25/04/2019
RTE prépare au scénario du pire
A la demande de François de Rugy, ministre d’État, ministre de la Transition écologique et solidaire, RTE, le gestionnaire du réseau de transport électrique a réalisé une analyse complémentaire à son bilan annuel paru en novembre 2018, dans le cadre de l’annonce gouvernementale des mises à l’arrêt de centrales au charbon à l’horizon 2022.Constat, la sécurité d’approvisionnement serait dégradée dans certains cas de figure cumulant plusieurs aléas tels que la poursuite du développement des énergies renouvelables, la mise en service de la centrale de Landivisiau et de l’ EPR de Flamanville ainsi que l’installation de nouvelles interconnexions avec la Grande-Bretagne et l’Italie. Et ce, sans mesures additionnelles d’ores et déjà anticipées par le gouvernement qui a décidé d’activer plusieurs leviers à la fois sur la demande et sur l’offre électriques.
Le bilan provisionnel de RTE
RTE rappelle que son bilan provisionnel de novembre dernier qui donne une « vision à cinq ans », prend en compte « les orientations de la feuille de route énergétique du gouvernement, déclinée dans le projet de Programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) et la Stratégie nationale bas carbone (SNBC). Parmi ces choix figurent la fermeture des centrales au charbon d’ici 2022, l’accélération du développement des énergies renouvelables et des effacements de consommation, et la diversification du mix électrique d’ici 2035. »
Ce diagnostic que présente RTE chaque année s’établit autour d’un « cas de base » prenant en compte les orientations de politique énergétique, les informations les plus récentes transmises par les acteurs, ainsi que des hypothèses « médianes » pour l’évolution de certains paramètres (consommation, développement d’énergies renouvelables, etc.).
RTE ajoute que son bilan prévisionnel repose également sur des hypothèses de mise en service de nouveaux moyens de production. Néanmoins, RTE signale également que ce « cas de base » ne constitue pas une vision optimiste de l’évolution du mix à moyen terme, mais prend d’ores et déjà en compte des facteurs très « conservateurs ». Ainsi, sur les ENR, RTE intègre des incertitudes sur le développement des projets (par exemple, 1,4GW par an d’éolien terrestre contre 1,9 GW prévus dans le projet de nouvelle PPE). Pour le nucléaire, RTE mise sur un démarrage de l' EPR en 2020, alors que le planning d’EDF (qui risque de glisser à l’aune des récents incidents liés aux soudures) table encore sur fin 2019 et prévoit des indisponibilités dues aux visites décennales sur le parc nucléaire existant, en misant sur des durées d’arrêts provenant du retour d’expérience et non du planning prévu. Il se fonde enfin sur une consommation électrique stable à l’aune des tendances des dernières années et sur un mix à l’étranger (la France étant particulièrement bien interconnectée avec ses voisins européens) prudent intégrant des retraits de capacités en Allemagne et au Royaume-Uni notamment. Ce « cas de base » a en outre fait l’objet de plusieurs variantes.
Les cas critiques de RTE
La demande du gouvernement s’inscrit donc bien dans le cadre des variantes de ce « cas de base », puisqu’elle vise à « forcer » le modèle développé par RTE pour ses projections. RTE signale cependant que son diagnostic sur « la faculté de fermer toutes les centrales au charbon d’ici 2022, sans dégradation significative de la sécurité d’approvisionnement par rapport au critère, résistait à certains aléas, par exemple : un an de retard sur la mise en service des premiers parcs éoliens en mer ; trois ans de retard sur la mise en service de l’ EPR de Flamanville (2022 vs. 2019) ; un an de retard sur le calendrier de mise en service de la centrale de Landivisiau ; un an de retard sur la mise en service de toutes les interconnexions actuellement en construction et enfin une légère augmentation de la consommation. »
Les approfondissements souhaités par le ministre, indique RTE, portent notamment sur des retards supplémentaires pour différentes sources de production (nucléaire, centrale gaz de Landivisiau) des retards dans la mise en service de l’interconnexion Eleclink avec la Grande-Bretagne, et surtout des événements précités simultanés deux à deux.
En outre, le ministre a demandé à RTE de prendre en compte une potentielle reconversion du site au charbon de Cordemais par le projet Ecocombust, fondée sur une alimentation de la centrale en bois.
Dans ce cadre de « non-réalisation cumulée de plusieurs hypothèses principales listées dans le bilan prévisionnel », RTE juge que « le critère de sécurité d’alimentation ne serait plus respecté à l’horizon 2022 en cas de fermeture de toutes les centrales au charbon ». Et dans des configurations plus dégradées évoquées par la demande du ministre, le manque de capacité pourrait atteindre en 2022 plusieurs gigawatts (entre 2 et 3 GW). Un manque de capacités qui n’interviendrait, insiste RTE que sur certaines heures dans l’année, et avec une probabilité faible. En outre, le risque serait transitoire et devrait être résorbé au plus tard en 2024.
Les remèdes du gouvernement
Dans ce contexte et pour anticiper l’ensemble de ces cas de figure, le Gouvernement va activer plusieurs leviers, sur la demande et l’offre d’énergie, pour parvenir à mettre en œuvre l’engagement d’arrêt de la production d’électricité à partir du charbon d’ici 2022 sans dégradation de la sécurité d’approvisionnement.
D’abord, de manière prioritaire, en intensifier les efforts en matière de maîtrise de la consommation d’électricité, en particulier celle de la « pointe » de demande électrique en cas de grand froid. Ensuite, « il apparaît ainsi indispensable d’optimiser la date et la durée des arrêts planifiés des réacteurs nucléaires pour gagner des marges en termes de sécurité d’approvisionnement ». François de Rugy a ainsi demandé à EDF d’optimiser les périodes d’arrêt dans le respect des décisions de l’autorité de sureté nucléaire afin de limiter les risques de dépassement sur les périodes hivernales. Le calage précis de ce calendrier sera discuté dans les semaines à venir avec l’entreprise, l’ ASN et RTE. Enfin, « si des assurances sur le démarrage de l’ EPR ne sont pas obtenues, une production d’électricité pour quelques dizaines d’heures par an (250 heures maximum), à Cordemais, serait nécessaire pour garantir la sécurité d’approvisionnement lors des épisodes de tension sur l’équilibre offre-demande dans l’Ouest de la France. La centrale de Cordemais serait alors mise à l’arrêt et gardée en veille », indique le ministre.
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