « Transition énergétique » s’élève à 6,8 milliards d’euros – le montant total inscrit à ce compte étant de 7,3 milliards d’euros, car nous ne sommes pas le seul opérateur chargé de missions de service public. S’y ajoutent 2,3 milliards d’euros du budget général, dont 1,7 milliard d’euros pour la compensation des surcoûts dans les zones non interconnectées.


M. le président Julien Aubert : Si je pars du principe que je maintiens aujourd’hui la CSPE, qui abonde le budget de l’État et permet ensuite, par un jeu budgétaire, de verser une compensation à EDF, la part de CSPE correspondant aux énergies renouvelables n’aura donc plus de raison d’être au-delà de 2020. Je parle bien de la part historiquement liée à ces énergies, autrefois calculée en fonction de l’aide apportée à certaines énergies, qui est restée inscrite dans les factures.


M. Patrice Bruel : Je n’ai pas dû bien me faire comprendre, monsieur le président. La compensation des charges de service public est de la première importance pour EDF puisqu’EDF honore ses contrats. Elle prend aujourd’hui la forme de transferts directs qui sont financés par le budget de l’État. Effectivement, lorsque la CSPE a changé de statut, le 1er janvier 2016, tout en gardant son nom, on aurait pu imaginer qu’elle disparaisse du jour au lendemain puisqu’elle n’avait plus de lien avec le financement des charges de service public et que sa raison d’être avait disparu. L’État a fait un choix différent et l’a maintenue, mais, comme nous le souhaitions, elle a arrêté d’augmenter. Ce prélèvement fiscal continue d’être perçu mais son montant est stable depuis le 1er janvier 2016 : 22,50 euros. Nous accueillerons à bras ouverts son éventuelle baisse. Et c’est bien de la CSPE que je parlais tout à l’heure lorsque j’envisageais l’hypothèse d’un allégement de la fiscalité. 


M. le président Julien Aubert :  [...] Le 1er janvier 2016, une partie de la CSPE était consacrée au soutien aux énergies renouvelables. Il aurait été possible et logique de décider de supprimer cette partie, puisque ce soutien était financé par ailleurs ; on l’a conservée, et l’État, vous devant de l’argent, peut aussi utiliser les sommes ainsi collectées pour vous rembourser. On pourrait estimer aussi qu’à partir de 2020, les comptes étant soldés, ce prélèvement perde sa justification. Je voudrais donc comprendre quelle part de la CSPE représentait ce soutien. Par ailleurs, l’État perçoit de la TVA sur la CSPE. On aurait pu, à défaut de supprimer la part de la CSPE correspondant aux énergies renouvelables, cesser de percevoir un impôt sur une contribution qui n’avait plus lieu d’être – parce que cet impôt aussi est payé par les Français. Avez-vous une idée du montant de TVA acquitté par les Français à raison de la « CSPE énergies renouvelables » ? 


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M. Patrice Bruel : La TVA s’applique effectivement sur la CSPE et, d’ailleurs, sur d’autres impôts, en application du droit communautaire qui prévoit que les droits d’accise sont soumis à la TVA. La CSPE étant de 22,50 euros, le montant de TVA acquitté sera de 4,50 euros. Sur la facture d’un client au tarif bleu dont le volume moyen de consommation est de 5 mégawattheures, cela représentera un peu plus de 20 euros. 


M. le président Julien Aubert : Lors du rattachement des éoliennes en mer, on a décidé d’alléger le coût du soutien à l’éolien en mer via la CSPE en abaissant les tarifs de rachat. Néanmoins, d’après mes informations, on a pris en charge une partie du raccordement de ces éoliennes via le TURPE [
Tarif d'Utilisation des Réseaux Publics d’Électricité ]. Faut-il en déduire que celui-ci participe en partie au financement de la transition énergétique en sus et lieu de la CSPE ?

M. Patrice Bruel : Nous comprenons cela exactement comme vous, monsieur le président. 

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M. Antoine Jourdain, directeur technique d’ ENEDIS, de M. Éric Peltier, membre de la direction financière, et de M. Pierre Guelman, directeur des affaires publiques.


M. le président Julien Aubert
:  Enedis a en charge la gestion du réseau de distribution électrique, qui représente, en France, 1,4 million de kilomètres de lignes. Si cette mission a une forte implication de service public, il ne s’agit toutefois pas d’un monopole : Enedis couvre 95 % du territoire, mais 150 entreprises locales de distribution (ELD) assurent une mission équivalente, pour environ 2 500 communes. Enedis, un acteur connu du grand public pour ses opérations de raccordement, de dépannage et de relevé de compteur, possède 36 millions de clients raccordés.


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M. le président Julien Aubert : J’aimerais vous poser quelques questions sur le TURPE, dont il a peu été question dans votre présentation. Quelle est la somme perçue annuellement par Enedis au titre du TURPE ?


M. Antoine Jourdain : Cette somme s’élève à 14 milliards d’euros.


M. le président Julien Aubert : Pouvez-vous nous indiquer quelle part de cette somme est générée par les frais de raccordement des énergies renouvelables ?

M. Antoine Jourdain : Pour faire simple, nous investissons 250 millions d’euros par an dans l’énergie renouvelable. Avec le mécanisme de réfaction, nous facturons 200 millions d’euros aux clients. L’année suivante, nous déduisons cette somme du TURPE, dans la mesure où nous allons être rémunérés pendant quarante ans pour les 250 millions d’euros que nous avons investis. Chaque année, nous touchons 6,5 % des 250 millions d’euros investis, soit 16 millions d’euros environ. Les 50 millions restants sont directement financés par le TURPE.


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M. le président Julien Aubert : Vous dites que 50 millions d’euros sont directement financés par le TURPE. Pour le dire autrement, quand vous procédez au raccordement de vos éoliennes, vous payez 200 millions d’euros et le contribuable, généreusement, donne 50 millions d’euros, via sa facture d’électricité.

M. Antoine Jourdain : Le mécanisme est bien celui que vous décrivez mais, en réalité, la réfaction sur le renouvelable date seulement de 2017 et nous n’avons pas suffisamment de recul.

M. le président Julien Aubert :  Vous voulez dire qu’avant 2017, tout était pris en charge par le producteur ?

M. Antoine Jourdain : En effet.

M. le président Julien Aubert :  Quelle est cette somme de 16 millions d’euros, qui correspond, dites-vous, à 6,5 % des 250 millions ?

M. Antoine Jourdain : Sur ces 250 millions, nous sommes rémunérés à 6,5 %.

M. le président Julien Aubert : Puis-je traduire votre réponse en disant que le montant pris en charge par le TURPE, c’est-à-dire par la facture d’électricité des Français, pour le raccordement des nouvelles infrastructures d’énergies renouvelables, s’élève à 66 millions d'euros ?


M. Éric Peltier : Nous ne pouvons pas, en l’état, vous donner de chiffres précis. Jusqu’en 2017, les producteurs payaient l’intégralité du coût du raccordement. L’arrêté du 30 novembre 2017 a instauré une répartition des coûts entre les clients, qui paient le TURPE, et les producteurs, en fonction des niveaux de puissance installée.


M. le président Julien Aubert : N’y a-t-il pas, du coup, un risque d’inversion ? Avant, sur une facture de 100 euros, je payais 20 euros pour le transport et 80 euros pour la consommation. À l’avenir, ne risque-t-on pas d’avoir un système où ma consommation ne me coûtera plus rien, mais où le prix du réseau me sera facturé beaucoup plus cher, parce qu’il faut le maintenir et le développer ? Au bout du compte, je paie à peu près la même chose, même si la structuration du tarif est différente. Ce qu’espèrent les gens qui se tournent vers l’autoconsommation, c’est qu’ils n’auront plus à payer leur électricité. Si l’électricité est gratuite mais que le réseau est beaucoup plus cher, l’intérêt sera limité pour eux…

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MM. Matthieu Deconinck, chef du bureau D2 à la direction de la législation fiscale (DLF), et Michel Giraudet, adjoint au chef du bureau D2 ; et de MM. Sylvain Durand, chef de bureau, et Olivier Dufreix, adjoint au chef du bureau du développement durable à la direction du budget, au ministère de l’action et des comptes publics


M. le président Julien Aubert : Les thématiques fiscales et parafiscales relèvent sans conteste du champ de réflexion de notre commission d’enquête, qui examine actuellement le chapitre des recettes, autour d’une question principale : que prélève-t-on au nom de la transition énergétique ?
Les montants et affectations de la « taxe carbone », ou plus précisément de la contribution climat énergie, ont été à l’origine du mouvement social que nous connaissons et dont les impacts vont sans doute bien au-delà de la seule expression des « gilets jaunes ». Créé par la loi de finances rectificative pour 2015, le CAS « Transition énergétique », que j’ai eu le plaisir de rapporter en commission des finances, se décompose en deux programmes : les programmes 764 « Soutien à la transition énergétique » et 765 « Engagements financiers liés à la transition énergétique ». Il sert principalement de support budgétaire au soutien aux énergies renouvelables (EnR) électriques : 5,3 milliards d’euros leur sont ainsi consacrés, soit les trois quarts de la dotation du CAS pour 2019.
Par ailleurs, d’importantes dépenses fiscales sont à prendre en compte, qu’il s’agisse du crédit d’impôt pour la transition énergétique (CITE) ou de l’ éco-prêt à taux zéro (écot-PTZ).[...]


M. Matthieu Deconinck, chef du bureau D2 à la direction de la législation fiscale (DLF) En matière d'électricité, l’imposition « maîtresse » est la taxe intérieure sur la consommation finale d’électricité (TICFE), qui continue d’apparaître sur les factures sous le nom de contribution au service public de l’électricité (CSPE). En effet, lorsque la CSPE a été transformée en TICFE, on a maintenu l'ancienne dénomination pour éviter tout choc visuel aux usagers, au détriment d'une certaine clarté et d’une bonne compréhension des outils juridiques.
Trois autres taxes existent en matière d’électricité, avec la même assiette. Ce sont la taxe départementale sur la consommation finale d'électricité (TDCFE), la taxe communale sur la consommation finale d'électricité (TCCFE) et la contribution au Fonds d'amortissement des charges d'électrification (FACE). Au-delà de ces impositions qui frappent la consommation d'électricité, pour un total d’environ 10 milliards d’euros de recettes en cumulé, il existe une taxe sur l'abonnement au réseau électrique, la contribution tarifaire d'acheminement (CTA). Je passe sur l'ensemble des tarifs réglementés, qui ne relèvent pas du domaine de la fiscalité, notamment le TURPE et l’accès régulé au nucléaire historique (ARENH). Le soutien aux énergies renouvelables au sein de ces impôts se traduit, tout d'abord pour les carburants et les combustibles, par des tarifs réduits, notamment de TICPE pour les biocarburants, et par l'existence de la fameuse TIRIB, que j'ai mentionnée tout à l'heure. Pour l'électricité, il n’existe pas de disposition spécifique dans le droit national afin de favoriser explicitement les énergies renouvelables. Enfin, s’agissant de la TVA, il faut savoir que, pour les carburants et les combustibles, un verrou européen s’applique, avec un taux de 20 % sur l'intégralité du prix de vente, incluant évidemment les taxes intérieures que je viens de mentionner. Pour l'électricité, nous avons la possibilité de recourir à un taux réduit, possibilité que nous activons partiellement en droit national pour les abonnements au réseau électrique, mais pas pour les consommations. Pour un coût total de 400 millions d'euros, un taux de 5,5 % est appliqué aux abonnements à la fourniture d'électricité, les consommations étant quant à elles taxées à 20 %. Je précise qu’à la suite d’une clarification de la jurisprudence par la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE), le fait d'appliquer deux taux différents à une seule et même offre soulève des questions sur le plan juridique au regard du fonctionnement de la TVA.  Le principe de neutralité fiscale de la TVA s'oppose, en théorie, à recourir à des taux différenciés pour favoriser l'énergie à raison de son origine renouvelable ou non. Le principe de neutralité fiscale impose en effet de traiter de manière identique des produits qui répondent aux mêmes besoins directs pour l'acheteur. 

M. Michel Giraudet, adjoint au chef du bureau D2 à la direction de la législation fiscale (DLF) :
Depuis 2016, la fiscalité nationale de l'électricité se base sur l'addition de deux dispositifs qui n'en font qu'un en droit européen : d'une part, les taxes locales, communale et départementale, sur l'électricité, dont le tarif maximum est d’environ 9 euros par mégawattheure ; d’autre part, la TICFE, dont le tarif est de 22,50 euros par mégawattheure (MWh). Pour un consommateur français, le tarif total de la taxe sur l’électricité s’élève donc à une trentaine d'euros par mégawattheure.


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M. Sylvain Durand, chef du bureau du développement durable à la direction du budget :

Le financement de la transition énergétique, assez vaste et fourni, est synthétisé de manière transversale dans un « jaune » budgétaire dédié et annexé au projet de loi de finances.
Le dispositif CSPE s'est caractérisé à partir de 2009 par un déficit de compensation chronique pour EDF. La dette, qui a atteint 5,8 milliards d'euros en 2015, a été consolidée dans le déficit public. Son remboursement par l'État a commencé en 2016 et s’achèvera en 2020.
Ces risques juridiques et l'absence de transparence dans le financement des dépenses ont conduit le Gouvernement à réformer le dispositif et à inscrire l'intégralité des dépenses en faveur du service public de l'énergie dans les lois de finances. Il y a donc, d'une part, le soutien aux énergies renouvelables, dont les dépenses figurent au CAS « Transition énergétique », et, d’autre part, le remboursement sur cinq ans de la dette historique à EDF. Dans le même temps, comme cela vient d'être rappelé, la CSPE a été supprimée et la TICFE revue à la hausse. En 2017, une seconde réforme est intervenue. Alors que la TICFE, mal nommée CSPE sur les factures d'énergie, finançait le CAS, un risque d'interprétation juridique de la part de l'Union européenne, qui pouvait considérer cette affectation de la TICFE aux énergies renouvelables comme un droit de douane, a conduit le Gouvernement à mettre en place une nouvelle affectation. La TICFE a ainsi été affectée au budget général de l'État et à due proportion de la TICPE a été affectée au CAS. La réforme a été parfaitement équilibrée. Le CAS « Transition énergétique » est aujourd’hui financé par des énergies dites carbonées, c’est-à-dire par de la TICPE et par la TICFE affectée au budget général de l'État.
S'agissant des aspects financiers, on ne peut que constater la très forte hausse des dépenses en faveur des énergies renouvelables au cours des dernières années. De 1,5 milliard d'euros en 2011, elles sont passées à 5,4 milliards d'euros en 2019. Elles devraient atteindre environ 7 milliards d'euros en 2022 en fonction des prix de l'énergie.



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M. Michel Giraudet : Quand le Gouvernement a pris la décision d’abandonner la CSPE en raison des risques qu’elle présentait, son montant s’élevait à 19,50 euros. Comme l’ont rappelé nos collègues du budget, la CSPE augmentait automatiquement tous les ans de 3 euros, et ce pour une seule et simple raison : l’arrêté proposé par la CRE pour augmenter les prix en fonction de l’évolution réelle des charges n’était jamais signé par le ministre. Le tarif augmentait donc mécaniquement, afin d’éviter un écart trop important entre le montant des charges à financer et le montant des recettes perçues.


M. le président Julien Aubert : Vous nous expliquez donc que cette quasi-taxe augmentait naturellement sans que l’exécutif n’intervienne.


M. Michel Giraudet : La CRE proposait une augmentation de la taxe en fonction du calcul des charges exposées par les opérateurs. Le chiffre proposé devait faire l’objet d’un arrêté. À défaut de signature, la taxe augmentait mécaniquement de 3 euros.


M. le président Julien Aubert : Passons maintenant au volet budgétaire du passage de la CSPE à la TICFE.

M. Sylvain Durand :  Je tiens tout d’abord à dire que je souscris entièrement aux propos qui ont été tenus sur la nécessité d’une plus grande lisibilité. La complexité des différents financements en matière de transition énergétique est réelle.De manière générale, nous constatons que les dispositifs inscrits en loi de finances au titre du budget général de l’État, sont plus lisibles pour les citoyens. Nous l’avons vu avec la réforme de la CSPE. Auparavant, ses montants échappaient complètement au Parlement et aux citoyens, qui ne retrouvaient aucune trace de ce financement dans les documents budgétaires et les débats parlementaires. Les énergies renouvelables se finançaient un peu comme par magie.


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M. le président Julien Aubert : Commençons par une question très simple. D’après vous, combien la France consacre-t-elle à la transition énergétique ?


M. Sylvain Durand :  La question est difficile, et pour une raison simple : la transition énergétique est pilotée avec de la fiscalité écologique, donc des recettes, mais aussi avec des exceptions à cette fiscalité, donc de moindres recettes, et des dépenses, de natures très variées. Contracter ces différents montants est fort complexe.

M. le président Julien Aubert
: Combien prélève-t-on aux Français au titre de la fiscalité énergétique ?

M. Michel Giraudet : De mémoire, la TICPE représente un peu plus de 25 milliards d’euros de recettes.

M. Matthieu Deconinck : les recettes de la fiscalité sur l’électricité, hors TVA, s’élèvent historiquement à 10 milliards d’euros, mais elles ont crû. Ces recettes se décomposent de la manière suivante : 8 milliards pour la TICFE, près de 2 milliards pour les taxes locales sur la consommation finale de l’électricité, et un solde de 400 millions d’euros pour la contribution FACÉ.

M. le président Julien Aubert : Par fiscalité énergétique, vous entendez donc toute la fiscalité basée sur l’énergie, mais toute la fiscalité basée sur l’énergie ne va pas à la transition énergétique.

M. Matthieu Deconinck : En effet. Inversement, il existe une fiscalité non énergétique qui va à la transition énergétique.


M. le président Julien Aubert : Dans la fiscalité énergétique, quels sont les prélèvements effectués au nom de la transition énergétique ? Les 25 milliards d’euros de recettes de la TICPE ne sont pas dans leur intégralité affectés à cette thématique.

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M. Sylvain Durand : Le montant global de la TICPE s’élevait en 2018 à 33,3 milliards d’euros. La part revenue au budget général, soit 13,7 milliards d’euros, est complètement fongible. On ne peut donc pas retracer les dépenses auxquelles elle a donné lieu. Comme je l’ai indiqué, 6,6 milliards d’euros ont été affectés au CAS « Transition énergétique ». Enfin, 12 milliards d’euros ont été versés aux collectivités territoriales et 1 milliard d’euros à l’Agence de financement des infrastructures de transport de France (AFITF). 

M. le président Julien Aubert : Vous en conviendrez, la direction du budget peine aujourd’hui à nous donner les chiffres que nous demandons. On comprend que les députés soient eux-mêmes embarrassés quand ils doivent répondre aux citoyens. Finalement, la contribution climat énergie n’a pas de tangibilité budgétaire et fiscale. Quant à la CSPE, dont on continue à parler, elle n’existe plus. Entre le débat politique sur la fiscalité et la réalité budgétaire, il y a une nette distorsion.



M. le président Julien Aubert : Pouvez-vous nous donner quelques explications sur les CEE ? Comment les considérez-vous juridiquement ? Vous avez regretté avec conviction que la CSPE échappe au contrôle et à l'information du Parlement, mais les CEE y échappent tout autant.

M. Matthieu Deconinck
: Les CEE ne sont pas une « imposition de toute nature » au sens de l’article 34 de la Constitution. Ils n’ont pas non plus le caractère d’une redevance pour service rendu. Ils correspondent à une obligation législative et réglementaire ad hoc. Le dispositif est piloté par la DGEC, qui pourra vous apporter des précisions sur son mécanisme et son fonctionnement. Il a toutefois eu des conséquences en matière de fiscalité. La vente d’un certificat d’économies d’énergie est assimilable à une prestation de service entre deux opérateurs économiques. À ce titre, conformément au droit européen, elle est donc assujettie à la TVA. Généralement, la personne qui achète le certificat, c’est-à-dire la prestation de service, est elle-même assujettie à la TVA pour l’ensemble des ventes qu’elle effectue. Elle peut donc déduire cette TVA.

M. le président Julien Aubert : EDF inclut le coût des CEE dans la facture d’électricité reçue par le contribuable.

M. Matthieu Deconinck : Tout à fait.

M. le président Julien Aubert
: Les CEE contribuent donc à l’augmentation de la taxe.

M. Matthieu Deconinck : Exactement.

M. le président Julien Aubert : On prélève de la TVA sur la facture d’électricité, que le consommateur final ne peut pas défalquer. Il y a donc bien une TVA calculée par rapport aux CEE que les Français paient.

M. Matthieu Deconinck : Oui, en tant qu’elle est répercutée dans le prix au consommateur final.

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M. Sylvain Durand : Aujourd’hui, dès lors que la TICFE est affectée au budget général de l’État, on peut lui faire porter ce que l’on veut. En tout état de cause, la réforme qui a consisté à débrancher la TICFE pour l’affecter au budget général et, en contrepartie, à due concurrence, à brancher de la TICPE au CAS, s’est faite de manière complètement neutre.

M. le président Julien Aubert : Cette réforme s’est faite de manière neutre pour l’État, mais pas pour le citoyen, qui a vu augmenter ses taxes sur le fossile et se stabiliser sa facture d’électricité après une augmentation qui serait intervenue même sans la réforme.


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M. Laurent Michel, directeur général de l’énergie et du climat (DGEC) au ministère de la transition écologique et solidaire.


M. le président Julien Aubert :  Sur la base de quel calcul économique en est-on arrivé à considérer que ces 30 milliards d'euros de soutien public seraient mieux utilisés en bénéficiant au développement des énergies renouvelables ? On aurait pu tout aussi bien décider, en effet, d’affecter ce montant à la politique du logement. Comment sait-on, par ailleurs, que l’on obtient un meilleur impact CO2 en ciblant le développement de l’énergie électrique plutôt que d’autres aspects de la transition énergétique ?


M. Laurent Michel : Nous essayons, dans chaque secteur et de manière globale, d’atteindre un objectif d’efficience et de maîtrise de la dépense publique. Le soutien à la rénovation des bâtiments représente actuellement près de 2 milliards d’euros, entre le CITE et les aides de l’ANAH, sans compter le Fonds chaleur renouvelable, qui intervient lui aussi sur les bâtiments via les réseaux de chaleur. Le soutien au logement est donc loin d’être négligeable.

M. le président Julien Aubert : Il n’est pas si important que cela quand on le compare aux 95 milliards déjà engagés pour les énergies renouvelables.


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M. le président Julien Aubert :  Aujourd’hui, les énergies renouvelables électriques bénéficient d’un soutien d’environ 6 milliards d’euros, ce qui signifie que l’on dépense trois fois plus pour elles que pour la politique de rénovation des bâtiments. Il s’agit donc bien d’un choix politique puisque l’on aurait pu aussi décider d’affecter 2 milliards à l’éolien et au photovoltaïque et 6 milliards au logement. Ma question est donc la suivante : quels calculs ont-ils été effectués pour déterminer le secteur dans lequel l’impact CO2 sera le meilleur et décider de cette répartition de milliards d’euros qui ne sont d’ailleurs pas encore collectés ? La colère des gilets jaune montre bien que l’on ne perçoit pas toujours le volume de recettes fiscales prévu au départ. Il est également important de savoir comment sont répartis les postes de dépenses. Pourquoi, en France, quand on parle de transition énergétique, cible-t-on trois fois plus les énergies renouvelables ?


M. Laurent Michel : Nous sommes fortement tributaires des décisions du passé. La nouvelle orientation de la PPE va amener le biogaz et les énergies renouvelables électriques à des flux de 3 à 4 milliards d’euros en fonction des années. Le rapport n’est donc pas trois fois supérieur.
L’équation est en réalité difficile à résoudre. Nous sommes soumis à l’atteinte d’un ensemble d’objectifs de décarbonation, de diversification et de préparation de l’avenir. Pour le mix électrique, un choix politique a été fait, en effet : il ne dépendra plus demain à 75 % d’une seule énergie.
Nous entendons profiter de la baisse des coûts des EnR, tout en donnant leur chance aux filières pas encore tout à fait matures, comme l’éolien offshore, et en conservant une possibilité de choix, dans les trois à cinq ans, sur les programmes lourds à l’horizon 2050. Car nous n’aurons plus, en 2050, les centrales électriques nucléaires actuelles

M. le président Julien Aubert
: Pour résumer, c’est le choix de diminuer la part du nucléaire qui explique les engagements en matière d’énergies renouvelables électriques.

M. Laurent Michel : C’est l’un des éléments de choix.


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M. le président Julien Aubert
: Pourrions-nous revenir sur les dépenses que vous projetez dans le transport et le logement ? Vous avez dit beaucoup de choses et il me semble nécessaire de simplifier. Il y a donc 30 milliards supplémentaires pour les énergies renouvelables. Pour le logement, combien représente la montée en gamme de la PPE ?


M. le président Julien Aubert : Pour résumer : 6 milliards d’euros sur les énergies renouvelables, qui devraient passer progressivement à 4 milliards ; 3 milliards sur le logement ; 1 milliard sur le transport, pour le volet mobilité propre. Les EnR bénéficient donc de 50 % du soutien public, l’autre moitié revenant au logement et au transport.

M. Laurent Michel : Hors transports en commun et ferroviaires.
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Mme Marjolaine Meynier-Millefert, rapporteure :  Pouvez-vous revenir sur l’historique des politiques en matière d’énergie solaire ?


M. Laurent Michel :  La première phase de développement du solaire en France s’est caractérisée par l’émergence de la technologie et la mise en place de politiques tarifaires. Comme dans d’autres pays européens, elle a rapidement été suivie d’une baisse des prix liée à la massification et au dumping. Les projets ont pu très vite se réaliser à des coûts beaucoup moins chers que prévus. Les tarifs trop élevés par rapport à la rentabilité ont engendré un emballement du nombre de projets, qui a conduit l’État à imposer un moratoire en deux étapes. Si ma mémoire est bonne, ce moratoire est intervenu lorsque Jean-Louis Borloo, puis Nathalie Kosciusko-Morizet, étaient ministres de l’écologie, sous la présidence de Nicolas Sarkozy. Un coup d’arrêt a alors été porté à de nouveaux projets basés sur des tarifs aussi hauts. En revanche, il n’a jamais été question, en France, de revenir sur les contrats existants, à la différence de l’Espagne par exemple, qui paie aujourd’hui des contentieux pour décision abusive.


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Mme Laure de La Raudière : J’aimerais revenir sur le mix énergétique choisi par la France en matière d’électricité. Quels sont les résultats de la France, dans le cadre de la stratégie nationale bas-carbone, par rapport aux autres pays, en ratio par habitant ? Pour calculer les émissions de CO2 des énergies renouvelables par rapport à celles du nucléaire et de l’hydroélectricité, prend-on en compte l’ensemble de la filière, c’est-à-dire également le recyclage des installations éoliennes et photovoltaïques ? À terme, vous venez de l’expliquer, les énergies renouvelables ne demanderont plus de subventions publiques. Pourtant, certains secteurs comme l’éolien terrestre n’ont pas atteint leur maturité industrielle dans notre pays. L’objectif de 50 % de nucléaire dans le mix énergétique n’a-t-il pas été fixé trop tôt par rapport au niveau de développement des filières énergétiques renouvelables ? La question mérite d’autant plus d’être posée que le nucléaire est également une énergie bas carbone. Avec quels critères et sur la base de quelles études, cet objectif a-t-il donc été fixé, sachant qu’il nous faut répondre aux objectifs de la stratégie nationale bas-carbone et tenir compte du coût de l’électricité pour nos citoyens ? Après l’emballement du photovoltaïque, quelle analyse la DGEC fait-elle de la rentabilité actuelle de certains opérateurs des énergies renouvelables, en particulier dans l’éolien terrestre ? Quelle est la part des éoliennes terrestres qui font l’objet d’un appel d’offres ? Nous assistons actuellement à un emballement de l’éolien terrestre, avec le déploiement extrêmement rapide de certains promoteurs. Les subventions restent importantes et les tarifs sont aujourd’hui garantis, mais vous allez nous dire demain que ces professionnels n’auront plus besoin de soutien public. Il ne paraît pas judicieux de réduire les aides tant que la filière n’est pas mature et rentable. À vous écouter, on a le sentiment qu’on aurait peut-être eu intérêt à fixer l’objectif de 50 % de nucléaire à une date ultérieure, pour donner du temps aux filières d’énergies renouvelables de monter en maturité. Je parle, bien entendu, du point de vue de la consommation de l’argent public.

M. Laurent Michel : Ces débats sont anciens et je me permettrai d’être franc. Je pense que si l’on fixe à 2045 ou 2050 l’objectif de 50 % de nucléaire dans le mix énergétique - ou de 51 %, ou de 52 %, peu importe –, on ne prépare pas l’avenir et on commet une très grave erreur. Je le dis en dehors de tout parti pris pro-nucléaire, anti-nucléaire ou pro-EnR.


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Mme Laure de La Raudière : Mais je m’interrogeais sur l’éolien terrestre, qui pose d’ailleurs aussi une question d’acceptabilité sociale. Les territoires sont de plus en plus nombreux à refuser l’implantation d’éoliennes terrestres, qui donnent rarement lieu à des appels d’offres et sont une source de rentabilité considérable. Je voulais savoir quelle était la réflexion de la DGEC à ce sujet. Vous avez parlé des projets offshore et flottants, mais pas de l’éolien terrestre.

M. Laurent Michel :  La majorité des projets d’éolien terrestre bénéficient aujourd’hui des tarifs d’achat du guichet fermé fin 2016. Les petits projets de moins de six mâts et de moins de 3 MW peuvent encore bénéficier de ce tarif. En revanche, les nouveaux projets de gros parcs éoliens doivent faire l’objet d’appels d’offres. Nous préparons une réforme qui conduira à réduire encore le champ des parcs éligibles au guichet.

M. le président Julien Aubert : Dans l’éolien terrestre, quelle est la proportion de gros parcs et de petits projets non soumis à la procédure d’appel d’offres ? Du fait de cette distinction, il semblerait que l’on multiplie les petits projets éoliens, contrairement à ce qui se fait dans d’autres pays, ce qui pose d’ailleurs un problème de rentabilité.

M. Laurent Michel : Les parcs actuels sont dans leur quasi-intégralité soumis aux tarifs d’achat du guichet fermé fin 2016. C’est logique vu leurs délais de réalisation. Je ne saurais vous donner le nombre de demandes d’autorisation déposées, mais nous nous apprêtons, dans un objectif de compétitivité et d’action anti-mitage, à réduire le nombre de machines autorisées à deux ou trois, et plutôt pour des extensions que pour de nouveaux parcs. Compte tenu du tarif de rachat de l’électricité produite à deux ou trois machines, il n’est plus intéressant de construire un parc nouveau. Le tarif va donc être réduit à sa portion congrue. Il nous faudra réfléchir à l’opportunité d’un mécanisme de soutien pour l’éolien terrestre.


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M. le président Julien Aubert :  Lorsque l’on investit dans l’éolien, le coût de la tonne de CO2 évitée est logiquement plus important puisque l’on substitue l’éolien au nucléaire. Il n’y a donc pas de CO2 évité. Investir dans l’éolien représente donc un coût, pour un effet CO2 limité.


M.Laurent Michel : [...] Le fait que la France continue à produire plus d’énergie décarbonée aide à substituer des énergies carbonées dans d’autres pays, grâce à sa capacité d’export.

M. le président Julien Aubert : Quand on exporte du nucléaire, on exporte déjà de l’énergie décarbonée. 


M. le président Julien Aubert
: Restons à l’échelle de la France. Si l’électricité nucléaire passe de 75 % à 50 % pour être remplacée par de l’électricité éolienne ou photovoltaïque, l’impact carbone est nul. L’argent utilisé pour la substitution, en coût de la tonne de CO2 évitée, est donc très important puisque l’effet levier sur le CO2 est faible. En revanche, si l’on investit 1 milliard d’euros pour passer du véhicule à essence au véhicule électrique, l’impact carbone est réel. Je ne comprends donc pas ce que la plaque européenne ou les exportations viennent faire ici. 

 
M. Laurent Michel
:  Si vous exportez plus, vous substituez davantage d’énergies décarbonées à des énergies carbonées sur la plaque européenne. L’effet en termes de coût de la tonne de CO2 évitée est relativement faible au niveau français, mais il est plus important à l’échelle européenne.
Je rappelle que nous ne nous projetons pas uniquement à 2020 et que nous nous inscrivons aussi dans la perspective d’un mix électrique pour 2035 et 2050. 


M. le président Julien Aubert
:  Il ne s’agit pas tant du nucléaire que de la manière dont nous construisons notre budget. On a l’impression que ce budget est infini et que l’on jongle avec les milliards d’euros. On sait bien pourtant que les choses ne sont pas si simples quand il faut prélever cet argent sur les Français. Je ne sais pas quelle trajectoire de la « taxe carbone » est prise comme hypothèse dans la PPE, mais je rappelle que cette taxe est aujourd’hui gelée. D’où ma question sur la méthodologie que vous utilisez, puisque vous avez souligné que, dans le domaine du transport, le coût de la tonne de CO2 évitée était plus élevé. J’en déduis que vous disposez d’éléments pour comparer les différentes politiques de transition énergétique. Pour chacune d’elles, la corrélation entre le coût de la tonne de CO2 évitée et l’objectif environnemental vous conduit à faire des arbitrages financiers par rapport à des objectifs budgétaires réalistes. Quel est le coût global de la PPE ?


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M. Laurent Michel :  Les dépenses nouvelles engagées – ensemble des EnR, Fonds chaleur et CITE – représentent 40 milliards d’euros, auxquels il faut ajouter 20 milliards pour la rénovation, hors logement social, et 10 milliards pour le transport. Le coût global de la PPE s’élève donc à environ 80 milliards d’euros, hors investissements dans les départements d’outre-mer (DOM), péréquation et chèque énergie.

M. le président Julien Aubert
: La PPE prévoit l’augmentation des dépenses en matière de transition énergétique. Pouvez-vous nous préciser quel sera précisément le montant de cette augmentation ? À combien ces dépenses s’élevaient-elles en 2018 ?

M. Laurent Michel : En dépenses publiques, elles représentaient un peu plus de 11 milliards d’euros en 2018. Elles atteindront progressivement un montant de 12 à 13 milliards par an, puis redescendront à 6 à 8 milliards quand les EnR seront beaucoup moins chères.


M. le président Julien Aubert : Nous dépensons donc aujourd’hui 11 milliards d’euros pour la transition énergétique, dont environ 6 milliards pour les EnR et le reste pour le transport et le logement. La PPE prévoit une augmentation de ce volume, puis une baisse, mais la répartition des sommes entre le logement, le transport et les énergies renouvelables restera globalement identique : 50 % des dépenses publiques pour le soutien aux EnR, 50 % pour le transport et le logement.

M. Laurent Michel : À court terme, c’est bien cela. 


M. le président Julien Aubert : On nous dit que le photovoltaïque est devenu concurrentiel, que ce secteur est désormais une industrie et que les prix baissent. La logique européenne et française est d’interdire le soutien aux industries pour ne pas fausser la concurrence. Si les énergies renouvelables électriques sont arrivées à maturité, pourquoi ne pas arrêter tous les soutiens ? Cet argent pourrait être rebasculé plus rapidement, et pas dans sept ou huit ans, sur d’autres secteurs pour lesquels le coût de la tonne de CO2 évitée est plus faible.

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M. Laurent Michel : Certaines filières matures approchent en effet de la compétitivité. Le mécanisme d’appel d’offres le révélera et permettra de diminuer les besoins de subventions. Toutefois, interrompre dès maintenant le soutien aux énergies renouvelables électriques mettrait un coup d’arrêt à ces filières en cassant les processus industriels de montée en puissance.

M. le président Julien Aubert
: Sans parler de l’éolien, les acteurs du solaire nous disent que leur filière est compétitive. C’est comme pour le vélo : on retire les petites roues à l’arrière quand l’enfant est capable de pédaler tout seul. Vous me dites qu’on ne peut pas retirer les petites roues aux filières des énergies renouvelables. C’est donc qu’elles ne sont pas compétitives.

M. Laurent Michel
: Merci de bien vouloir me laisser terminer. Vous me permettrez de ne pas vous servir la soupe et de vous faire une réponse franche. Les filières avancent effectivement, à des marches différentes, vers la compétitivité. Il arrivera un moment plus ou moins proche selon leur secteur et les types de projet qu’elles choisiront de développer, où elles pourront se passer de subventions.
Dans le solaire, pour le photovoltaïque au sol, nous ne sommes plus très loin de ce moment. Nous devrions y arriver d’ici deux à cinq ans, [...] Dans l’éolien, les appels d’offres seront un bon indicateur, mais nous n’en aurons pas besoin probablement d’aides pour le repowering. L’éolien en mer dépendra beaucoup des endroits et du vent. Comme dans d’autres pays, le nombre de parcs pour lesquels aucune subvention ne sera nécessaire pourrait rapidement augmenter en France. Seuls les appels d’offres le diront. Quand l’éolien en mer aura atteint un coût peu élevé, des appels d’offres inverses seront organisés : l’État, propriétaire du domaine public maritime, demandera aux acteurs d’installer un champ à tel ou tel endroit, et touchera des redevances.
Cette question nécessite donc un pilotage fin. 


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M. le président Julien Aubert : Est-il possible de calculer l’impact carbone du nucléaire, de l’éolien et du solaire, à méthodologie et durée de vie équivalentes ? Il serait intéressant de comparer le CO2 émis lors du démantèlement et du renouvellement des parcs éoliens et solaires aux émissions d’un actif nucléaire pendant toute sa durée de vie, de manière à obtenir la même unité de compte. Quand on parle d’investissement et d’impact CO2, les durées de vie des installations considérées sont souvent différentes. Une étude du Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC) a montré que le nucléaire était quatre fois moins émetteur de gaz à effet de serre que le solaire, mais je ne sais pas si cette évaluation portait sur la durée de vie d’un actif nucléaire. Nous butons souvent sur des questions méthodologiques. Existe-t-il un cadre de référence permettant de comparer les coûts et l’impact carbone sur une durée de vie commune ?


M. Laurent Michel : Sur l’impact carbone, il existe en effet des valeurs de référence. Elles émanent de divers organismes, parmi lesquels l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (ADEME). Il faut, vous avez raison, comparer ce qui est comparable, mais inclure également le démantèlement du nucléaire et la gestion de ses déchets.


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M. Jean-François Carenco, président de la Commission de régulation de l’énergie (CRE), accompagné de M. Dominique Jamme, directeur général adjoint, M. Julien Janes, directeur adjoint à la direction du développement des marchés et de la transition énergétique et de Mme Olivia Fritzinger, chargée des relations institutionnelles

M. le président Julien Aubert : il est proposé au Gouvernement d’augmenter de 5,9 % les tarifs réglementés de l’électricité, et ce, avant le mois de juin.
La hausse proposée serait lourde de conséquences, puisqu’elle concernerait plus de 25 millions de foyers, dans un climat social marqué par les problèmes de pouvoir d’achat, et qu’elle poserait une nouvelle fois la question de l’acceptabilité des politiques de transition énergétique, au centre des réflexions de cette commission d’enquête. En dépit d’une certaine confusion au niveau gouvernemental, il semble « acté » que cette augmentation surviendra « pendant l’été », selon le propos de François de Rugy, et qu’elle tiendra compte de l’évaluation de la CRE. L’Autorité de la concurrence, que nous auditionnerons ce matin, a exprimé dans son avis du 27 mars son désaccord avec vos méthodes de calcul. Vos conceptions sur la nature et le rôle du dispositif de l’Accès régulé à l’électricité nucléaire historique (ARENH) paraissent peu compatibles. L’ ARENH permet aux fournisseurs alternatifs d’obtenir auprès d’EDF des volumes d’électricité à des prix garantis qui, dans certaines situations de marché, sont particulièrement avantageux. Ce désaccord était déjà perceptible dans un précédent avis de l’Autorité de la concurrence, en date du 21 janvier, relatif à un projet de décret réformant l’ ARENH. Il y est reproché à la CRE de faire la « part belle » aux fournisseurs alternatifs – dont nous entendrons les représentants cet après-midi – et de ne pas restituer aux petits consommateurs les bénéfices d’un parc nucléaire historique compétitif. La transition énergétique actuelle prévoyant la diminution progressive de ce parc, nous entendrons avec intérêt vos projections et nous ne doutons pas que vous saurez trouver devant notre commission les arguments pour répondre à ces critiques. Nous vous interrogerons aussi sur le fonctionnement du marché du gaz, qui n’est pas régi par un dispositif semblable à l’ ARENH. Les nouvelles sont parfois bonnes : une baisse de 1,9 % des tarifs de vente réglementée, qui concerne 4 millions de clients, est survenue le 1er avril.
Nous ne pourrons pas faire ce matin le tour de tous les sujets sur lesquels travaille la CRE au titre de la transition énergétique. Toutefois, nous aimerions connaître les motifs qui ont conduit la CRE à engager un audit du système des certificats d’économie d’énergie (CEE), dont le coût pèse de plus en plus sur la facture des ménages. De son côté, l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (ADEME) se lance, plutôt tardivement, dans un « bilan approfondi et factuel du dispositif ». Avez-vous l’intention de vous rapprocher de l’ ADEME pour ce travail indispensable ? Que pensez-vous de l’évaluation qui avait été réalisée par la Cour des comptes ?

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M. Jean-François Carenco, président de la Commission de régulation de l’énergie (CRE) :
[...] Je souhaite débuter mon propos en mettant en lumière les caractéristiques du système énergétique, dans l’optique de la transition énergétique. Il est convenu que celle-ci passe par le développement des énergies renouvelables. Mais à mon sens, elle devrait passer par la baisse de la consommation, car elle seule permettrait d’éviter les « violences environnementales ».
Il ne faut pas s’y tromper : grâce au mix énergétique décarboné, composé principalement de nucléaire et d’hydroélectrique, nous bénéficions déjà de faibles émissions de CO2 et d’un prix de l’électricité maîtrisé. Vous le savez, nous émettons six fois moins de CO2 que nos voisins allemands et le prix de l’électricité pour un consommateur résidentiel moyen est de l’ordre de 180 euros par mégawattheure (MWh), contre 300 euros en Allemagne. Le développement des énergies renouvelables (EnR) électriques ne sert donc pas à réduire les émissions de CO2. [...] 


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Le développement des EnR soulève des questions de coûts, de délais, de techniques, mais nous devons le faire, évidemment au meilleur coût pour la collectivité, sans sacrifier les atouts du système électrique que sont le coût à la production, la sécurité et la qualité des approvisionnements. Ce dont la CRE est comptable, me semble-t-il, c’est la garantie pour le consommateur, industriel ou domestique, du prix, de la qualité et de la sécurité. Le développement des énergies renouvelables repose aujourd’hui encore sur le soutien des pouvoirs publics. Des erreurs de politique se sont révélées coûteuses, j’y ai moi-même participé en tant que directeur de cabinet d’un ministre. Cela a donné lieu à la bulle photovoltaïque, en 2010 notamment. Le prix du MWh était de 600 euros ; il est aujourd’hui de 48 euros. La définition d’un cadre adapté et efficace assure un meilleur usage des ressources publiques et je regrette qu’à l’époque, la CRE n’ait pas joué un rôle de garde-fou. [...]

Pour ce qui est de l’éolien terrestre, le dernier appel d’offres a fait émerger des projets à 65 euros le MWh, toujours dans cette bande comprise entre 60 et 80 euros le MWh. Le véritable enjeu de l’éolien terrestre, c’est le repowering – la reconception du parc – et le revamping – le remplacement des machines. En 2021-2022, nous parviendrons au terme de la contractualisation pour les premières éoliennes. En lieu et place des mats de 1,5 MW, on peut installer des mats de 3, voire de 6 MW. Il sera donc possible de produire, sur la même surface, deux à trois fois plus d’électricité. Je plaide pour que les appels d’offres de repowering soient différents des appels d’offres portant sur des installations nouvelles. Je prône aussi un retour au marché, au-delà de la période de quinze ou vingt ans prévue par le système. Il n’y a pas de raison de continuer à soutenir les éoliennes une fois qu’elles sont amorties. Il faut composer avec le lobby anti-éolien, assez fort en France, où l’on est souvent contre tout, mais il faut aussi mettre un terme à l’obligation d’achat.

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M. le président Julien Aubert : Il reste un mystère que vous n’avez pas résolu. Nous sommes tous d’accord pour dire que les prix de l’électricité ont fortement augmenté ces dernières années et que le TURPE, que vous avez à peine évoqué, fait débat. Vous avez parlé d’une baisse de 25 % sur l’éolien en mer, sans préciser qu’un cadeau avait été fait aux opérateurs : le raccordement à RTE, qui devait être à leur charge, sera financé via le TURPE, intégré à la facture d’électricité. Il existe donc bien un lien entre le développement des énergies électriques vertes et le prix de l’électricité. Ce que je ne comprends pas, c’est que, lorsque l’on a ouvert le marché de l’électricité à la concurrence, les prix, au lieu de baisser comme promis, ont augmenté. Je vois trois raisons à cela : -soit il existe un défaut systémique en France qui fait que la concurrence fait augmenter les prix ; 

-soit on s’est servi du nucléaire pour tracter le développement des énergies renouvelables, et les cadeaux divers et variés finissent par provoquer une augmentation substantielle des prix de production ; 
-soit le développement des EnR, qui sont plus chères à la production, a eu un effet massif au plan européen, et provoqué une augmentation des prix de gros.
Pourriez-vous nous expliquer comment nous en sommes arrivés là ? Alors que nous faisons face à une crise majeure et que les Français nous disent qu’ils en ont assez de payer des factures, les prix de l’électricité vont encore augmenter sensiblement. Comment l’expliquer à nos concitoyens ? Certes, la diversification énergétique est un objectif. Mais que fait-on du pouvoir d’achat ? Pouvez-vous expliquer le lien, dans la structuration des coûts, entre le prix de l’énergie verte et le prix payé par le consommateur ?


M. Jean-François Carenco :  En 2017, le prix de l’électricité en France était de 169 euros le MWh pour le client ; il était de 304 euros en Allemagne et au Danemark, de 230 euros en Espagne, de 186 euros à Chypre et de 180 euros au Royaume-Uni. En 2018, le prix a augmenté partout en Europe, de 10 % en Belgique, de 3,3 % en Allemagne, de 8 % en Espagne et en Italie. Nous proposons une augmentation de 5,9 %. Le prix de l’électricité est constitué de trois éléments : le coût de la production, le coût du transport et de la distribution, les impôts et taxes. Leurs parts respectives sont de plus en plus inégales, puisque le coût de la production pèse de moins en moins, mais que, parallèlement, le TURPE, qui finance le transport et la distribution, augmente. Cela constitue une difficulté. [...] Cette évolution va nous faire passer d’un système composé d’une centaine de lieux de production – dix-neuf sites nucléaires, quelques grands barrages, quelques grandes usines – à un autre qui en compte de centaines de milliers, voire des millions. [...] c’est ce qui amène la CRE à considérer l’autoconsommation avec circonspection. Cette attitude nous est reprochée, mais rappelons que l’autoconsommation induit une importante extension des réseaux, et qu’elle repose sur une inégalité territoriale. Il fait beau dans le Sud, cela ne doit pas dispenser de payer les taxes sur l’électricité ! Les impôts et taxes constituent le premier élément du prix de l’électricité, et nous nous contentons d’appliquer les décisions prises par le législateur en ce domaine.

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M. le président Julien Aubert
: Seule l’évolution du marché explique donc ces hausses ? 


M. Dominique Jamme, directeur général adjoint de la Commission de régulation de l’énergie (CRE) : Non, c’est surtout l’évolution des taxes. Même si aujourd’hui, la contribution au service public de l’électricité (CSPE) est gelée à 22,50 euros par MWh et ne vient plus compenser le surcoût des énergies renouvelables, car la mécanique budgétaire a changé, il faut se rappeler qu’elle était de 3 euros il y a une dizaine d’années. Une part très importante des hausses s’explique donc par les taxes.

M. le président Julien Aubert
: Et une large partie des taxes finance les énergies renouvelables. Savez-vous dans quelle proportion ?  


M. Jean-François Carenco
: En gros, deux tiers de la CSPE vont aux énergies renouvelables.


M. le président Julien Aubert : Pour résumer : 66 % des hausses de tarif passées sont liées à la part de la CSPE consacrée aux énergies renouvelables. En 2019, la hausse ne tient plus aux taxes, mais à la hausse des capacités de production, au marché et à l’effet rationnement de l’ARENH. Lorsque vous parlez des capacités de production, vous parlez bien des capacités à fournir de l’électricité au moment du pic de consommation ? Et c’est un des problèmes, car les EnR sont, par définition, intermittentes.


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M. le président Julien Aubert : À l’avenir, si la part des énergies renouvelables dans le mix énergétique augmente par rapport à celle du nucléaire et que nous n’avons pas de solution de stockage, aurons-nous besoin de capacités de production plus ou moins importantes ?


M. Dominique Jamme C’est une question pertinente, et délicate. Les énergies renouvelables apportent leur contribution à la pointe, mais c’est une contribution statistique. Si l’on sait que les capacités « dispatchables » telles que le nucléaire, le gaz ou le charbon ont 90 % de probabilité d’être disponibles, ce pourcentage est de 10 % ou 20 % pour l’éolien. Il y a donc une contribution des énergies renouvelables, mais elle est plus faible, et c’est une contribution statistique.


M. le président Julien Aubert : Pour parler très clairement, si le pic de froid a lieu le 5 janvier et qu’il est absolument nécessaire d’avoir de l’électricité, il n’est pas certain que l’ensoleillement ou le vent permette d’en produire.

M. Jean-François Carenco
: Exactement, c’est pourquoi ce qui compte, c’est un ensemble de flexibilité. RTE doit équilibrer l’offre et la demande d’électricité à chaque seconde, c’est impossible sans flexibilité. 


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M. le président Julien Aubert :
Nous sommes passés à côté d’un black-out européen il y a quelque temps, n’est-ce pas ?


M. Jean-François Carenco :  Nous avons connu, non pas un black-out, mais une différence de tension qui a provoqué un retard de toutes les anciennes horloges...


Mme Marjolaine Meynier-Millefert, rapporteure
: Pouvez-vous expliciter la notion de contestabilité ?


M. Dominique Jamme
: La contestabilité concerne le marché de détail, pas le marché de production. Le marché de détail est ouvert à la concurrence, donc tous les consommateurs – PME, grandes entreprises, gros industriels, consommateurs résidentiels – ont le choix de leur fournisseur. Ce marché de la fourniture de détail doit être ouvert et concurrentiel, et pour cela il faut que tous les fournisseurs aient des conditions de départ équivalentes. Pour les consommateurs résidentiels et les petites entreprises, il y a le tarif réglementé de vente, qui concerne encore 77 % des clients résidentiels, soit 25 millions de clients. Néanmoins, plus de 7 millions de clients résidentiels ont fait le choix d’offres de marché. Ils sont alimentés par des fournisseurs, dont le fournisseur historique car EDF propose aussi des offres de marché. La contestabilité impose que les tarifs réglementés de vente, que la CRE est chargée de proposer au Gouvernement, assurent qu’un fournisseur alternatif…


M. Jean-François Carenco
: La formule est la suivante : la contestabilité doit être entendue comme la possibilité, pour des fournisseurs alternatifs, de proposer des offres au moins aussi compétitives que le fournisseur historique.


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M. Hervé Pellois : Vous avez donné des prix moyens du photovoltaïque qui vont de 62 à 99 euros par MWh. Pourquoi présentez-vous une fourchette et non pas un prix moyen de 80 euros ? Cela correspond-il à des surfaces particulières ou à des dates d’installation différentes ? 


M. Jean-François Carenco : Il faut d’abord distinguer le coût et le prix. À mon tour de faire un peu de publicité : en février, nous avons publié un rapport intitulé « Coûts et rentabilités du grand photovoltaïque en métropole continentale », que je vais remettre aux membres de votre commission. La notion de photovoltaïque recouvre des réalités complètement différentes : photovoltaïque pour les agriculteurs ou sur les grandes surfaces ; photovoltaïque en vente ou en autoconsommation ; et ainsi de suite. Faudrait-il circonscrire les lieux d’implantation du photovoltaïque, comme nous appelons à le faire pour le gaz, dans la mesure où le réseau de biométhane ne couvre que 30 % du territoire ? Pour l’instant, il n’en est pas question.


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M. Dominique Jamme : Il existe en effet du photovoltaïque posé au sol, sur toiture ou sur ombrière de parking. Il y en a également de différentes tailles – le rapport prend en compte les installations allant de 100 KW à 30 MW. C’est pour ces raisons qu’il existe différentes catégories de coûts. Le rapport se fonde sur l’analyse de 4 600 dossiers déposés en appel d’offres en 2017 et 2018. Le coût moyen de 62 euros est celui du photovoltaïque au sol entre 10 et 30 MW, qui est le moins coûteux. Les 30 % de projets au sol de grande taille les plus compétitifs présentent aujourd’hui des coûts de production d’environ 48 euros. Les coûts les plus élevés correspondent à des installations de moindre puissance, sur toiture ou ombrière. Les coûts des petits dispositifs sur les toits des particuliers sont évalués aux alentours de 150 euros. Pour en savoir plus, je vous invite à lire notre rapport de quarante-six pages, qui est très digeste.

Mme Laure de La Raudière :  Pour caricaturer, vous dites que nous produisons des énergies renouvelables à cause des déchets nucléaires. Mais avez-vous étudié l’efficacité écologique de toutes les filières du photovoltaïque et de l’éolien ? Cela me semble essentiel. Il suffit de penser au repowering de l’éolien terrestre : 10 % d’une éolienne ne seraient pas du tout recyclables, et son béton resterait dans le sol. Est-ce vrai ? Ces aspects sont-ils pris en compte ? Par ailleurs, la provision pour démantèlement est de 50 000 euros, ce qui ne correspond pas du tout au coût réel. Comme j’imagine mal les propriétaires fonciers payer le démantèlement, qui en aura la charge ? Vous avez mentionné un coût de 65 euros dans les derniers appels d’offres. Mais quel est le coût de production actuel de la puissance installée dans l’éolien ? Et quelle part de l’éolien terrestre est-elle installée sans passer par un appel d’offres ? Un grand nombre de petits projets passent, en effet, sans appel d’offres, ce qui contribue à nourrir ce que vous avez appelé un lobby anti-éolien et que je qualifierais plutôt de faible acceptabilité sociale de l’éolien terrestre. Le lobby est plutôt du côté des promoteurs, à mon sens, que de celui de la société, qui a découvert que la présence des éoliennes pouvait avoir des conséquences sur le prix de leur maison et qu’elle imposait d’indéniables pollutions visuelles. Que préconisez-vous pour que la majorité de l’éolien terrestre soit mieux contrôlée, par le biais des appels d’offres ? Avez-vous également regardé la rentabilité des acteurs et des promoteurs éoliens ? On parle de 150 % de rentabilité pour l’éolien terrestre. Confirmez-vous que beaucoup cèdent leur autorisation d’exploitation à de grands acteurs, à des prix très élevés de 800 000 euros par mégawattheure ? La CRE suit-elle ces sujets ? Enfin, vous avez dit qu’il fallait sortir de l’autorité environnementale. Pourriez-vous nous préciser ce que vous vouliez dire par là ?


M. Jean-François Carenco : Un débat a eu lieu pour savoir si les préfets de région pouvaient être une autorité environnementale. Nous sommes au milieu du gué et ne savons pas quelle est l’autorité environnementale compétente, ce qui bloque tout. Vous avez raison de vous intéresser à la pollution produite par les énergies renouvelables. On ne peut néanmoins pas comparer la pollution que représente une dalle de béton avec des déchets nucléaires, ce qui ne veut pas dire que ce n’est pas un sujet important. Mais mieux vaut un peu de béton en plus…

M. le président Julien Aubert : Sans vouloir vous porter offense, monsieur le président, cette question relève plutôt de l’Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs (ANDRA) et de l’ ASN. Vous nous faites part de votre avis personnel et non pas d’une position de la CRE.

M. Jean-François Carenco : C’est l’avis de la CRE, en tant que soutien des énergies renouvelables.

Mme Laure de La Raudière :  Ne pensez-vous pas qu’il serait intéressant de connaître l’efficacité écologique de l’ensemble des filières, ainsi que les unes par rapport aux autres – éolien terrestre, marin ou marin flottant et photovoltaïque, par exemple ?

M. Jean-François Carenco : Cette question ne s’inscrit pas vraiment dans le spectre de travail de la CRE. Dans les avis des appels d’offres, nous demandons systématiquement de faire augmenter la note environnementale. Nous nous battons avec la direction générale de l’énergie et du climat (DGEC) et le Gouvernement pour cela. Le sujet est très compliqué : cette note dépendant des fournisseurs, on nous accuse de vouloir favoriser untel ou untel, par le biais de cette disposition. Près de chez vous, madame la rapporteure, des producteurs français se lancent dans la fabrication de petits mâts éoliens ; un autre fait des wafers. Il faut veiller à ce que les critères environnementaux ne soient pas considérés comme des aides d’État.


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Mme Laure de La Raudière : Je me permets de vous demander de nouveau quelle part du parc actuel a été installée sans appel d’offres ? L’appel d’offres suppose une concurrence. Mais beaucoup de parcs sont inférieurs aux 18 MW du seuil fixé. 

 
M. Jean-François Carenco
: Une majorité ! C’est pourquoi nous avons demandé de faire baisser le seuil au-delà duquel l’appel d’offres est obligatoire.

M. le président Julien Aubert : Monsieur le président, vous venez de nous dire que l’avenir est dans le repowering. Pensez-vous agrandir les petits parcs ou agrandir les mâts ?

M. Jean-François Carenco : Augmenter la capacité de production, sans agrandir le parc.


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Mme Laure de La Raudière : Cela signifie-t-il que vous n’êtes pas favorable à l’installation de nouvelles éoliennes sur de nouveaux sites, mais que vous préconisez de rentabiliser les sites existants ?

M. Jean-François Carenco
: Ce n’est pas à moi de me prononcer sur l’ouverture de nouveaux sites. En revanche, il est rationnel d’optimiser les parcs existants, en augmentant la puissance des mâts des éoliennes arrivées en fin de vie : cela coûtera moins cher et aura des répercussions moindres en matière d’acceptabilité. 


Mme Véronique Louwagie : S’agissant de l’augmentation du prix de l’électricité ces dix dernières années, pourriez-vous nous en dire un peu plus sur la part des taxes, alors que la CSPE est devenue un impôt banalisé ? Comment ce prix se décompose-t-il ? Quelle est la place des taxes dans son évolution ces dix dernières années ?

M. Jean-François Carenco : Je laisserai, à l’issue de la réunion, un tableau de la décomposition des prix au président et à la rapporteure. Au premier semestre 2019, soit après la hausse, le TURPE représente 27,1 % de la facture toutes taxes comprises ; L’énergie 27,5 %, dont 1,6 % dû à l’effet de l’écrêtement ; la capacité, 1,7 % ; les coûts commerciaux et les CEE, 6,6 % ; la contribution tarifaire d’acheminement (CTA), 2,3 % ; la CSPE, 12,5 % ; la taxe sur la consommation finale d’électricité (TFCE), 5,3 % ; et la TVA, 15 %.  Les taxes représentent donc un peu plus d’un tiers de la facture. 


Mme Véronique Louwagie : Je voudrais également connaître la différence de coût de production en fonction du type d’énergie. Nous avons bien entendu que, pour l’éolien terrestre, dans les derniers appels d’offres, nous étions à 65 euros le mégawattheure, mais pourriez-vous nous indiquer, pour l’année 2018, non pas le coût moyen mais le coût réel de production de l’énergie émanant du nucléaire, de l’éolien terrestre et des autres énergies non renouvelables ?

M. Dominique Jamme : Il est assez difficile de vous répondre. En effet, l’éolien et le photovoltaïque – notamment – font l’objet d’un soutien qui est d’ailleurs budgétisé : il vient désormais du budget de l’État. Vous ne retrouvez donc pas directement, que ce soit sur la facture d’électricité ou dans la hausse de 5,9 % du prix de l’électricité proposée par la CRE, l’influence de l’éolien ou du photovoltaïque, pas plus que l’effet d’une hausse ou d’une diminution du coût de production du nucléaire, de l’hydraulique, du gaz ou du charbon.


M. Jean-François Carenco : Voici les engagements qui ont d’ores et déjà été pris pour la période 2019-2043 – je vous ferai passer le document : selon les hypothèses de prix du marché, 

-pour le solaire, entre 39 et 41 milliards d’euros ; 
-pour l’éolien terrestre, entre 21 et 25 milliards ; 
-pour l’éolien en mer, entre 20 et 23 milliards ; 
-pour la cogénération, entre 7 et 8 milliards ; 
-pour la biomasse, entre 6,2 et 6,8 milliards ; 
-pour le biogaz, entre 4,6 et 4,9 milliards ; 
-pour l’hydraulique – ça, ce n’est pas cher –, entre 2,8 et 3,3 milliards ; 
-pour les autres systèmes électriques, entre 2,5 et 2,7 milliards.
Ainsi, le total des charges, s’agissant des soutiens engagés – et c’est le chiffre qui compte –, à la fin de l’année 2018, varie, selon les hypothèses de prix du marché, entre 104 et 115 milliards. Fin 2019, on sera plutôt à 120 milliards. Je rappelle que, dans ces 115 milliards, le solaire avant moratoire – je bats ma coulpe : ce sont les fameux 600 euros du MWh en 2010, que j’évoquais tout à l’heure – compte pour 25 milliards; 


À suivre...

Les témoignages en totalité, commentés par Michel Gay. Michel Gay est membre de l'Association des écologistes pour le nucléaire (AEPN), de la Fédération environnement durable (FED), et de la Société française d'énergie nucléaire (SFEN).


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