27 mai 2019
Climat et énergie: le gouvernement allemand au pied du mur après les élections
Sommée par les électeurs d'agir en matière climatique, la coalition gouvernementale allemande d'Angela Merkel doit surmonter ses divisions pour avancer dès mercredi sur une vaste loi promise cette année, tâche la plus ambitieuse de son mandat."Pour une raison quelconque, le climat est soudainement devenu un enjeu mondial", s'étonnait dimanche soir un haut responsable du parti conservateur de la chancelière, Armin Laschet, y voyant l’œuvre de "jeunes gens impatients". Il s'est attiré une vague de railleries sur les réseaux sociaux.
Car l'envol des Verts, deuxième force politique du pays dimanche lors des élections européennes avec 20,5% des suffrages, ne fait que refléter la préoccupation croissante des Allemands pour l'environnement et le climat et l'insuffisance, pour 68% d'entre eux, de la politique menée dans ce domaine.
Exaspérés par l'inertie des élus, les lycéens et étudiants du mouvement "Fridays for Future" se mobilisent depuis des mois déjà, dans la rue mais aussi en s'invitant dans les assemblées générales des grands groupes du pays, de RWE à Volkswagen en passant par Deutsche Bank. La semaine dernière, 80 Youtubeurs allemands ont appelé leurs millions d'abonnés à sanctionner la coalition gouvernementale de Mme Merkel, composée du centre-droit et des sociaux-démocrate, en raison de son manque d'engagement sur le climat, donnant aux critiques adressées au pays depuis des années une visibilité inédite.
Adieu charbon
Quant au gouvernement, qui se réunit mercredi sur le dossier du climat, il a lui-même reconnu mi-mai être bien parti pour manquer largement ses engagements de réduction des gaz à effet de serre. Sauf à modifier sa politique actuelle. Si Berlin a d'ores et déjà renoncé à son objectif 2020, l'alliance gouvernementale brinquebalante a réaffirmé dans son contrat de coalition vouloir diminuer ses émissions de 55% en 2030 par rapport à 1990.
Pour cela, Angela Merkel a promis une grande "loi climatique" d'ici la fin de cette année, déterminant des mesures par secteur, de l'énergie aux transports en passant par l'agriculture, l'industrie et le bâtiment. La première tâche incombe au "Klimakabinett", formation resserrée du gouvernement qui réunit tous les ministres concernés : il s'agit d'organiser l'abandon du charbon d'ici 2038, alors que l'Allemagne doit déjà achever avant 2022 sa sortie du nucléaire.
Délicat sur le plan technique, ce chantier est aussi explosif politiquement : l'extrême droite climato-sceptique (AfD) est ressortie dimanche en tête dans deux régions minières d'ex-RDA, la Saxe et le Brandebourg, où se tiendront des élections régionales en septembre. Et ce parti a proclamé lundi que les Verts étaient désormais leur "principal adversaire".
Mais l'action climatique dans les transports s'annonce tout aussi périlleuse, alors que ce secteur est le seul à échouer depuis 1990 à réduire significativement ses émissions.
En attendant Merkel
Or la coalition n'a cessé ces derniers mois d'afficher ses divisions en la matière, peinant même à trouver une ligne cohérente à l'intérieur du camp conservateur comme entre sociaux-démocrates. Impossible donc de prédire quel modèle sera retenu pour donner "un prix aux émissions carbone", alors que cet objectif fait l'unanimité parmi les experts ou les associations écologistes pour inciter chaque secteur à devenir plus propre.
Une partie des conservateurs prône ainsi une extension du marché européen du carbone, aujourd'hui limité à l'industrie lourde et l'énergie, mais la nécessité de convaincre les autres États rend cette piste largement illusoire.
Quant à l'hypothèse d'une "taxe sur le CO2" limitée à l'Allemagne, bien plus simple à mettre en oeuvre, elle divise chaque camp politique tant la crainte est grande de faire naître un mouvement de type "gilets jaunes". Et Angela Merkel, qui a amplement démontré en presque 14 ans de pouvoir sa tendance à tergiverser sur les dossiers délicats, ne fait pas exception en matière climatique.
Dernièrement, plutôt que de trancher le débat sur la taxe carbone, elle a préféré relancer le sujet du "captage-stockage" souterrain du CO2.
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